Le plaisir est sous les couvertures
Le slam, vous connaissez? Laissez-vous charmer par la poésie de l’un des champions mondiaux de cet art oratoire, Guy Perreault.
Ça commence mine de rien page 14 d’un bouquin. Je suis là, je déambule dans le discours, je dévale des paragraphes, j’escalade des consonnes, je cueille des apostrophes, je me roule dans les adjectifs, ça sent bon la métaphore, le soleil me chauffe les onomatopées… je suis bien !
Un moment subordonné, passé un bouquet de phonèmes, il me vient un arôme de palindrome…
C’est là qu’elle m’apparaît, belle comme un vers libre, lascive comme une digression dans une platebande d’alinéas.
Une beauté adverbiale, le féminin on ne peut mieux accordé.
Je la revois dans sa forme passive, coiffée d’un beau chapitre, avec un corps de texte, des accents aigus ici et là, des courbes entre les syllabes, des attributs du subjonctif, les jambes en pied de page… une belle grande cédille, je te dis !
Moi, un peu voyelle, je décide de me délecter le possessif. Je me mets à lui reluquer l’article défini…, j’avoue qu’elle me travaille dans les majuscules…
Je suis là que je compose au masculin, j’ai le crayon qui a bonne mine, vois-tu, et puis d’après mes avant-propos, le contexte se prête à une proposition circonstancielle.
Mais comment aborder le sujet ? Comment faire pour s’accorder en genre ? Elle a l’air tellement intransitive !
Peut-être qu’un complément d’objet bien placé… hum… j’ose pas trop m’avancer le substantif.
Tout à coup, elle ouvre les guillemets. Elle me lance une virgule, je lui décoche un tréma.
Mais décontenancé, je me prends le pied dans un antonyme qui passe par là, puis je m’affale de tout mon long dans la périphrase…
Elle part à rire ! Elle rit, elle rit, à s’en décrocher les ellipses ! Le rimmel lui coule dans les césures, elle est barbouillée jusqu’aux circonflexes.
Moi, je suis complètement transitif. Je me ramasse les particules, je me compose un air d’entrée en matière, puis là je lui bafouille un complément indirect qui a l’air d’un épilogue, misère…J’ai le futur déjà antérieur, je le sens, je veux me déguiser en litote !
Mais là, coup de théâtre ! Encore aujourd’hui, je suis sûr que c’est arrangé avec le gars des phrases !
Elle se tourne pour mieux me diphtonguer, elle s’accroche dans une figure de rhétorique, son orthographe se détache, puis elle me dévoile ses syntaxes… La bouche en B, j’ai les deux yeux dans les épithètes… et le verbe qui se fait chair jusqu’au mode indicatif… J’ai le goût du participe assez présent !
Je vous fais grâce des développements, mais disons que je lui chatouille le pronom personnel, elle m’effleure l’hyperbole, on s’échange le trait d’union, on s’explore le conditionnel, je lui palpe le point-virgule, elle me tâte l’euphémisme…
On finit par se conjuguer une partie de phonétique en accord grammatical, un amour infinitif au futur plus-que-parfait.
Bien, figurez-vous qu’on est encore ensemble aujourd’hui.
Des fois, elle tire la couverture sur son bord, mais à l’heure de fermer les livres, on se caresse la reliure, on se roucoule des petits synonymes, on se fait un belle figure de style, puis on s’endort dans de beaux draps, des draps de littérature.