À 25 ans, mes enfants vivent encore à la maison
Nos enfants sont à la maison, mais ils sont adultes. Ils ont un boulot. Mais pourquoi ne veulent-ils pas quitter le nid familial ?
Ma femme Cheryl et moi nous tenions par la main, prêts au pire. « C’est grave, a constaté l’homme venu vérifier l’état de notre maison. L’un des pires cas que j’ai vus en 25 ans de métier. » Je savais que c’était grave, mais à ce point?
Après avoir fait le tour de la maison, tapé ici, éclairé là et secoué la tête sans arrêt, l’homme aux grandes mains a commencé à nous expliquer les travaux. « On va d’abord s’attaquer à la cuisine, leur source de nourriture. »
Oui, là, ils sont redoutables, ai-je pensé. Chaque soir, nous laissons la cuisine prête pour une séance photo digne d’un magazine de décoration intérieure et, chaque matin, nous la retrouvons en désordre, des déchets disséminés partout, les portes d’armoires ouvertes et des miettes sur le comptoir. Comme si des fées grignoteuses avaient dansé et festoyé toute la nuit pendant que nous dormions.
« Il faudra tout démanteler jusqu’à la charpente, retirer le plancher, abattre le plâtre et refaire le système électrique.
On va entreposer vos appareils électroménagers. Vous ne pourrez pas conserver de la nourriture ni cuisiner pendant environ trois mois. »
« On va ensuite s’attaquer à l’eau, a-t-il poursuivi en précisant qu’il avait appris avec le temps que ces intrus, peu importe leur nombre, font de longues ablutions près des sources d’eau. On va couper l’alimentation du rez-de-chaussée et de l’étage, mais pas celle de la petite salle de bains au sous-sol. »
« Puis on s’en prendra à leur nid. C’est complexe dans les vieilles maisons comme la vôtre, parce qu’ils peuvent s’y sentir bien et s’y installer. Comme ce sont des créatures nocturnes, nous concentrerons nos activités le jour pour perturber leurs habitudes de sommeil en faisant le maximum de bruit. »
Je n’étais toujours pas convaincu.
« Si on commence les travaux demain, vos enfants seront partis d’ici l’été, c’est garanti! »
J’ai secoué la tête, incrédule. Comment en étions-nous arrivés là ? Rénover une cuisine et deux salles de bains seulement pour que nos trois enfants dans la vingtaine quittent la maison ! Où avions-nous échoué?
Pendant leur enfance, ils semblaient se développer « normalement ». Ils ont appris à marcher, à parler et à se faire des amis. Ils ont aimé leur école élémentaire, leurs soirées ainsi que leurs activités sportives, artistiques et musicales.
Au secondaire, ils ont découvert les relations amoureuses et ont compris que leurs parents n’étaient pas des plus futés. Puis sont venues les années de libération : le collège et l’université.
Nous avons pensé que notre travail était terminé. Nos enfants étaient partis, prêts à affronter le monde ! Mais voilà que, sans trop savoir pourquoi, les choses ont commencé à se gâter.
Tout a commencé par un retour « temporaire » – le temps de rembourser leur prêt étudiant, disaient-ils. Puis nous sommes passés à la phase : « Vivre ici m’aide à mettre de l’argent de côté pour l’avenir », elle-même rapidement suivie par : « Tous mes amis vivent encore chez leurs parents, je n’arrive pas à trouver de colocataires. »
L’évidence m’a finalement sauté aux yeux un soir où j’essayais de conseiller ma fille de 25 ans. Elle s’apprêtait à aller rencontrer un jeune inconnu pour récupérer le téléphone qu’elle avait perdu la veille dans une boîte de nuit du centre-ville. Je lui ai alors suggéré de le remercier en lui offrant une carte–cadeau de 20 $ dans un café.