ALBERT SCHWEITZER, GEORGES BRAQUE, Origène, Pierre-Simon de Laplace… Des références un peu nébuleuses ? Si votre adolescente lit Curium, demandez-lui, elle saura peut-être vous en dire quelques mots. Tous ces grands personnages figurent dans l’une des illustrations centrales du magazine, concoctées par le dessinateur Jacques Goldstyn. Une double page dans laquelle on plonge comme dans un coffre au trésor. Un univers stimulant, truffé de brèves citations qui en disent long sur le thème du mois.
Dans la salle de réunion des Publications BLD, à Montréal, Félix Maltais, éditeur, et Noémie Larouche, rédactrice en chef, regardent avec tendresse les planches de l’illustrateur affichées au mur. Beau résumé de l’approche éditoriale du magazine : proposer aux adolescents une lecture digne de leur intelligence et de leur curiosité, tout en restant à leur portée. Les dessins séduisent et parlent d’eux-mêmes, les références invitent à aller plus loin en piquant la curiosité. « Les jeunes veulent apprendre et jouer un rôle plus actif dans la société », affirme M. Maltais. « Il ne faut pas les prendre pour des nuls, renchérit la rédactrice en chef. L’adolescence, c’est l’âge de tous les possibles. Ce sont eux qui vont construire le monde de demain. Ils se posent plein de questions, et si on leur donne les bons outils, ils peuvent accomplir des choses extraordinaires. »
Au fil de la conversation, on devine une grande admiration pour leurs lecteurs. Pour M. Maltais, elle n’a cessé de se forger depuis les années 1970. C’est à ce grand passionné que l’on doit le magazine Les Débrouillards. « À cette époque, on proposait plein de choses aux jeunes pour se divertir par le sport ou l’art, mais rien par la science. »
Félix Maltais avait fondé l’Agence Science-Presse pour fournir du contenu scientifique aux journaux régionaux hebdomadaires et aux radios partout au Canada. « J’ai vu la popularité de nos chroniques et de notre premier livre, et j’ai pensé qu’il était temps d’offrir aux jeunes un loisir scientifique. Je voulais une ouverture sur le monde, sur la destinée de l’être humain et de la société. Que plus de Québécois se fondent sur la connaissance pour prendre des décisions, plutôt que sur des préjugés, des idéologies. »
L’aventure est excitante. Les Débrouillards (qui vise un public de 9 à 14 ans) naît en 1982. Puis les éditeurs font une incursion à la télévision avec une série animée notamment par Gregory Charles et Marie-Soleil Tougas, qui tiendra l’antenne 10 ans. Et les clubs des Débrouillards qui essaiment dans une dizaine de pays et les camps de jour où les enfants peuvent faire leurs premières expériences scientifiques, comme de construire des fusées, qui sont lancées sous supervision dans des parcs, à la fin de l’été. Suivront d’autres magazines : d’abord Les Explorateurs pour les tout-petits de 6 à 10 ans, puis Sport Débrouillards et DébrouillArts, avant le lancement l’an dernier de Curium, pour les 14 à 17 ans.
Fin 2015, fort de près de 6 000 abonnés et de 13 numéros, le magazine s’installe lentement mais sûrement dans le paysage médiatique jeunesse du Québec. Paysage d’ailleurs quelque peu désertique, d’après Félix Maltais, qui recevait en novembre 2015 le prix Fleury-Mesplet, soulignant sa contribution au progrès de l’édition québécoise. « On se disait : « est-il normal qu’une société n’offre pas à sa jeunesse autre chose comme modèle que ce que les magazines teen leur proposent ? Des vedettes, des conseils beauté… » On pensait que le Québec était mûr pour offrir à ses adolescents un magazine digne de leurs rêves et de leur volonté d’apprendre. »
Le défi demeure dans la façon de s’adresser à ces adolescents. « Les lecteurs ne viennent pas tous du même milieu, ils ne partent pas tous avec la même connaissance des sujets abordés, poursuit Félix Maltais, honoré d’un doctorat honoris causa de l’UQAM, en 2008. Il faut faire en sorte que les néophytes comprennent et que les plus avancés apprennent. » Se voient-ils comme des éducateurs ? « Non, nous sommes journalistes, répond Noémie Larouche. Nous apportons de l’information et laissons le lecteur se forger une opinion. Avec comme mot d’ordre de réfléchir aux solutions quand on leur soumet des problèmes. Ils nous le disent : ils savent trop bien que le monde va mal, et ce qui les intéresse, c’est ce qu’il est possible de faire. »
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