Guylaine Tremblay: confession d’une actrice
Un petit mensonge a convaincu guylaine tremblay qu’elle devait être actrice.
Guylaine Tremblay cumule les prix Gémeaux, MetroStar, Jutra et Artis, ayant même remporté trois titres consécutifs de personnalité féminine de l’année. Et cette popularité ne s’essouffle pas. Celle qui a gagné le cœur du public dans Annie et ses hommes et maintenant dans Unité 9 se dit surprise, mais surtout honorée et flattée d’apprendre qu’elle s’est classée au 4e rang de notre palmarès de la confiance 2013. «J’ai l’impression qu’à travers mes personnages, les gens sentent que j’ai une volonté d’authenticité réelle», confie-t-elle. Ce sentiment s’impose tout autant lorsqu’on s’entretient avec la femme derrière l’actrice; on découvre une personnalité profondément humaine, vraie et modeste. Le genre de femme qu’on voudrait comme amie.
Quelque deux millions de téléspectateurs ont été conquis par Unité 9, un téléroman dans lequel le thème de la confiance est exploité, notamment par votre personnage de Marie Lamontagne.
Absolument, parce qu’elle est arrivée en prison et elle ne connaissait pas les codes, l’atmosphère et les liens qui s’y tissent. Mais peu à peu, avec une force tranquille, elle a réussi à s’imposer. La confiance vient beaucoup de l’absence de jugement. Quand tu es face à quelqu’un qui juge sans arrêt, tu ne peux pas lui faire confiance parce que tu te dis que cette personne manque d’ouverture d’esprit, a des jugements trop hâtifs et n’arrive pas à nuancer. Je pense que tu as confiance en quelqu’un parce que tu as la certitude d’être accueilli par cette personne, qu’elle va t’écouter et te dire honnêtement ce qu’elle ressent.
En prison, la confiance est d’or et difficile à bâtir, mais aussi facilement perdue. Diriez-vous que cet environnement est représentatif de la vie en société?
Le climat de non-confiance en prison vient du fait que ce sont des personnes qui ont été souvent trahies, qui sont en souffrance et très vulnérables, donc c’est un condensé très fort de la vie. Mais c’est vrai que dans la vie, faire confiance à 100% à quelqu’un n’est pas évident. On a tous nos histoires de malentendus et parfois de petites ou grandes trahisons, donc il y a très peu de gens en qui on a une confiance inconditionnelle.
À qui faites-vous le plus confiance?
J’ai une confiance inébranlable en ma famille, mon «chum» et mes enfants, de même qu’en quelques amis. J’ai cette chance d’avoir un noyau très solide autour de moi, des gens qui m’acceptent comme je suis et en qui je peux avoir totalement confiance. C’est un grand cadeau de la vie.
Et à qui faites-vous le moins confiance?
À ceux qui n’agissent jamais. J’ai tendance à ne pas faire confiance à des gens qui ne font qu’exposer des idées et ne les mettent jamais en application. C’est très facile d’avoir des théories sur tout et sur rien, mais pour moi, les actions parlent. Et comme tout le monde, ma confiance envers les politiciens est un peu faible.
Plusieurs d’entre eux se classent justement au bas de notre liste, parmi les moins fiables.
Et je suis pareille aux autres. Au fond de nous, on aimerait croire en nos hommes politiques, mais on est en grosse crise de confiance au Québec. Avec l’infinie magouille qui ressort de la commission Charbonneau, c’est difficile de garder espoir. Mais il faut faire confiance à la jeunesse, ce sont les jeunes qui peuvent changer les choses.
Êtes-vous de ceux qui pensent que toute vérité est bonne à dire?
Toute vérité est bonne à dire quand il y a une injustice et qu’on le sait, et que cela va blesser ou exclure des gens. Par contre, parfois on est mieux de se taire, quand la peine qu’on ferait serait infiniment trop grande par rapport à la vérité qu’on dira. C’est une question de jugement. Si quelqu’un est très malade, mais persuadé de guérir, je ne verrais pas pourquoi je lui dirais que, selon les statistiques, ses chances de crever sont de 98%.
Seriez-vous prête à nous confier un mensonge, peut-être anodin, que vous avez fait?
Un mensonge a contribué à me convaincre de devenir actrice. Un jour, j’allais prendre l’autobus Voyageur, et je devais retirer de l’argent pour m’acheter un billet; or, la machine a avalé ma carte de guichet. Je suis allée voir le vendeur de billets et je lui ai dit: «Ma carte a été bouffée, mais je peux vous faire un chèque.» Et il a dit: «Non, on ne peut pas accepter.» Puis, je lui ai dit qu’il fallait absolument que j’aille à Montréal, parce que ma sœur avait eu un accident d’auto. Et je me suis mise à pleurer. Je n’ai pas de sœur et je n’aurais pas osé dire un frère parce que j’en ai un et je n’aurais pas voulu tenter le sort! Il a finalement pris mon chèque, et je suis montée dans l’autobus. J’avais vraiment honte parce que j’avais profité du bon cœur de quelqu’un. Mais en même temps, je me suis dit: «Il t’a crue! Tu devrais t’en aller en théâtre!» J’ai réalisé que j’étais capable de jouer quelque chose. Je devais avoir 15 ou 16 ans. Mais je n’étais pas contente de moi! Je sentais que j’avais abusé de mon pouvoir de persuasion. Alors je me suis dit: «Je suis aussi bien d’en faire un métier, ainsi je ne ferai de mal à personne!»