L’anxiété: un tremplin, pas un obstacle
Pour Jean-Philippe Turgeon, gérer ses émotions notamment son anxiété a été un long combat. Il avait la ferme intention de le gagner, et d’en faire profiter les autres.
Jean-Philippe Turgeon a vécu en Floride, en Californie, fondé un magazine consacré à l’automobile… et fait faillite: tout cela avant l’âge de 20 ans, et avec en poche un diplôme de secondaire V. Et c’est sans études collégiales qu’il s’est inscrit en droit à l’UQAM pour devenir quelques années plus tard un avocat prospère dans une importante firme de Montréal. Bref, il avait une farouche envie de réussir, et il a déjoué tous les pronostics.
Or, il aspirait à quelque chose de plus grand que lui, question de créer un réel impact dans la société. Car derrière son assurance et ses succès se cache un homme souffrant d’anxiété depuis toujours, de même qu’un père parfois démuni devant celle de ses trois enfants. Cette impuissance a atteint un sommet lors de vacances au Costa Rica alors que sa fille aînée a vécu un épisode de crise particulièrement aigu. Aussi attristée que lui, sa conjointe de l’époque s’étonnait que la gestion des émotions ne soit pas enseignée à l’école. Il n’en fallait pas davantage pour convaincre Jean-Philippe de créer Moozoom, une plateforme multimédia et interactive, l’outil qu’il aurait tellement aimé pouvoir utiliser lorsqu’il était enfant. Et qui aurait aussi fait une grande différence dans la vie de sa fille.
Voici les signes de dépression infantile que les parents devraient connaître.
Un apprentissage qui prend du temps
À l’école, les élèves apprennent à lire, à écrire et à compter. Avec votre plateforme, remplie d’épisodes inspirés du quotidien et de témoignages, vous désirez leur apprendre à gérer leurs émotions, tout cela à travers la parole des jeunes. N’est-ce pas la tâche des parents?
Les parents veulent aider leurs enfants, mais ils ne sont pas formés pour ça, et c’est un apprentissage qui prend du temps alors qu’ils sont surchargés. L’idée derrière Moozoom, c’est de propulser les enfants dans des histoires semblables aux leurs, d’interagir avec les personnages et de développer des stratégies d’adaptation. Ce que tu apprends en première année du primaire sur l’anxiété, les troubles d’opposition et les habiletés sociales, ça peut te servir toute ta vie. Car il y a les savoir-faire, mais aussi les savoir-être. Et faut-il attendre que des élèves se retrouvent dans une situation de crise comme celle qu’a vécue ma fille pour agir? Je le répète aux enseignants: c’est ingérable, et vous ne voulez pas vivre ça dans votre classe.
Arrête-toi. Réfléchis. Agis.
Est-ce que les parents comprennent la nécessité de cette approche?
Pas nécessairement Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Une vidéo sur l’intimidation suscitait des commentaires d’adultes comme «Que nos enfants arrêtent de pleurer et deviennent des hommes!», «Lui, j’irais lui péter la gueule!» Développer des compétences sociales et émotionnelles, ça ne veut pas dire ne pas vivre des émotions. C’est être conscient de vivre une émotion pour agir… ou pas. Parce que l’on peut parfois poser des gestes que l’on va regretter. Chez les jeunes, nous utilisons ce concept: Arrête-toi. Réfléchis. Agis.
Méfiez-vous de ces choses du quotidien qui peuvent déclencher l’anxiété.
«Papa, t’étais pas là!»
Plusieurs adultes sur les réseaux sociaux devraient s’en inspirer! Faites-vous la même chose au quotidien, avec vos enfants?
Je travaille très fort aujourd’hui pour me détacher de la performance absolue et me rapprocher de mon cœur. La détermination et le succès ont été de grands moteurs tout au long de ma vie. Et c’est ce que j’ai envie de dire aux jeunes aujourd’hui, de se servir de leur détermination pour accomplir leurs rêves et ainsi être plus heureux. C’est pourquoi je m’efforce de décrocher, d’être présent, ce qui fait plaisir à mes enfants. Car je n’ai pas toujours eu cet état d’esprit, à cause de ma carrière, et j’avais l’impression de perdre quelque chose. Aujourd’hui, je joue aux échecs avec mon garçon et je vais marcher avec ma fille, ce qui représente une forme de méditation, que je pratique depuis quatre ans. C’est encore un apprentissage, je ne suis pas devenu moine bouddhiste! Mais j’aurais pu leur offrir un meilleur parcours, et mes enfants me le disent: «Papa, t’étais pas là!»
Régler les conflits avec Moozoom
Vous avez lancé Moozoom le 16 mars 2020, soit quelques jours après le début de la pandémie au Québec, et fait une croix sur votre carrière d’avocat de même que sur un salaire annuel de 600 000$. Anxieux comme vous l’êtes encore, comment avez-vous traversé cette période?
N’importe quel entrepreneur vous le dira: il faut se préparer. J’ai quitté mon emploi en 2020, mais j’ai commencé à travailler sur Moozoom le 1er janvier 2019. J’ai vendu mes voitures sport, mon chalet, et arrêté d’investir dans l’immobilier.
N’hésitez pas à appliquer ces conseils pour stimuler l’intelligence émotionnelle de vos enfants.
Plus besoin d’avoir peur
D’une certaine façon, vous étiez déjà fin prêt pour les rigueurs et le minimalisme du premier confinement!
En effet! Ce sont mes enfants qui s’inquiétaient, convaincus qu’on allait se retrouver au Carré Viger! Mais au moment de tourner le pilote de la version américaine de Moozoom, mon garçon de 10 ans m’a dit une chose extraordinaire, qui m’émeut encore maintenant: «Papa, on a réussi, on n’a plus besoin d’avoir peur.»
S’il ne veut pas se confier à vous, ceci vous aidera à délier la langue de votre enfant.
La réussite des élèves avant tout
Si je vous offre de devenir ministre de l’Éducation, quels gestes poseriez-vous?
Les enseignants sont eux aussi performants, et ils veulent que leurs élèves réussissent. Sans négliger les apprentissages, je ferais une plus grande place aux compétences sociales et émotionnelles. Grâce à cela, les élèves réussiront mieux sur le plan académique. On le voit déjà avec Moozoom, des enseignants nous le disent: ils constatent des changements dans leur classe, il y a moins de gestion de comportements à faire, les élèves utilisent les mêmes stratégies pour régler des conflits. Et un meilleur climat favorise l’apprentissage. Cela dit, je n’aspire pas à devenir ministre de l’Éducation!