Guillaume Cyr: plus grand que nature
Acteur polyvalent, Guillaume Cyr a incarné jusqu’ici une vaste gamme de personnages, avec intensité et profondeur. Son physique imposant et sa grande sensibilité en font un acteur qui transcende les stéréotypes, incarnant ses rôles avec authenticité, subtilité et jonglant habilement entre la retenue et l’exubérance.
De plus en plus présent au petit comme au grand écran, le géant Jean-Jean en a fait du chemin depuis le feuilleton 1, 2, 3… Géant! En effet, Guillaume Cyr n’en finit plus de cumuler les bons rôles à son répertoire. Son interprétation est si juste et sa présence si naturelle qu’on a l’impression qu’il entre avec facilité dans la peau de ses personnages. L’année 2023 fut d’ailleurs bien remplie, avec la sortie de Bungalow au printemps – réalisé par Lawrence Côté-Collins, le tournage de La meute, une adaptation au cinéma de la pièce de Catherine-Anne Toupin ainsi que l’animation du gala Prends ça court! qui récompense les meilleurs courts métrages de l’année. En plus de ça, au début de 2024, on le verra dans une coproduction canado-américaine (où devrait-on dire québéco-américaine…) sur Amazon Prime. Plein feu sur cet acteur en pleine ébullition.
La révélation du théâtre
C’est en secondaire trois, alors qu’il assiste à une pièce de théâtre amateur à la polyvalente Benoît-Vachon à Sainte-Marie de Beauce où il étudie, que Guillaume Cyr a une révélation: il sera comédien. Il s’inscrit aux auditions et l’année suivante il fait partie de la troupe de l’école et commence à briller sur les planches.
S’il n’avait jamais pensé faire du théâtre avant ça, il est dans son élément. «J’étais un peu le bouffon de la classe à l’école, toujours en représentation, alors dès que j’ai vu un spectacle de théâtre je me suis dit C’est ça que je fais depuis toujours: je veux monter sur la scène!» Dans sa famille, personne n’a jamais fait carrière dans les arts, mais il avoue que la fibre artistique vient du côté de sa mère. Il y a plein d’artistes potentiels qui n’ont jamais percé dans le métier, probablement en choisissant des professions plus courantes. Mais le potentiel était là. «Dans les réunions de famille du côté de ma mère quand j’étais jeune, tout le monde chantait et jouait d’un instrument de musique.»
Chose étonnante, il ne choisit pas l’option théâtre au cégep. Pas tout de suite en tout cas: «Je suis allé en histoire en me disant que pour être comédien il fallait que j’aie de la culture! Mais je n’ai vraiment pas aimé ça, il fallait toujours prendre des notes», avoue-t-il candidement, en riant un bon coup. «J’ai changé pour un DEC [diplôme d’études collégiales] en cinéma au Cégep Garneau à Québec et j’ai adoré ça. Après le cégep, j’ai préparé mes auditions pour entrer dans les écoles de théâtre.»
Si ça ne marche pas du premier coup, il ne se décourage pas et recommence le processus l’année suivante pour finalement être accepté à l’École nationale de théâtre du Canada à Montréal.
Saviez-vous que ces 14 films cultes ont été tournés au Canada?
L’antithèse du jeune premier
C’est un euphémisme de dire que Guillaume Cyr n’a pas un physique passe-partout: très grand et costaud, on l’imagine bien dans les rôles de géants ou de bon gars sympathique. Quand il a commencé sa carrière, on lui disait que son physique atypique pouvait être un atout – il est unique en son genre – mais que ça pouvait aussi nuire, car il n’y a pas tant de rôles pour des acteurs de son gabarit. Mais comme le dit si bien cet acteur québécois originaire de la Beauce, le casting, c’est relatif.
Depuis sa sortie de l’école, il a joué un peu de tout: du bon gars costaud comme le géant Jean-Jean (1, 2, 3… Géant!) au maire corrompu d’un petit village (La genèse de la rage) en passant par le mousquetaire Porthos au théâtre et même un animateur québécois de camp de jour dans un film en France (Nos jours heureux). Il a repris le rôle emblématique de Lennie Small au théâtre (Des souris et des hommes), un personnage complexe et joué par tant de comédiens avant lui. Il récemment a brillé au cinéma coup sur coup avec trois films: Jusqu’au déclin (de Patrice Laliberté), Arsenault et fils (de Rafaël Ouellet) et Bungalow (Lawrence Côté-Collins). On l’a vu beaucoup à la télévision, notamment dans L’imposteur, Ruptures, Léo, Le bonheur, La confrérie et plusieurs autres téléfilms et séries télévisées.
Le rôle d’Horace Barré – le protégé de Louis Cyr – a été le premier grand rôle de sa carrière au cinéma, qui lui a valu le Jutra du meilleur acteur de soutien révélé au grand public. Quand on lui demande si ce rôle a propulsé sa carrière, il reste mitigé: l’après Louis Cyr a été somme toute une période tranquille. «Mais ça reste que c’est un projet très marquant. Le monde se souvient beaucoup de moi pour mon rôle dans Louis Cyr.»
À la bonne place au bon moment
Pendant sa formation à l’École de théâtre, entre sa deuxième et troisième année, Guillaume Cyr a joué dans un film français réalisé par Éric Toledano et Olivier Nakache Nos jours heureux. «Les Français avaient déjà approché trois agences de distribution pour trouver un gros nounours québécois et en dernier recours, une amie de Catherine Gadouas – professeur de chant à l’École nationale – lui a demandé si par hasard il y aurait un gros nounours québécois parmis ses étudiants… «Et Catherine a dit bien sûr, il y a Guillaume en deuxième». Ceux qui auront l’occasion de voir le film pourront y découvrir un jeune Guillaume Cyr très naturel qui a l’air bien à l’aise de jouer parmi ces grosses pointures du cinéma français (notamment Omar Sy) mais la vérité c’est qu’il était dans ses petits souliers: «Heureusement, j’ai toujours eu de la facilité à faire croire que je ne suis pas stressé. Comme en impro, tout le monde me disait que j’étais vraiment bon, mais pour de vrai j’haïssais ça, j’étais profondément paniqué…»
Faire sa place, tranquillement
Mais le comédien insiste pour préciser que sa carrière n’est pas partie sur les chapeaux de roue. Après avoir décroché son diplôme de comédien en 2007, Guillaume Cyr fait son chemin de figurations en troisièmes rôles, puis en deuxièmes rôles pour finalement décrocher des premiers rôles. Quand on lui demande comment ça s’est passé, il répond avec sincérité: «J’ai toujours considéré avoir bien placé mes pions, tranquillement, mais sûrement.» Si Louis Cyr a été une étape importante de sa carrière, c’était en 2012, 5 ans après sa sortie de l’école, et c’était son premier grand rôle. Un peu comme la consécration d’un travail sérieux et constant.
Bien qu’on se doute de la réponse, la question se pose: a-t-il une préférence entre le théâtre, le cinéma ou la télévision? Le comédien tranche rapidement: «J’aime les trois – je m’ennuierais de ne plus faire l’un ou l’autre. Je me considère vraiment chanceux de pouvoir faire du théâtre, de la télévision et du cinéma. Au théâtre, il y a le frisson du direct avec le public: c’est une seule prise – qui dure deux heures devant 800 personnes – et tu n’as pas le droit de la recommencer. La réussir et te faire ensuite applaudir, il n’y a rien qui peut remplacer ça.» En même temps, il ajoute que tourner pour le cinéma ou la télé, c’est autre chose complètement, mais tout aussi important: «pendant les 60 jours de tournage, l’équipe devient comme une famille et c’est vraiment particulier. J’ai besoin du théâtre comme du cinéma et de la télé, car chacun assouvit un besoin différent.»
Au théâtre, il a incarné des personnages de Tchékhov, de Brecht et de quelques autres grands dramaturges ainsi que plusieurs créations québécoises. Quand on lui demande s’il y a un rôle qu’il l’a particulièrement marqué, il pense tout de suite à Lennie Small dans Des souris et des hommes (2018): «C’est un personnage qui venait vraiment me chercher. J’aurais pu le jouer à l’infini.» Il ajoute également que le fait d’être sur scène avec Benoît McGinnis – un comédien qu’il admire depuis toujours – était un peu comme une consécration. Et le rôle qu’il aimerait jouer un jour? «Tout en haut de la pyramide, c’est définitivement Cyrano de Bergerac.»
Bienvenue chez Amazon Prime
En attendant de le voir en majestueux Cyrano, les abonnés d’Amazon Prime pourront l’apprécier dans une nouvelle série – dans la méga production canadienne et américaine The Sticky – dès le début de l’année 2024. Inspirée du fameux vol de près de 3000 tonnes de sirop d’érable qui s’est déroulé sur plusieurs mois entre 2011 et 2012 et qui a fait ensuite les manchettes. Produite par Jamie Lee Curtis, The Sticky sera tournée principalement à Montréal et mettra en vedette les acteurs américains Margo Martindale et Chris Diamantopoulos ainsi qu’une belle brochette d’acteurs québécois. Guillaume Cyr y jouera le rôle de Rémy Bouchard, un agent de sécurité de nature plutôt calme qui se fera embarquer dans cette fraude par Ruth Landry (Margo Martindale), une acéricultrice qui décide de jouer dans la cour des grands et de faire ses propres règles.
Pour Guillaume Cyr, c’est deux fois une grande première: jouer en anglais et dans une coproduction américaine-canadienne. Quand on lui demande ses impressions d’être aux côtés de Jamie Lee Curtis et sous sa direction, il ne tarit pas d’éloges: «C’est une femme extraordinaire et très professionnelle, et elle donne autant d’énergie devant que derrière la caméra. Jouer auprès d’elle et sous sa direction fut très formateur.»
Pour réussir une telle coproduction entre non seulement deux cultures, mais deux langues, Amazon Prime a mis les bouchées doubles. En tournant au Québec avec des acteurs d’ici, il fallait trouver le niveau de français à mettre en place. Et que chacun soit rassuré, lorsque dans la version originale les acteurs québécois parlent en français, ce sera authentique. «C’était important de déterminer la ligne entre ce qui est trop ou pas assez et de trouver le bon dosage de québécois à mettre dans la série, parce que ceux qui vont regarder The Sticky n’auront pas le choix de comprendre: oui c’est une histoire qui se passe au Québec, mais c’est une série qui sera projetée dans 240 pays et territoires.» Et il semble que le dosage ait été bien réussi, selon Guillaume Cyr. «Pour l’authenticité, mais aussi pour notre plaisir personnel, de pouvoir placer quelques-uns de nos jurons les plus colorés.» Même qu’il plaint ceux qui vont devoir écrire l’adaptation doublée en français…
Conciliation travail famille
Guillaume Cyr n’est pas seulement un comédien en demande, c’est aussi le père d’Edmond (8 ans) et de Vivianne (3 ans et demi). Difficile de concilier tout ça? «C’est épouvantable», résume-t-il en rigolant. «Ma blonde est première assistante-réalisatrice aussi, donc elle tourne encore plus que moi.» Mais pas sur les mêmes films, heureusement. Ils ont trouvé une solution avec le programme Au Pair qui s’occupe de trouver une bonne correspondance entre la famille d’accueil et une étudiante qui prend une année sabbatique pour voyager. «Ça fait la troisième année qu’on s’arrange comme ça, et ça marche très bien. Ça devient un peu comme une grande sœur pour les enfants.» Pour Edmond, c’est la troisième année et ça se passe très bien. «Ça facilite la gestion du temps, et c’est beaucoup moins préoccupant quand on part le matin à 6h et qu’on revient le soir à 20h.» En revanche, quand les périodes de travail sont plus tranquilles, Guillaume Cyr prend plaisir à être papa à la maison et à aller chercher son fils à l’école.
Inscrivez-vous à l’infolettre de Sélection du Reader’s Digest. Et suivez-nous sur Facebook et Instagram!