Les Nombrils: une B.D. québécoise, un succès international!
Elles sont trois. Deux chipies, Vicky et Jenny, considérées comme les filles les plus sexy de l’école, et Karine, leur faire-valoir, une timide au cœur d’or que les deux premières qualifient obligeamment de « moche ». Bienvenue dans l’univers des Nombrils, la bande dessinée créée au Québec par un couple sherbrookois et vendue à travers le monde à plus d’un million d’exemplaires.
Parmi les thèmes abordés dans cette satire mordante de l’adolescence au féminin, on trouve l’intimidation, le culte de l’image et l’hypersexualisation.
«Notre propos est de montrer un trio de filles narcissiques, centrées sur leur nombril», explique Maryse Dubuc, créatrice de la série avec Marc Delafontaine, alias Delaf. Prépubliés dans le périodique de bande dessinée franco-belge hebdomadaire Journal de Spirou, les déboires de Karine, Vicky et Jenny ont connu un succès phénoménal sur le marché francophone.
Au fil des ans, l’histoire des Nombrils s’est enrichie de nombreux personnages secondaires, de nouveaux thèmes sont apparus (l’homosexualité, par exemple)et depuis le tome 3, chaque album cartonné publié aux éditions Dupuis s’inscrit dans le prolongement du précédent. Lancé en octobre dernier, le sixième album, Un été trop mortel!, possède un petit côté polar.
En plus d’être traduites dans une demi-douzaine de langues (la série s’appelle The Bellybuttons en anglais), les aventures des trois mignonnes font l’objet de deux projets cinématographiques au Québec, un long métrage avec de vrais acteurs et un film d’animation co-scénarisé par François Avard, l’auteur des Bougon.
Couple dans la vie, les parents des Nombrils habitent toujours l’Estrie et travaillent de concert. Maryse écrit les scénarios. Marc signe les dessins. « C’est très exigeant souligne-t-il. Il y a toutes sortes de contraintes. Comme de terminer chaque page par un gag. »
Nés dans le magazine Safarir en 2004, les personnages imaginés par Delaf & Dubuc ont rapidement émigré en Belgique, la mecque de la B.D. francophone. Comme Karine, le souffre-douleur de la série, le duo ne misait pas énormément sur son pouvoir de séduction.
« Gagner notre vie avec la B.D. relevait du rêve, explique Maryse. Nous ne pensions pas retenir l’attention de l’éditeur du Journal de Spirou aussi facilement. » Pourtant Bruxelles leur a ouvert les bras et une rue de la capitale belge a récemment été baptisée Les Nombrils en l’honneur des héroïnes les plus drôles et les plus attachantes des B.D. de l’heure !
« Chez Dupuis, raconte encore la scénariste, on nous a d’abord suggéré de faire deux versions, une québécoise et une européenne. Nous avons plutôt opté pour un français international dans tous les albums, en gommant la plupart des régionalismes. Bref nous avons décidé de doter nos personnages d’un vocabulaire à eux. » Il ne faut donc pas chercher de mecs ou de gars dans la série à succès, même si, comme toutes les gamines de leur âge, Karine, Jenny et Vicky en sont obsédées.
Également absents des petites cases : les mots polyvalente, lycée, bouton de fièvre (ainsi que son équivalent « feu sauvage ») et babillard. Mais on a conservé « moche » et les filles canon pullulent en courbes et en couleurs.
Sorte de patchwork d’influences diverses, la série paraît tout à fait Belge de ce côté-ci de l’Atlantique alors que ses décors et certaines situations (la Saint-Valentin, par exemple) ont quelque chose d’exotique pour un Européen.
Un jeune lecteur s’informait d’ailleurs de la signification de « tabarnak » sur la page Facebook de la série il y a quelque temps. La réponse lui est parvenue aussitôt: « C’est un patois québécois qui démontre un état de mécontentement. » Marc Delafontaine explique: « Le mot apparaît dans un des albums sous forme de graffiti. J’ai aussi griffonné un » loi 101 » dans le même esprit. »
Voilà comment s’exporte la culture québécoise à l’heure de la B.D. superstar.
Et quand le triomphe est au rendez-vous, que demander de plus ?