«J’ai survécu»: 3 récits de survivants à glacer le sang
Trois personnes ont frôlé la mort…et ont survécu pour en parler.
«J’ai survécu à l’inondation de mon appartement»
Christian Fleischmann, 33 ans
Il était 1h20, le matin du 15 juillet 2021. Je venais de me mettre au lit, légèrement ivre après avoir fêté mon 31e anniversaire avec des copains, dans l’appartement que j’occupais au sous-sol de la maison de ma sœur.
Je vivais à Sinzing, au sud de Bonn, en Allemagne, à environ 500 m de la rivière Ahr. Il avait plu à verse toute la semaine; les autorités avaient émis un avertissement de crue et ordonné des évacuations, mais pas dans mon quartier. Par précaution, j’avais empilé des sacs de sable devant la porte qui donnait sur le jardin, et placé les vêtements et les appareils électroniques sur les tables et le canapé, au cas où l’eau s’infiltrerait. Mes amis s’étaient moqués de moi durant la soirée, mais je ne voulais rien risquer.
Je sombrais dans le sommeil quand j’ai été brusquement réveillé par un bruit d’eau tumultueuse. En sortant du lit, j’ai atterri dans l’eau froide jusqu’aux genoux. Et elle montait vite!
J’ai pensé qu’une canalisation avait sans doute sauté dans la salle de bain. Tremblant de froid, j’ai attrapé mon téléphone et allumé la lampe de poche. Il faisait nuit noire. Ce n’était pas la canalisation. L’eau entrait par la porte du jardin. Les sacs de sable avaient vraisemblablement cédé. Des tas d’objets flottaient dans le salon, des chaises, des étagères, une partie de ma batterie. Je commençais à paniquer. La rivière Ahr, ce cours d’eau tranquille, au débit habituellement si lent, était violemment sortie de son lit. Il fallait que je sorte – et vite !
Les effets de l’alcool s’étaient dissipés – la peur dégrise. Sous la pression de l’eau, la porte du jardin faisait un bruit de craquement d’allumettes. Ça ne ressemblait à rien que je connaissais, un mélange de crissements, de sifflements et de collisions. Implacable. Avec de l’eau qui me montait désormais à la taille, les pieds nus, le boxer collé à la peau, j’ai avancé péniblement vers la seule sortie accessible: la porte de l’escalier qui conduisait au rez-de-chaussée de la maison. Tout se brisait autour de moi – les lampes volaient en éclats, le frigo et les placards étaient renversés. J’ai pu tant bien que mal gagner la porte qui menait à l’étage, mais l’eau la tenait sous pression. Quand j’arrivais à l’entrouvrir, la masse liquide la refermait aussitôt. J’ai cherché autour de moi un objet qui m’aurait permis de la caler et de la maintenir ouverte.
Dans un coin, j’ai repéré un balai, une épée très lourde dénichée dans une foire médiévale et un portemanteau. Je les ai mis en tas entre le cadre et la porte pour la maintenir suffisamment entrebâillée. L’épée m’a sauvé la mise. Je me suis glissé par les 30 cm d’ouverture et j’ai pu enfin gagner l’entrée. La noirceur était totale. J’ai gravi l’escalier jusqu’au deuxième où habitait ma sœur. Mort d’inquiétude, j’ai tambouriné à sa porte et crié son nom avant de me rappeler qu’elle ne dormait pas à la maison ce soir-là.
Revenu au rez-de-chaussée – mon autre sœur y louait un bureau –, je suis sorti. Immobile dans le noir, trempé et essoufflé, je contemplais le paysage aquatique où flottaient des branches et des arbres. La rivière avait inondé le quartier. Me calmant peu à peu, j’ai pris conscience que, si j’avais tardé de quelques minutes à me réveiller, j’y aurais laissé ma peau.
On nous a assuré que de tels événements ne se produisent qu’une fois tous les 100 ans. Je l’espère. Plus de 180 personnes sont mortes dans ces inondations, et certains villages de la région ont été balayés.
Aujourd’hui, je vis chez mes parents au centre-ville et dors dans le bureau de mon père. Étudiant en psychologie, j’enseigne les arts martiaux à des écoliers. Je ne pourrai jamais retourner vivre dans cet appartement parce que je suis hanté par la peur que ça ne se reproduise.
Nous n’avions pas d’assurance inondation, le quartier où se situait la maison n’étant pas considéré comme une zone à risque. Nous nous chargeons donc des travaux nous-mêmes. La maison a été dévastée, comme bien d’autres habitations voisines, y compris celle qui accueillait des personnes handicapées. C’était horrible. Certains ne s’en sont pas sortis.
Quand mon ancien appartement sera sec et que les travaux seront finis, il accueillera une école d’arts martiaux.
Cette expérience aura eu du bon: je suis plus reconnaissant et déterminé à vivre intensément chaque jour de ma vie. J’ai failli me noyer et je retiens les paroles que ma mère a prononcées par la suite: «Christian, il ne faut pas se souvenir du jour où tu as tout perdu, mais de celui où tu as survécu.»
Découvrez ensuite cette histoire d’une jeune femme qui a été emportée par la rivière Niagara!
«J’ai survécu au dysfonctionnement de mon parachute»
Jordan Hatmaker, 36 ans
Le 14 novembre 2021 était une journée idéale pour le parachutisme: ensoleillée avec très peu de vent. J’étais encore novice avec seulement 14 sauts à mon actif – trop peu pour obtenir la licence. J’avais peur, bien sûr, mais on affronte mieux le risque avec un peu de peur, non? C’est cela qui m’avait séduit dans ce sport. J’ai toujours fait dans l’excès.
Le hangar était à 40 minutes en voiture de chez moi. À la périphérie de Suffolk, dans le sud-ouest de la Virginie, il y avait tout l’espace aérien et les terres non habitées dont on pouvait rêver. Je suis monté à bord de l’avion avec 15 autres parachutistes pour un premier saut à 13h30. Le temps était superbe. J’avais repassé avec mon instructrice toutes les consignes de sécurité – un rituel à reprendre avant chaque saut, quelle que soit l’expérience du parachutiste. Il faut notamment pointer depuis la porte de l’avion la zone de saut – l’endroit où vous prévoyez atterrir – à 4100 m, pour diriger le saut.
Nous avons sauté, moi d’abord, puis mon instructrice, plongeant en chute libre à quelque 200 km à l’heure, soit 300 m en 5 secondes. C’est une sensation exaltante et terrifiante à la fois, avec le monde qui s’ouvre sous nos yeux. J’étais porté par le vent et, à environ 1200 m du sol, j’ai déployé l’extracteur – un petit parachute utilisé pour l’extraction de la voile principale. Une fois libéré, le grand parachute s’est gonflé d’air, et je disposais d’environ une minute pour profiter de la quiétude en me balançant doucement vers l’herbe du sol. Je me sentais invincible.
Nous sommes vite repartis pour un deuxième saut. Le groupe de parachutistes discutait et plaisantait dans l’avion. C’était génial. J’ai répété la même scène avec l’instructrice, puis nous avons sauté.
Après 30 secondes, à environ 1680 m, nous nous sommes éloignés l’un de l’autre pour que nos parachutes puissent se déployer sans obstacle. J’ai jeté un coup d’œil sur l’altimètre et me je suis rendu compte que j’étais plus bas que je ne croyais. Le sol arrivait à une vitesse vertigineuse! Je savais qu’il fallait libérer l’extracteur à environ 1200 m, comme la dernière fois, mais, pris au dépourvu et pressé, je n’ai pas pris le temps de stabiliser ma position. Quand j’ai tiré l’extracteur, au lieu qu’il se relâche dans la colonne d’air pour se gonfler, il s’est enroulé autour de ma jambe droite en la tirant vers le haut – je ressemblais à une ballerine. Le parachute principal restait dans son sac. Il suffit que je me dégage, ai-je songé calmement. J’ai perdu 7 secondes à essayer de me démêler, en vain. J’aurais mieux fait de déployer immédiatement le parachute de réserve.
Je distinguais de plus en plus nettement le sol et me préparais au choc. Étonnamment, je ne m’attendais pas à un impact catastrophique. Je m’en tirerais avec une fracture de la jambe, tout au plus. J’ai toujours été optimiste.
Soudain, le parachute de réserve automatique (qui se déploie quand le principal ne fonctionne pas) s’est ouvert. J’ai regagné une certaine maîtrise avant de viser les herbes en espérant que l’atterrissage y serait plus doux.
Mon soulagement a été de courte durée. Quelques secondes plus tard, le parachute principal sortait enfin de son sac et se gonflait. Entrées en concurrence, les deux voiles se sont mises à tirer chacune de son côté, ce qui a violemment précipité ma chute au sol, non loin de la zone de saut.
En m’écrasant, j’ai senti une brûlure vive sur tout le corps. J’ai essayé de me relever – c’est ce qu’il faut faire quand on n’atterrit pas sur ses pieds – pour montrer que ça allait. J’en étais incapable. Mes membres inférieurs étaient figés. Le visage dans l’herbe, les bras en croix, j’ai hurlé: «À l’aide! Au secours!» Entre chaque appel, je priais à haute voix: «Pitié, mon Dieu. Faites que je ne sois pas paralysé!»
Je suis resté ainsi 5 minutes, le visage enfoui dans l’herbe. Puis les gens du club de parachutisme sont arrivés. Ils m’ont entouré, désireux d’aider, mais ne pouvaient rien faire. Me bouger aurait été trop risqué, ce que je n’ai pas compris tout de suite. Je les ai donc accablés d’injures et d’appels à l’aide à mesure que l’état de choc se dissipait et que la douleur s’installait.
L’ambulance est arrivée une demi-heure plus tard; la douleur était telle qu’il a été impossible de me mettre sur une civière pour le transport. Je hurlais. Puis j’ai entendu l’hélicoptère. À son arrivée, l’équipe médicale de l’ambulance aérienne m’a administré de la kétamine qui m’a envoyé au pays des rêves, puis j’ai été transporté au centre de trauma le plus proche.
Les blessures se sont révélées assez graves: une cheville éclatée, une fracture du tibia et une lésion de la colonne vertébrale responsable d’une fuite de liquide rachidien. Personne ne pouvait assurer que je marcherais de nouveau un jour, mais j’étais déterminé et, en février 2022, trois mois après l’accident, je faisais mes premiers pas. J’ai entrepris un programme de physiothérapie soutenu qui se poursuit encore aujourd’hui. En novembre 2022, alors que j’étais incapable de soulever les jambes après l’accident, je grimpais jusqu’au camp de base de l’Everest. Je prévois reprendre le saut en parachute – mais je n’ai encore rien dit à mes parents.
Cette histoire d’atterrissage à haut risque, où un pilote d’avion s’est évanoui, laissant au passager l’obligation de diriger l’avion, est toute aussi terrifiante!
«J’ai survécu à une « tornade de neige », coincée dans ma voiture»
Shannon St. Onge, 38 ans
La tempête devait débuter en soirée, le lundi 31 janvier 2022. Je travaillais à la maison, mais j’avais prévu me rendre au bureau à l’université canadienne des Premières Nations, à Regina, pour signer le chèque d’une bourse d’urgence accordée à un étudiant. Étant directrice des finances, je souhaitais lui faire parvenir cet argent le plus vite possible, tempête ou pas. Je n’étais pas inquiète. J’avais amplement le temps de faire l’aller-retour.
J’ai roulé 30 minutes sur la Transcanadienne vers l’est. Dès mon arrivée, mon collègue s’est pointé pour signer lui aussi le chèque et il a aussitôt quitté l’université. J’allais partir à mon tour quand j’ai remarqué le sac d’ordinateur qu’il avait oublié dans mon bureau.
« Zut, je suis déjà à la maison, a-t-il soupiré quand je l’ai appelé.
— Je te l’apporte si tu veux.»
Il était un peu passé 16h30. La neige n’était pas prévue avant le début de la soirée, mais par mesure de prudence, j’ai préféré prendre les petites routes plutôt que l’autoroute qui risquait de se transformer rapidement en patinoire. Avant d’arriver chez lui, j’ai fait un plein et acheté deux pizzas en prévision du souper, comme je m’y étais engagée auprès de ma fille de 15 ans et de mon fils de 10 ans.
Le trajet jusque chez mon collègue a pris une quinzaine de minutes. Je lui ai laissé le sac et j’ai repris la route aussitôt. Il a commencé à neiger et les flocons tombaient, abondants. En quelques minutes, tout était blanc. J’étais au milieu d’une «tornade de neige», ou ce que les météorologues à la télé appellent un «hurleur de la Saskatchewan», une tempête qui s’abat vite avec des vents si violents qu’elle hurle. C’était terrifiant!
Engagée sur une route de gravier, j’étais forcée de ralentir. J’ai baissé la vitre pour suivre le bord de la chaussée afin de ne pas dévier. En réalité, je ne savais pas de quel côté je roulais. Craignant de me retrouver dans le champ, le fossé ou quoi encore, j’ai fini par m’arrêter, sans couper le contact pour rester au chaud, et appeler les secours. On m’a recommandé de ne pas bouger et d’attendre le lendemain – personne ne viendrait me chercher avant le matin, au plus tôt.
Les quelques secondes qui ont suivi ont été les pires de mon existence. Il était exclu de sortir dans cet univers de blanc où tout est invisible, avec des vents puissants et une température frôlant les -10°C. Et puis je ne savais pas où j’étais et j’avais peur que les automobilistes, faute de me voir, ne foncent dans ma voiture. Ou que la neige ne bouche le pot d’échappement et que je meure intoxiquée par le monoxyde de carbone. Et si la tempête durait plus longtemps que prévu et qu’on me retrouvait trop tard? Respire, inutile de paniquer, me suis-je dit.
Mes enfants! Ils passeraient une première nuit à la maison sans moi. J’ai appelé pour les prévenir, me forçant à garder un ton calme. Je ne leur ai pas dit que j’étais terrifiée.
Il était près de 18h et il faisait nuit. Comment les secours arriveraient-ils à trouver mon VUS Ford Edge noir dans toute cette neige? Verraient-ils seulement une ombre? Un camion est passé, évitant de peu la voiture. Je l’avais échappé belle. J’ai d’abord eu peur, puis je me suis dit que j’étais sauvée. J’ai embrayé pour le suivre, désespérée, rou- lant lentement, n’ayant aucune idée où il allait. Quand le camion a bifurqué à un carrefour, je suis restée désemparée.
«Je vais à la plage», a-t-il crié par la vitre baissée, les paroles emportées par le vent.
Ma maison ne se trouvait pas dans la direction de la plage, mais je ne savais pas du tout où j’étais. J’ai arrêté la voi- ture pour envoyer un texto au collègue à qui j’avais rapporté le sac. J’ai plaisanté sur cette bonne action se terminant par une catastrophe. Il a eu une idée. «Détermine ta position sur Google Maps et envoie-moi le résultat.»
Je me suis exécutée et quelques minutes plus tard, il me renvoyait une capture d’écran de la vue satellite du lieu où je me trouvais. Il s’agissait vraisemblablement de Bouvier Lane, une petite route qui reliait deux fermes. Il était 18h30. J’ai posté cette information sur mon compte Facebook en priant que quelqu’un connaisse au moins une personne qui pourrait venir à mon secours.
Il n’y avait plus qu’à attendre sagement dans la voiture en tâchant de rester au chaud. J’étais contente d’avoir fait le plein. J’avais pris les bonnes décisions et, quoi qu’il arrive, je ne pouvais pas m’en vouloir. Mais même si on savait où je me trouvais, comment avancer dans cette neige tourbillonnante soufflée par des vents hurlants ?
Les réactions à ma publication sur Facebook ont été rapides. Des gens connaissaient une famille qui vivait par là! J’ai reçu le message d’une personne qui allait me mettre en relation avec elle. À 20h, mon téléphone a sonné. C’était le fils du fermier propriétaire de la terre qui longeait la route où je m’étais arrêtée. Son père viendrait me chercher!
Quarante-cinq minutes plus tard, j’ai vu un homme assez grand vêtu d’un imperméable jaune avançant dans ma direction dans le noir, une lampe torche à la main. Quel soulagement! André Bouvier avait parcouru 500 m dans le blizzard pour venir à mon secours, luttant pas à pas contre le vent et la neige, se protégeant les yeux de la morsure des flocons de sa main recouverte d’une mitaine.
«Vous prenez le volant? ai-je demandé d’une voix chevrotante à travers la vitre. Je suis trop nerveuse.» Malgré sa démarche puissante, le voyant maintenant de près, j’ai compris qu’il s’agissait d’un vieil homme.
«Non, a-t-il répondu d’une voix calme. Vous me suivrez en voiture. Tout ira bien.»
Il a commencé à avancer péniblement dans la neige, sûr de sa direction. Je roulais lentement derrière lui, les mains cramponnées au volant, sentant les battements de mon cœur s’apaiser. Nous sommes arrivés chez lui en
quelques minutes. En sortant de la voiture, j’ai éclaté en sanglots, la peur cédant au soulagement et à la gratitude. Pendant que sa femme me servait une boisson chaude et une compote de pommes, André – je venais d’apprendre qu’il avait 80 ans – est ressorti dans la tempête. Il avait vu deux autres voitures bloquées et allait les aider à leur tour: un père et ses deux enfants et un couple avec leur fille.
Nous avons passé la nuit à raconter des histoires, les enfants ont mangé les pizzas que j’avais achetées et nous avons dormi dans la maison, qui sur les canapés, qui dans les fauteuils à bascule. À 5h30, le lendemain, André avait dégagé la neige devant chez lui pour nous permettre de reprendre la route et de rentrer à la maison. J’étais finalement à 5 minutes en voiture, mais je ne m’en étais pas rendu compte la veille. Même si je l’avais su, j’aurais risqué ma vie en poursuivant ma route.
Cette expérience a transformé ma vision de l’existence. Elle m’a appris à accueillir plus calmement les défis et les retournements de situation. Elle a aussi renforcé ce sentiment qu’il faut, quand c’est possible, tendre la main vers les autres et les aider, les amis comme les étrangers. Je suis toujours en relation avec André. Nous sommes amis pour la vie!
Pour son «dévouement exceptionnel et son sens du civisme» ce soir-là, André Bouvier s’est vu décerner une médaille du jubilé de platine de la reine Elizabeth II.
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