La vraie magie de Noël
Quatre histoires qui vous feront sourire ou verser une larme, mais qui sauront certainement vous émouvoir et vous mettre dans la magie de Noël.
Réinventer Noël
par Philip Preville
À la fin des années 1960, mon père a acheté un faux sapin de Noël. Il avait de longues aiguilles de plastique vert fluo et sentait le produit chimique. Son habitat naturel était la maison, entre les rideaux de polyester et la moquette du salon. Personne ne l’aurait confondu avec un vrai.
Mes quatre frères aînés et moi l’adorions. Chaque année, nous avions hâte au dimanche de mi-décembre où notre père, après la messe, attrapait dans la plus haute étagère du débarras du sous-sol la boîte où il reposait en pièces détachées: pied en aluminium, tronc en manche à balai, branches de diverses longueurs. Mon père tapissait alors la boîte de vieux journaux, et nous riions en lisant les titres qui évoquaient hommes politiques, athlètes et autres célébrités d’antan. C’était notre petit rituel, et nous le goûtions chaque fois.
Les autres enfants et leurs parents étaient poliment horrifiés par notre arbre. À leur sens, Noël n’était pas Noël sans un véritable sapin, et il était inutile de leur expliquer à quel point ils se trompaient. Pour notre part, nous ne doutions d’aucune façon qu’un faux sapin puisse parfaitement inspirer amour, joie et gratitude. Notre arbre irradiait d’une chaleur tout aussi réelle que celle des autres.
Au fil du temps, j’ai eu quelques aperçus des traditions de Noël de mes amis. D’abord, il s’est vite révélé que nous n’étions pas la seule famille à faire preuve de singularités en cette occasion. Chacune procède à sa propre mise en scène qui ne manque d’étonner vue de l’extérieur – et là réside précisément son charme.
Même adultes et dispersés aux quatre coins du continent, mes frères et moi réalisions toujours le pèlerinage de fin décembre au chalet de nos parents à Canmore, dans le sud de l’Alberta. Là, dans le réconfort familial, nous ravivions les uns avec les autres et chacun avec soi-même les liens que nous entretenions depuis toujours. Je n’avais même jamais imaginé célébrer Noël ailleurs. Puis je me suis marié.
Qui se marie n’épouse pas seulement un individu, mais aussi sa famille et, pour faire bonne mesure, ses rituels, y compris ceux des fêtes. Pour Noël 2003 comme pour les suivants, donc, Lynn et moi rendions visite aux parents, tout comme le font la plupart des jeunes couples.
Depuis Peterborough, en Ontario, où nous vivons, nous faisions la route jusqu’à Montréal pour passer la veille de Noël avec les parents de Lynn, son frère et sa famille, où la fête n’était jamais complète sans une salade de hareng, apparemment une tradition allemande. Le lendemain matin, nous prenions un vol pour Calgary, puis conduisions jusqu’à Canmore pour le rassemblement de la famille Preville, qui augmentait au fur et à mesure. Et toujours autour du bon vieux faux sapin.
Puis Lynn a donné naissance à notre premier fils, puis aux deux frères jumeaux. Noël est alors devenu un cauchemar: d’interminables trajets en voiture avec trois enfants se tortillant à l’arrière, suivis de longs vols à cinq sur trois sièges de seconde classe encombrés de livres pour enfants et de sucettes. Et comme l’ensemble de la tribu a proliféré, il n’était plus possible de tous s’entasser dans le chalet de mes parents. Lynn et moi louions un appartement et faisions la navette pour nourrir les petits et les coucher. Pourquoi nous taisions-nous sur l’épuisement que cette tradition de vacances engendrait? Sans doute parce que nous voulions offrir à nos enfants les mêmes joies de Noël que celles que nous avions connues. Et dont nous n’admettions pas non plus l’usure.
La fatigue du voyage ne constituait que la pointe du problème. Notre relation avec nos propres parents et nos fratries s’était momifiée. Nous nous traitions mutuellement comme des adolescents alors même que nous avions passé l’âge, que nous avions des enfants et que nous menions une carrière. Noël était figé dans le temps, et nous avec lui.
Le point critique a été atteint lors de ce que Lynn et moi appelons le Noël en quarantaine de 2011. Cette année-là, nous avons tous les cinq attrapé une vilaine gastroentérite dans le vol pour Calgary. Nous nous sommes calfeutrés dans notre appartement de location et avons passé les premières 48 heures à nous vider – les jumeaux étaient encore en couches à cette époque – et les 48 heures suivantes à éloigner ma mère, qui ne cessait d’alterner entre sollicitude aimante («Je vous ai fait du bouillon de poulet!») et intimidation («Ça suffit maintenant, venez vous joindre à nous!»).
Nous n’avons jamais été aussi pressés de quitter Canmore. Or, au moment de partir, j’étais si tendu que, en présence de cette foule qui nous saluait, j’ai reculé la fourgonnette de location contre un poteau indicateur arrachant du coup la moitié du pare-chocs. Jusqu’à l’aéroport, on a roulé dans un silence lugubre. Et puis, en un mélange de résignation et de détermination, j’ai compris que je ne rentrerais plus à la maison pour les fêtes de fin d’année.
Dans chaque famille, Noël est le moment d’une prestation complexe, et nous sommes tous si attachés à notre personnage que nous perdons de vue à la fois le texte et le public. Pour qui jouons-nous, au juste, et pourquoi? Nous le faisons pour réinvestir des rôles familiaux et des relations qui nous ont construits. Mais le jeu a aussi un côté plus sombre. Ainsi, par exemple, Lynn et moi sommes tous deux les benjamins de nos familles, et il n’est pas rare de se voir traiter comme le petit frère ou la petite sœur de jadis, qui n’ont pourtant plus rien à voir avec notre vie adulte. En des moments comme Noël, si chargés de traditions et d’attentes, il est presque impossible de réviser le script.
De retour à Peterborough, nous nous sommes promis de faire exploser Noël pour le rebâtir. Nous le fêterions dans notre maison et suivrions nos propres traditions, certaines empruntées, d’autres nouvelles. La transition n’a pas été facile. Il a fallu négocier ferme pour déterminer les rituels qui formeraient notre nouveau Noël hybride.
On a retenu la salade de hareng, que j’ai fini par apprécier. Et si, parmi les traditions de ma famille, nous avons notamment gardé la tourtière au déjeuner de Noël, nous avons, oui, abandonné le faux sapin. Noël ne serait pas Noël sans véritable sapin, dit Lynn. Je n’ai pas insisté. Désormais, chaque année, un sapin de Nouvelle-Écosse fraîchement coupé arrive à la maison. J’en prélève un petit disque de la forme d’une rondelle à la base du tronc. Chaque disque obtenu est ensuite étiqueté, conservé puis disposé sur la cheminée chaque mois de décembre. Mais au fond, l’arbre en lui-même est moins important que l’amour, la joie et la gratitude qu’il incarne et les personnes pour qui on le pare.
Enfin, mon sapin de Noël n’est plus un monument à la gloire de mes frères et de mes parents, mais de ma femme et de mes enfants. Nous avons enfin fait de nous-mêmes le centre de notre propre Noël, et nous ne l’avons jamais regretté.
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Une histoire sans fin
Par Erika Bisaillon
C’est le soir de Noël, et je me cache dans les toilettes pour pleurer. Les cris de joie qui traversent la porte n’arrivent pas à atténuer le choc que j’éprouve devant la démesure de cette fête: dehors, une vingtaine de personnes s’agitent, rigolent, crient, chantent… dans une énorme maison de trois étages. C’est mon premier Noël dans ma belle-famille, la famille de mon fiancé, et il est à des années-lumière de ceux que j’ai connus. Avant cette soirée, je n’avais jamais vu autant de personnes rassemblées un 24 décembre ni une famille aussi unie!
J’ai pourtant toujours adoré cette fête, mais je ne l’avais jamais célébré avec quelqu’un d’autre que ma mère et ma tante. Portant, lorsque j’étais enfant, ma mère était prête à tout pour préserver la magie de Noël! Et elle avait réponse à toutes mes questions. «Nous n’avons pas de cheminée. Comment le père Noël fait-il pour entrer?» «Il a un passe-partout, comme les postiers.» «Pourquoi ce père Noël est-il différent de celui d’hier?» «Parce qu’il ne peut pas rencontrer tous les enfants, il a donc des doublures qui lui viennent en aide. Celui-là ce n’est pas le vrai. Hier, c’était le vrai!» Chaque année, des semaines avant le jour J, «mère Noël» laissait plusieurs messages vocaux sur le répondeur, notamment pour avoir ma liste de souhaits ! Bref, elle se dépassait constamment pour éviter que le moindre doute ne m’effleure… et ça fonctionnait!
Son inventivité n’avait pas de limites. Je me souviens en particulier d’un soir de décembre. Je devais avoir six ans. Je venais tout juste de me mettre au lit. Ma mère me bordait quand, soudain, elle s’est exclamée: «Regarde! C’est Rudolph!» À travers la fenêtre de ma chambre, j’ai vu clignoter une lueur rouge. J’étais émerveillée! Il était vraiment là! «Il vient s’assurer que tu respectes l’heure du dodo», m’a-t-elle dit. J’ai aussitôt fermé les yeux et fait semblant de dormir, de peur qu’il ne dise au père Noël que je n’étais pas sage comme une image! J’ai fini par m’endormir, le cœur léger et les papillons au ventre. Ma mère m’a avoué des années plus tard que le renne au nez rouge n’était en fait que la voisine qui agitait devant notre fenêtre une lampe de poche couverte d’une pellicule rouge transparente. Qu’importe: à mes yeux d’enfant, l’illusion était saisissante.
Mais mon moment préféré, année après année, était de partir à la découverte de chaque recoin de notre espace de rangement afin de sortir les décorations et le sapin! Ni la poussière ni l’odeur d’humidité ne me rebutaient: les boîtes Eaton et Steinberg m’attendaient! Le grand sapin argenté trônait dans notre salon et un plus petit dans ma chambre. Pas une seule branche n’était laissée sans boules ni lumières, pas un seul cadre sans guirlande.
Tous les 24 au soir, je préparais une petite assiette de biscuits au sucre faits maison à l’intention du père Noël, accompagnée du classique verre de lait et d’un petit mot rédigé à son attention. Le lendemain, je partais à la recherche des traces de son passage… que ma mère savait exactement où chercher.
«Ça alors! Il y a des miettes de biscuits partout.» «Oh! Regarde! Le père Noël a bu son lait.» «Le père Noël m’a répondu ! Comme il écrit mal…» – ma mère rédigeait les lettres de la main gauche pour que je ne puisse pas reconnaitre son écriture. La stupéfaction était à son comble en voyant une traînée de neige sur le tapis du salon qui menait directement aux traces de traîneau sur le toit.
J’ai appris relativement tard que le père Noël n’existait pas, lorsque ma mère, craignant qu’on se moque de moi, m’a enfin révélé la vérité. La magie de Noël s’est alors un peu estompée, mais nous avons continué, année après année, à fêter Noël à trois, chez ma tante, qui habitait un grand immeuble dans Côte-des-Neiges, à Montréal.
Aujourd’hui, je célèbre Noël avec ma belle-famille. Ma nouvelle famille. Au début, tout m’angoissait: trop de gens, trop de bruits, trop d’action… Mais avec le temps, cette peur a plutôt fait place à une réelle impatience. J’ai retrouvé ces petits papillons dans le ventre à l’écoute des premiers chants, la fébrilité à la vue des premières lumières, bref, l’enthousiasme de mon enfance!
J’ai hâte au jour où ce sera à notre tour de perpétuer nos traditions familiales respectives, des nombreuses ruses de ma mère pour faire croire au père Noël à nos enfants, jusqu’aux grands rassemblements familiaux agités et colorés.
Psst! N’oubliez pas les vilains lutins! Pour plus de suggestions de décorations de Noël, afin de vous permettre de créer et de vous sentir dans la magie des Fêtes, découvrez nos astuces pratiques pour les décorations.
Chaos de Noël
par Megan Murphy
Recevoir pour Noël, c’est du boulot! Un authentique rite de passage! Pour ma part, à plus de 40 ans, je n’ai encore jamais eu à surveiller la cuisson de la volaille de service. Peut-être parce que je n’ai pas d’enfants – oui, dans ma famille, la tâche revient d’ordinaire à la dernière personne qui a reçu une visite du père Noël – mais peut-être bien aussi parce qu’on se méfie de mes talents culinaires.
J’ai la chance d’être proche de mes deux sœurs. Jeunes, nous correspondions parfaitement aux stéréotypes de la famille. L’aînée, Kate, était une perfectionniste responsable quoique autoritaire; j’étais l’exemple classique de l’enfant du milieu, celui qui veut plaire et attirer l’attention; et la benjamine, Kerry, était charmante, sensible et sans discipline aucune. Pile dans le cliché. Kate emballait ses cadeaux dans un papier brun qu’elle coiffait de nœuds parfaits et servait consciencieusement les amuse-gueules pendant le déballage. J’étais enthousiasmée par les chaussettes hautes et les boucles d’oreilles en plastique que m’offrait ma grand-tante. «Regarde, maman, elles sont faites pour mes pieds! Et c’est pas grave si mes oreilles ne sont pas percées, on le fera avant le dessert si tu en as envie!» Ma grand-mère chantait les louanges de Kerry, qui avait selon elle du génie pour habiller sa nouvelle Barbie. J’aime à croire qu’avec l’âge ces personnalités typées ont acquis un peu de souplesse.
Mon père a succombé à un cancer quand j’avais 25 ans. Nous l’aimions beaucoup. C’était une figure plus grande que nature de notre univers. Sa disparition a laissé un énorme vide et provoqué un mouvement sismique au sein de la famille, une redéfinition des rôles. Qui serait le nouveau sage? Qui occuperait à table la chaise face à maman? Qui dissiperait les tensions et adoucirait l’ambiance? Il fallait manifestement bouger.
Jeunes mariés, ma sœur aînée et son mari Shane vivaient dans une maison à paliers de la banlieue de Peterborough, en Ontario, notre ville natale. Un an après la mort de notre père, Kate, à l’âge vénérable de 27 ans, s’est avancée pour préparer un premier repas de Noël pour la famille élargie, 12 personnes en tout. L’affaire était maintenant entre ses mains!
Femme typique des années 1980, maman s’en tenait aux ragoûts et aux flans. À Noël, les bougies brillaient sur piles, la dinde surgelée était déjà farcie, et notre sapin ruisselait de boules. C’était banal, nostalgique, riche en glucides. Mais l’hôtesse novice qu’était ma sœur a composé des couronnes de branches de thuya fraîchement coupées, donné la forme d’un cygne aux serviettes de table et décoré son arbre de boucles en tissu de couleurs assorties, de guirlandes et de lumignons blancs. La pièce de résistance était un grand oiseau non trafiqué par l’industrie agroalimentaire.
Le 25 décembre 2005, rassemblés dans la petite, mais festive pièce qui servait de salle à manger et de séjour chez Kate, nous nous sommes emparés de nos paquets cadeaux en buvant du vin et en avalant des hors-d’œuvre qui semblaient surgir tout droit d’une double page de magazine. Pourvu d’un sens de l’humour taquin, papa était célèbre pour ses cadeaux saugrenus. Nous avons préservé la tradition après sa mort, même cette année-là. Kerry a reçu une canne lumineuse évoquant ses années de majorette au primaire; maman, un slip enveloppant sur le derrière duquel était imprimé «culotte grand-mère»; mon nouveau beau-frère Shane, un sac de grillons parfum barbecue juste ce qu’il faut de dégoûtant sans cesser d’être drôle. Nous étions tous très fiers d’avoir été à la hauteur et fait preuve d’humour malgré le chagrin. Mais l’heure tournait, les estomacs grommelaient et les bonnes manières pâlissaient.
Or, une dinde… Eh bien, une dinde c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il faut la passer dans la saumure, l’arroser en cours de cuisson, et il faut encore avoir, semble-t-il, la bosse des maths. Car il faut compter 10 heures par kilo pour la décongélation, puis 25 minutes par kilo pour la cuisson. Voilà ce qui était trop compliqué pour maman, et voilà pourquoi elle a exulté quand est apparue sur le commerce la dinde farcie à mettre au four encore surgelée. N’ayant jamais vu maman cuire autre chose que ces oiseaux-là, ma sœur s’était empressée de mettre sa volaille au congélateur plusieurs jours d’avance pour qu’elle reste… comment dire?… fraîche. Quand je me suis pointée dans la cuisine à 19 h 30 pour m’informer du moment approximatif d’arrivée du tanker rempli de sauce, j’ai trouvé Kate en proie à une panique ascendante: le four de la cuisinière était en panne et la dinde, toujours gelée. Trahie à la fois par la technique et par l’exemple de notre handicapée culinaire de maman.
«Tout est fichu! Je ne savais pas qu’une vraie dinde doit être décongelée!» a-t-elle crié, la mine défaite, les gants pendus au bout des bras comme des pinces de homard. Conforme à mon rôle de cadette secourable, j’ai éclaté de rire, enfilé mes bottes, empoigné une pelle et tracé dans la neige épaisse un sentier jusqu’au barbecue. L’oiseau est à son tour arrivé sur la terrasse arrière. Puis nous avons débouché quelques bouteilles de vin et rejoint la bande d’affamés pour leur annoncer la nouvelle. Pendant que la dinde cuisait sur le gril, Kerry a fait tournoyer sa canne sur le thème de Rocky, maman a enfilé sa «culotte grand-mère» par-dessus son pantalon de soirée et Shane a distribué des poignées de grillons pour accompagner le chardonnay bien frais.
À minuit, la bête était prête à se livrer à nous, les accompagnements ont été passés au micro-ondes. Quant aux invités, déjà bien éméchés, ils se sont pressés à table pour dévorer le festin. Une dinde surgelée et un four en grève nous avaient forcés à renoncer à nos présomptions sur la façon dont on fête Noël, et du coup libérés des stéréotypes. Nous étions libres d’être… nous-mêmes. Personne n’a fait de commentaire désobligeant sur la consistance de la purée de pommes de terre. Personne ne s’est fait dire de ne pas mettre ses coudes sur la table. Et personne n’a passé une mauvaise soirée. En fin de compte, recevoir à Noël n’a pas été la montagne qu’on s’en fait. Il suffisait que tout aille mal pour que tout finisse bien.
Vous voulez éviter que cela vous arrive? Jetez un oeil à notre guide étape par étape pour faire cuire une dinde, de l’achat à la préparation en passant par le rôtissage.
Lumières d’espoir
Par Rebecca Meiser
Si, pour certains, installer les décorations de Noël n’est qu’une corvée de plus durant les fêtes, pour la famille Pascucci, accrocher des guirlandes lumineuses et décorer le jardin était toujours un moment de célébration. Dès le début du mois de novembre, Anthony, 60 ans, le patriarche de la famille, et sa sœur aînée Connie visitaient les boutiques de leur région – ils habitaient Bethpage, dans l’État de New York – pour jeter un œil aux décorations et imaginer quel serait leur somptueux déploiement de l’année.
Le fils et la fille d’Anthony, Anthony junior et Sara, partageaient la maison et donnaient également leur avis. L’un aidait à l’installation électrique; l’autre, dans la maison, accrochait les décorations du sapin au son de «White Christmas» en boucle afin de garder tout le monde dans l’esprit des fêtes.
En 2020, comme chaque année, Anthony a tendu des lumières colorées tout autour de leur toit dans un ruissellement de feu qui se déversait sur le porche. Sur la pelouse de l’entrée, il a gonflé un énorme bonhomme de neige et un renne Rudolph avec son nez rouge lumineux. Toute la propriété ressemblait à une véritable scène de conte.
Anthony s’était surpassé, comme si la clarté des lumières pouvait chas-ser les ténèbres de la pandémie de COVID-19: «C’était une année si difficile qu’il avait fait de son mieux pour rendre le spectacle vraiment spécial», témoigne Sara. La veille de Noël, la maison scintillait et les cadeaux s’entassaient au pied du sapin. Tout le monde avait hâte au jour de Noël en famille. Puis Connie a reçu un appel: un de ses collègues avait été testé positif à la COVID. Même si elle ne présentait pas de symptômes, elle a décidé aussitôt de se faire elle-même tester. Son test est revenu positif. Anthony père et fils ainsi que Sara en ont fait autant. Même résultat. La mort dans l’âme, ils ont convenu qu’il valait mieux annuler leur fête de Noël.
Au début, les symptômes de tout le monde semblaient bénins. Mais juste après le Nouvel An, le 4 janvier, Anthony père a commencé à éprouver des difficultés respiratoires. Son fils l’a conduit à l’hôpital.
Cinq jours plus tard, Connie se sentait faible et ne parvenait plus à manger. Sara lui a appelé une ambulance, mais Connie est morte avant d’arriver à l’hôpital. Moins d’une semaine plus tard, son frère Anthony est décédé.
Sara se souvient que les jours qui ont suivi ont été les pires de sa vie. Le deuil la terrassait de douleur. Et «nous étions nous-mêmes encore en train de nous remettre de la COVID», ajoute-t-elle.
En plus d’aider à organiser les obsèques de son père et de sa tante, Sara a dû voir aux paiements de l’hypothèque et faire les changements dans la facturation. Mais le plus dur a certainement été de tenter d’expliquer ce qu’est la mort à son fils de 18 mois, Robbie. C’était presque trop pour elle.
Pourtant, lorsqu’elle se garait devant la maison au terme d’une longue journée, le chatoiement des lumières de Noël rallumait une étincelle de joie en elle. «Cela nous rendait heureux de les voir», dit-elle. Ces lumières étaient l’un des derniers souvenirs de leur père et de leur tante bien-aimés, du temps où ils étaient encore en vie et en santé. Les enlever leur semblait un rideau qu’ils n’étaient pas prêts à tirer. Ils les ont donc laissées là.
Un jour de février, Sara a reçu un mot dactylographié dans sa boîte aux lettres. «Enlevez vos décorations de Noël! C’est la Saint-Valentin!» exigeait la lettre anonyme.
D’abord choquée, Sara a ensuite été saisie par la colère. «Nous devions déjà régler tant de choses!» Elle aurait pu refouler sa colère, mais elle a préféré mettre ses émotions par écrit. «Je voulais rappeler aux gens que nous avions tous vécu une année difficile. Nous avions tous traversé tant d’épreuves qu’on devrait être plus bienveillants les uns envers les autres», se souvient-elle.
Elle a posté la lettre anonyme sur Facebook accompagnée de son propre commentaire: «Si vous connaissez quelqu’un qui pourrait faire quelque chose d’aussi cruel, veuillez lui faire passer mon message.» Et elle concluait: «Soyez indulgents avec les autres car vous ignorez ce qu’ils traversent.»
La boîte de réception de Sara s’est rapidement remplie de mots de soutien. Une chaîne d’informations locale a appris ce qui s’était passé et a diffusé une séquence à ce sujet. Les gens de la région ont commencé à écrire des lettres à Sara et à lui envoyer des messages Facebook pour lui raconter qu’ils avaient également perdu des proches et souligner qu’il était particulièrement douloureux de vivre un deuil durant le temps des fêtes.
Le sentiment général était qu’ils devaient garder leurs lumières de Noël. «Je sais ce que c’est que de perdre quelqu’un et de ne pas vouloir remiser ses affaires. C’est très difficile», lui a déclaré un homme en s’arrêtant chez elle avec un bouquet de roses. Des voisins ont envoyé des repas et des cartes en signe de réconfort.
«Je ne m’attendais pas à un tel soutien, s’étonne Sara. Mais cela nous a aidés à traverser cette période difficile, on partageait notre douleur.»
Et puis quelque chose d’étrange a commencé à se produire. Un jour, Sara rentrait du travail en voiture lorsqu’elle a remarqué que des ornements et des lumières de Noël apparaissaient – ou réapparaissaient – sur les maisons de ses voisins. Ce mystère avait une belle explication: le quartier s’était réuni et avait collectivement décidé de remettre ses décorations de Noël en hommage à Anthony et à Connie.
«Je ne parvenais pas à croire que quelqu’un ait pu lui envoyer cette lettre, a déclaré au Washington Post Karen McGuggart, une voisine. Perdre son merveilleux papa, que tous les voisins adoraient, et sa magnifique tante, qui souriait toujours, est une terrible tragédie. Nous avions le cœur brisé.»
Le soutien ne s’est pas arrêté aux décorations. Lorsque l’homme autrefois connu sous le nom de Frank Pascuzzi – qui a légalement changé de nom pour se rebaptiser Santa Claus – a vu l’histoire de Sara à la télévision, il a ressorti son costume de père Noël du placard. Il passe en effet les fêtes à s’habiller en père Noël et à faire des apparitions pour le compte d’associations locales.
Le jour de la Saint-Valentin, Santa Claus a descendu la rue de Sara et d’Anthony junior dans un défilé de voitures qu’il avait aidé à organiser. L’une des premières voitures de la file jouait «Frosty the Snowman» à plein volume, suivie de près de 60 autres véhicules ornés de lumières de Noël clignotantes. «Nous voulions qu’ils sachent qu’on les soutenait», a déclaré Santa Claus.
Sara, son frère et son fils se sont tenus devant leur maison en saluant le défilé de la main. Il avait neigé la veille au soir, le quartier était donc saupoudré d’une fine couche blanche. C’était comme si le monde entier s’accordait pour qu’ils aient un vrai Noël. «Nous avons connu un petit regain de joie ce soir-là», reconnaît Sara.
Elle n’a jamais su qui avait envoyé le message. Mais pour la famille Pascucci, cet acte malveillant a été largement contrebalancé par le déluge de gestes de bienveillance. «Le bien a plus de poids que le mal et la plupart des gens ont bon cœur», se console Sara.
Quelques semaines après le défilé de Noël, Sara et Anthony Jr. ont finalement rangé leurs décorations. Sara raconte que c’était difficile, «mais pas aussi difficile que cela aurait été, je pense, si nous n’avions pas reçu tout ce soutien et cet amour».
La famille prévoit de continuer à parer sa maison de décorations brillantes et colorées à Noël. «Nous ne voulons pas que les fêtes deviennent une période triste. Nous allons perpétuer la tradition», déclare Sara. Et si leur déploiement est assez lumineux, elle croit que son père et sa tante pourront peut-être même l’admirer du paradis.
Une fois que le sapin et les décorations sont installés, pourquoi ne pas visionner un des ces films de Noël disponibles sur Netflix?
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