Non loin de ma pile de livres pour le club de lecture, dans un autre rayon de ma bibliothèque, se trouve un vieil ouvrage relié en toile rouge : un recueil de poésie de William Butler Yeats. De nombreuses pages sont cornées, dont celle du poème intitulé « Au pied du Ben Bulben », dont mon père citait souvent les dernières strophes :
Regarde sans t’attendrir
La vie, la mort,
Cavalier, poursuis ta route !
Ces vers sont l’épitaphe qui orne la tombe du poète irlandais, et nous les avons récités à l’enterrement de mon père. J’ai longtemps pensé que Yeats évoquait le cavalier de la Mort et qu’il implorait sa clémence. Or j’ai récemment découvert une autre interprétation : le cavalier représenterait la peur. J’ai puisé dans les livres une partie du courage que mon père espérait me voir trouver. J’en ai compris le sens auprès d’hommes qui incarnaient précisément l’objet de ma peur.
IL Y A SIX ANS, lorsque mon amie Carol Finlay m’invita à me joindre au club de lecture qu’elle avait créé dans un pénitencier pour hommes, je trouvai que sa proposition était une mauvaise idée. J’admirais pourtant le travail qu’elle accomplissait, mais je n’étais pas convaincue de pouvoir y participer. En Angleterre, en 2002 – j’avais 46 ans – j’avais survécu à une violente agression. Deux hommes m’avaient pourchassée dans une ruelle sombre longeant ma maison londonienne, et étranglée jusqu’à ce que je m’évanouisse, puis s’étaient enfuis avec mon téléphone.
Je mis des mois à surmonter ce traumatisme, et durant les trois années suivantes, je n’avais plus le courage de marcher seule en ville le soir. Je ne pensais pas pouvoir entrer dans la prison sans déclencher ma réaction d’alors. Puis je me suis rappelé que, quelques semaines après l’agression, j’avais éprouvé une pulsion maternelle inattendue en songeant à la détresse qu’avaient dû vivre les mères de mes agresseurs pour leurs fils dévoyés. Je me souvenais aussi des paroles de mon père : « Si tu attends le meilleur des gens, ils se montreront à la hauteur. » Juge à la Cour de l’Ontario, il avait vu le côté le plus sombre des êtres humains.
Je savais que Carol faisait lire aux détenus de l’établissement de Collins Bay, un pénitencier fédéral situé à Kingston, en Ontario, de bons ouvrages de fiction et des essais. Ils se réunissaient une fois par mois autour du livre choisi. C’était, à certains égards, la même formule que le club dont Carol et moi faisions partie à Toronto, sauf que nous étions toutes des femmes et que nous n’étions pas en prison.
Imperceptiblement, ma curiosité a commencé à prendre le pas sur mon appréhension. L’envie de savoir ce que les détenus pensaient des livres fut la plus forte.
J’IGNORAIS JUSQU’À ma première visite que Carol et moi rencontrerions nos quelque 18 lecteurs largement tatoués dans un bâtiment reculé à l’intérieur de l’enceinte du pénitencier, sans gardiens à proximité ni caméras visibles. Carol voulait que les hommes se sentent en confiance. Notre protection reposait uniquement sur l’aumônier, muni d’un dispositif de sécurité qui alerterait les gardiens du bâtiment principal, quelque 80 m plus loin.
Construit dans les années 1930, le pénitencier de Collins Bay est un château gris encerclant de ses remparts de calcaire une vaste cour carrée, et doté aux quatre coins d’une tour de garde coiffée d’un toit rouge. C’est ainsi que je le découvris en octobre 2010, en arrivant à ma première réunion du club de lecture de la prison. Sur les conseils de Carol, j’avais camouflé mes formes et évité les bijoux tape-à-l’œil. Vêtue d’un col roulé, d’un veston en tweed et d’un pantalon, je ne portais pour toute parure que mon alliance en or et de simples perles aux oreilles. Je portais aussi mes nerfs à fleur de peau. À la réception, j’avais signé d’une main tremblante le registre des visiteurs.
Je n’ai gardé de la suite que des impressions fugaces. La peur me paralysait. Une fois que les portes d’acier se furent refermées bruyamment derrière moi, je me souviens d’avoir été assaillie par une odeur – un déplaisant relent de levure que je n’arrivais pas à définir – comme si des décennies d’adversité, de haine et de regrets s’étaient condensées dans ces murs. Blair*, l’aumônier de la prison, nous escortait, Carol et moi. Nous avions croisé de nombreux hommes vêtus d’un jean et d’une chemise de coton blanc à manches longues ou d’un t-shirt bleu, certains poussant un chariot, d’autres lavant les planchers. Je me souviens d’avoir songé que la prison employait vraiment beaucoup de personnel.
Blair avait raconté quelque chose à propos de la structure en « poteau téléphonique » de l’établissement, soit un couloir principal, appelé The Strip, sur lequel se greffent des blocs de cellules. Il nous conduisit à un bâtiment secondaire qui ressemblait à une salle paroissiale. Puis je m’étais retrouvée assise sur une chaise en bois, attendant l’arrivée des détenus, à me demander si je devais arracher le badge de ma poitrine indiquant que je m’appelais Ann.
Les hommes qui entrèrent étaient vêtus comme ceux que j’avais pris pour le personnel d’entretien. Il s’agissait donc de prisonniers ? Pourquoi se baladaient-ils ainsi sans contrainte ? Pourquoi l’aumônier, le seul à porter un dispositif d’alarme, avait-il quitté brièvement la salle ? Et pourquoi Carol avait-elle l’air si détendue ? Un homme s’avança alors vers moi, tout sourire, la main tendue. « Bonjour et bienvenue », dit-il. Je me levai, attrapai sa main et le remerciai. Plusieurs autres lui emboîtèrent le pas, de façon courtoise et non menaçante.
Carol me présenta comme la directrice du comité de sélection des livres du club de lecture, en précisant que mon travail de journaliste dans des magazines m’avait valu des prix et que j’avais un diplôme universitaire en littérature anglaise. J’assistais à la réunion pour avoir une meilleure idée des titres susceptibles de les intéresser. Elle lança ensuite la discussion sur Zeitoun, le merveilleux récit de Dave Eggers, sur un peintre en bâtiment et propriétaire d’origine syrienne qui, dans la foulée de l’ouragan Katrina, est arrêté par la Sécurité intérieure. C’est un livre que j’avais lu et adoré, mais je n’avais rien retenu de ce que les hommes en avaient dit. J’étais plutôt occupée à répéter mentalement les manœuvres d’autodéfense que j’avais apprises à Londres.
Les détenus semblaient déconcertés par ma présence, par ma décision de venir de Toronto – à plus de deux heures de là – alors que je n’étais pas payée et ne cherchais pas non plus à les convertir à une religion. Après la réunion, l’un d’eux s’approcha et me demanda : « Madame, qu’est-ce qui motive une bonne personne comme vous à venir passer le temps avec de sales types comme nous ? »
Excellente question, en effet, pensai-je. Mais je répondis : « Je voudrais vous aider à découvrir de bons livres. »
EN QUELQUES MOIS, je compris mon rôle au sein du club de lecture de Collins Bay. Carol et un autre bénévole (un ex-animateur de radio) présidaient à tour de rôle les séances du club. Carol misait sur ses compétences d’enseignante en anglais auprès d’adolescents et lui, sur son expérience d’intervieweur en direct. J’étais une écrivaine en résidence, en quelque sorte, je commentais le style des auteurs et donnais mon point de vue sur le choix de livres.
En vue de notre réunion de mai 2011, j’avais proposé Le bizarre incident du chien pendant la nuit, du Britannique Mark Haddon. L’histoire, un parcours dans l’esprit d’un personnage qui semble atteint d’un trouble du spectre autistique, est racontée par Christopher, 15 ans, dont la vie est réglée selon une routine stricte visant à le préserver de toute surcharge sensorielle. Lorsque l’adolescent découvre le chien de sa voisine, empalé sur une fourche, il abandonne tout confort, pour trouver l’assassin, au moyen des techniques de détective apprises en lisant les aventures de Sherlock Holmes.
Les recherches du garçon révèlent des secrets de grandes personnes, à la maison et dans son quartier. En réalité, à peu près tous les aspects de la vie d’adulte semblent faux et irrationnels lorsqu’ils sont observés à travers le prisme factuel et prosaïque d’une personne autiste. Je trouvais que ce livre avait sa place dans notre club en raison du regard qu’il porte sur la solitude de celui qui n’appréhende pas le monde comme le font la plupart des gens.
Le coanimateur de Carol, qui animait la discussion ce jour-là, brisa la glace en déclarant qu’il avait mis longtemps à s’attacher au personnage principal.
Graham, un grand blond de 1,95 m, était du même avis. « Le style d’écriture m’a rendu complètement fou. J’étais à un « Et » de péter un plomb. » Il est vrai que de longs passages du récit de Christopher sont racontés sur un rythme saccadé- « et j’ai dit…et puis il a dit…et j’ai dit… » -, mais c’était très crédible.
Carol était toujours sensible aux frustrations des lecteurs. « La première fois que je l’ai lu, j’ai vraiment aimé, dit-elle, mais la seconde lecture m’a irritée, peut-être à cause de tous ces « et ». » Elle poursuivit en expliquant brièvement en quoi consistait l’autisme, précisant que les personnes atteintes pouvaient s’énerver facilement et avaient d’énormes difficultés à interagir socialement.
« J’ai aimé le passage où il tape sur le policier », lança Frank, qui purgeait une peine de 10 ans pour voies de fait graves et infractions relatives aux armes. Son commentaire suscita l’hilarité générale. La scène survient tôt dans le récit, lorsque le policier interroge Christopher sur les raisons de sa présence avec le chien mort dans les bras. L’interrogatoire crée une surcharge sensorielle chez le garçon, qui s’allonge dans l’herbe en grognant. Il n’aime pas les contacts physiques, si bien que lorsque le policier le saisit par le bras, Christopher le frappe. L’animateur fut le premier à lancer l’idée que nous pouvions tous, d’une certaine façon, nous identifier à Christopher. Même si aucun d’entre nous n’est autiste, expliqua-t-il, « nous nous trouvons tous, à certains égards, en marge du cercle, ou en périphérie de la vie ».
« C’est vrai, approuva Ben, un lecteur enthousiaste, dont les paupières tombantes lui donnaient une triste mine. Particulièrement ici, je me dis qu’on peut tous comprendre ce qu’il vit à un moment ou l’autre. »
Carol réaffirma que nous nous trouvions tous en marge des autres, d’une certaine façon. Elle raconta aux hommes une anecdote au sujet d’un voyage qu’elle avait fait en France, quelques années auparavant, pour rencontrer l’humanitaire canadien Jean Vanier et sa communauté de L’Arche, où des adultes ayant une déficience intellectuelle vivent avec leurs aides-soignants. Là-bas, un résident l’avait abordée en lui demandant : « Êtes-vous normale ? »
Le récit de Carol amena Frank à mentionner l’Olympiade des personnes exceptionnelles, un événement commandité chaque été par le pénitencier, réunissant des personnes avec une déficience intellectuelle et les détenus pour deux jours de compétition. « L’un d’eux m’a fait un câlin ! » dit-il.
Plusieurs des hommes exprimèrent également des avis positifs sur cet événement. Un gros type à la voix traînante témoigna : « Ici, on est dans une institution. On baigne dans la haine. On est encerclé d’opinions. En prison, tout le monde en a une. À l’Olympiade, on est avec des gens qui n’en ont pas. Ils sont très affectueux, très ouverts et faciles à côtoyer. »
Graham avait une chose à ajouter sur le thème de l’autisme dans le roman. Il avança l’idée que la maladie était peut-être une métaphore de l’échec de la communication entre les membres de la famille de Christopher et la souffrance qu’entraînait ce manque. Ce commentaire se rapprochait beaucoup des propos de l’auteur, Mark Haddon, selon qui ce livre représentait en fait tout le monde.
EN PROPOSANT LA LECTURE du Bizarre incident du chien pendant la nuit, je n’avais toutefois pas compris à quel point les détenus étaient mal à l’aise à l’égard des troubles du développement neurologique et de la maladie mentale. Les détenus appellent « bogues » leurs compagnons souffrant de troubles psychologiques, et ceux-ci sont généralement laissés pour compte dans la cour, parce qu’ils sont perçus comme instables.
Graham l’expliqua dans un court texte qu’il avait écrit à la suite de notre discussion. Il commençait par la phrase suivante : « Imaginez-vous vivre dans un monde affligé de nombreuses maladies mentales et où les patients sont peu traités, voire pas du tout. Imaginez maintenant que vous ne puissiez en aucun cas quitter ce monde. Que la violence est courante et la population très imprévisible. Ce monde existe ici, au Canada, et j’y vis tous les jours. »
Le texte décrivait ensuite un détenu qui boit son urine, un autre qui prise du café moulu, d’autres encore qui ne se lavent pas ou qui entendent des voix. Il affirmait ensuite que le taux de suicide parmi les détenus des pénitenciers fédéraux canadiens était de 84 pour 100 000 contre 11,3 dans l’ensemble de la population. Plus tard, je vérifiai les données de Graham. Elles étaient justes.
LES EFFORTS DE CAROL POUR que le club de lecture de Collins Bay ressemble davantage à un club de quartier l’amenèrent à inviter des auteurs connus à rencontrer les détenus et répondre à leurs questions au sujet de leur livre. Le premier écrivain qu’elle recruta fut Lawrence Hill, dont le roman, Aminata, paru en 2007, avait connu un succès international. Le personnage principal de ce livre est une esclave stoïque d’Afrique occidentale, qui conserve sa dignité malgré les privations, une situation à laquelle les détenus pouvaient s’identifier. L’auteur dispose d’autres lettres de créance aux yeux de nombreux membres du club : en tant que Noir qui a réussi, il est un modèle.
Lawrence Hill avait d’abord décliné l’invitation de Carol en invoquant un horaire d’écriture chargé et la distance à parcourir – trois heures de route – pour se rendre au pénitencier. Carol finit par lui proposer une rencontre autour d’un café. Il s’y présenta avec l’intention de refuser la visite à Collins Bay, mais constata qu’il n’était pas de taille face à la persévérance de Carol.
C’ÉTAIT EN 2010, avant que je me joigne au club de lecture. Frank, Ben et Dread (un grand type dont la tête était couverte de fines tresses rastas qui dépassaient d’un béret de laine) faisaient partie de l’auditoire lors de cette première rencontre avec l’auteur. « Ce fut la conversation la plus intime, détaillée, concentrée et soutenue que je n’ai jamais eue sur ce livre, avec qui que ce soit, m’affirma-t-il par la suite. J’inclus là les doctorants, les séminaires de diplômés, tout le monde. » L’expérience fut à ce point gratifiante qu’il fit savoir à Carol qu’il recommencerait volontiers.
C’est ainsi que lors de ma cinquième réunion du club de lecture de Collins Bay, au début de l’été de 2011, Lawrence Hill était de retour pour parler avec les détenus.
J’ÉTAIS FASCINÉE PAR AMINATA DIALLO, le personnage principal de son roman. À 11 ans, dans les années 1700, Aminata est enlevée de son Afrique occidentale par des marchands d’esclaves et vendue au propriétaire d’une plantation d’indigotiers en Caroline du Sud. Elle survit aux conditions horribles du voyage, aux années de labeur dans les champs et à la perte de deux enfants, qui lui sont retirés. Aminata aurait pu être la voix d’une aïeule de certains des détenus.
Les membres clés du club avaient pris soin d’annoncer la visite de Lawrence Hill, si bien qu’une trentaine d’hommes se présentèrent à la rencontre en cette chaude journée de juin. C’était la plus grande participation que j’avais vue à ce jour.
Ben lança la conversation : « J’ai remarqué que vous cultivez toujours cette grâce dans tous vos livres. » Depuis la visite de l’écrivain, l’année précédente, Ben avait lu son premier roman, intitulé De grandes choses.
L’auteur écarquilla les yeux, puis sourit. Il raconta qu’il dotait ses personnages de qualités admirables, comme le courage, parce qu’il aimait se demander s’il en aurait lui aussi dans les mêmes circonstances. « C’est pareil pour la grâce, dit-il. Il y a beaucoup à dire sur les gens qui conservent leur dignité, même lorsqu’ils traversent le pire et subissent des choses horribles. Ils gardent leur dignité et n’oublient pas qu’ils sont des êtres humains, comme tout le monde. »
Tout en répondant à la question de Ben, l’homme de lettres semblait glisser un message furtif à son auditoire : il admirait leur courage et leur humanité dans cette épreuve qu’était la prison. Ses paroles résonnèrent en moi, et je vis que les hommes y étaient sensibles aussi. Un muscle tressauta sur la joue de Graham et Ben étira son lent sourire. Parmi les autres, bon nombre semblaient captivés.
Vers la fin de la rencontre, Carol demanda à Lawrence de lire un ou deux passages d’Aminata. Il lut deux des extraits les plus mémorables : lorsque Aminata, à peine descendue du négrier, est apeurée par la « fumée » qui sort de sa bouche, alors que l’air froid du matin condense le souffle de son haleine ; le second passage raconte le moment où un autre es- clave inocule la variole à Aminata en lui implantant, par une lésion, un bout de peau infectée.
Vint ensuite la séance de signatures. J’étais très émue devant l’enthousiasme des détenus à faire dédicacer leur exemplaire, de voir tout ce que représentait cette occasion, unique pour eux. Assise à côté de Lawrence, j’avais la chance de l’entendre parler avec chacun des hommes.
Dread était deuxième dans la file et demanda que son livre soit dédicacé à sa femme et à sa fille de 10ans. Lorsque Ben s’avança avec son exemplaire, les deux hommes parlèrent de Grandes choses, qui s’inspire des années durant lesquelles l’écrivain était reporter pour un journal de Winnipeg.
Son tour venu, Graham remercia Lawrence de sa visite, en prenant soin d’exprimer la gratitude qu’éprouvaient tous ses compagnons. Carol lui expliqua que Graham espérait travailler auprès des jeunes lorsqu’il obtiendrait sa libération. J’eus le sentiment qu’elle tenterait de les réunir une fois « dehors », le terme consacré chez les détenus pour désigner le monde à l’extérieur des murs.
UNE HEURE PLUS TARD, alors que nous étions attablés dans un restaurant du centre de Kingston, Lawrence Hill me confia qu’on lui avait posé une question à laquelle il n’avait jamais réfléchi jusqu’alors. « Quand Ben a abordé le thème de la grâce… personne ne m’avait jamais parlé de ça, dit-il. Ces hommes retirent visiblement plus des livres que d’autres gens parce qu’ils ont plus de temps, plus d’énergie ; ils peuvent s’y concentrer et leurs besoins sont plus grands. »
Lawrence m’apprit alors qu’il s’était déjà impliqué auprès de prisonniers. Quelques années plus tôt, les responsables d’un établissement de garde en milieu fermé pour mineurs avaient fait appel à lui parce qu’ils n’arrivaient pas à intégrer la lecture aux activités d’un groupe d’adolescents. Frustrés de leur échec, ils avaient demandé à l’écrivain d’essayer à son tour. Les jeunes, qui purgeaient tous une longue peine, savaient lire ; ils refusaient simplement de le faire. Lawrence y parvint après avoir déjeuné avec les garçons une fois par semaine dans la bibliothèque du centre de détention.
« Comment vous y êtes-vous pris ? demandai-je.
– J’ai choisi des livres pour chacun d’eux, individuellement, répondit-il. J’ai pu déterminer ce que chacun aimait après avoir parlé avec lui une heure ou deux. » Ce n’était jamais un livre de la bibliothèque du centre de détention, ça n’aurait pas été cool. Les livres étaient des cadeaux de l’écrivain, ses recommandations personnelles.
Il arrivait que les jeunes lui reparlent du livre qu’il leur avait donné en disant qu’ils ne l’avaient pas aimé. « Ils avaient détesté le début, le passage où le personnage fait ceci ; ils avaient détesté le point culminant de l’histoire, quand le personnage fait cela, sans compter la fin, qu’ils avaient trouvée vraiment nulle », raconta-t-il. Autrement dit, ils avaient lu le livre.
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