Cycliste d’élite, Claudine Labelle a carburé à la performance durant plusieurs années.
Sa routine axée sur l’activité physique et le dépassement de soi a basculé le jour où elle a été fauchée par une voiture lors d’un entraînement sur route.
À 22 ans, après un sévère traumatisme crânien, ses espoirs d’athlète professionnelle se sont effondrés.
« Les médecins étaient unanimes : la compétition, c’était terminé pour moi. J’ai dû m’arrêter et redéfinir mes priorités », confie la jeune femme qui a été contrainte de faire le deuil de sa carrière sportive.
Il lui a fallu deux ou trois ans pour récupérer totalement de l’accident.
Claudine Labelle s’est résolue à mettre de côté ses ambitions de cycliste de haut niveau, mais refusait de demeurer oisive. Pendant sa pause forcée, elle en a profité pour lire sur l’activité physique et ce qu’elle a découvert lui a permis de comprendre qu’une autre course devait commencer : celle de la lutte contre la sédentarité chez les jeunes. Et la pente s’annonçait difficile à remonter.
« Les adolescentes de 12 à 17 ans sont les plus sédentaires de la population canadienne. À peine 4 % d’entre elles atteignent les standards recommandés ! » s’étonne-t-elle encore aujourd’hui.
En 2007, alors âgée de 24 ans, Claudine Labelle décide de s’impliquer auprès des jeunes pour les aider à adopter de saines habitudes de vie et l’estime de soi. Déterminée à tout mettre en œuvre pour réussir, Claudine Labelle met sur pied la fondation Fillactive.
« Le but : convaincre les filles inactives de bouger et faire en sorte que les filles actives le demeurent tout au long de leur adolescence », précise-t-elle.
Le projet Fillactive démarre par une conférence sur l’activité physique qui se conclut sur une invitation à prendre part au défi de la FitClub.
Dans le cadre de ce programme de course à pied d’une durée de 8 à 10 semaines, les participantes s’entraînent en vue d’une course de 5 ou 10 kilomètres.
Pour ce faire, les adolescentes consacrent 90 minutes à l’entraînement chaque semaine et participent à de nombreux ateliers sur la nutrition et l’activité physique.
L’organisme Fillactive ne sollicite pas les écoles, mais invite les enseignants désireux de superviser la FitClub au sein de leur établissement à s’inscrire au programme. Par la suite, Fillactive prend contact avec la direction et le processus s’enclenche. Quinze écoles ont participé à la première édition de 2007.
« La polyvalente de Saint-Jérôme a été l’une des premières écoles à participer parce que c’est là que j’ai étudié », lance la fondatrice et directrice générale de Fillactive.
Cette année, 3 000 filles ont pris part à la course du 6 mai à Québec et 1 500 autres à celle du 8 mai au parc Maisonneuve à Montréal. « Il se peut qu’une jeune fille fera l’entraînement en vue de la course, mais ne sera pas en mesure d’y participer ou peut-être qu’elle devra marcher plutôt que courir. Mais ce n’est pas grave. Tout le monde est valorisé », insiste Claudine Labelle.
C’est aussi ce que pense Frédérique Vézina, une adolescente de 12 ans au regard pétillant qui a terminé une course de 5 km au stade TELUS de l’Université Laval. « Il faut continuer et ne pas lâcher, même si on ne réussit pas du premier coup », a-t-elle mentionné, entourée d’une nuée d’adolescentes et d’une foule massée le long des corridors de course.
À ses côtés, son amie Marie-Pier Boudreault manifestait autant d’enthousiasme et de fébrilité. « Après des semaines d’entraînement, je suis vraiment fière », a-t-elle lancé, soudée à son amie, avec qui elle savourait une victoire bien méritée.
Pour lancer le projet, Claudine Labelle a englouti une grande partie de ses économies et a saisi son bâton de pèlerin pour frapper aux portes et convaincre des partenaires d’y investir. Aujourd’hui, Québec en Forme, TELUS, Saputo, la fondation Trillium de l’Ontario, la fondation de la famille J. W. McConnell, la fondation Bon Départ et la fondation Jeunesse-Vie font partie des commanditaires de l’organisme.
« Je dois vous avouer que c’est toujours un gros risque à prendre. On s’implique dans un mouvement social et on ne sait pas si les efforts vont rapporter. On le fait parce que l’on croit à la cause, mais pendant quatre ans, l’aventure s’est résumée à du bénévolat à temps plein pour mon conjoint et moi », dit-elle.
Fillactive a livré ses fruits et Mme Labelle récolte les honneurs. En 2012, le Y des femmes de Montréal l’a nommée Femme de mérite dans la catégorie Sports et/ou mieux-être et l’Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique l’a inscrite sur sa liste des femmes les plus influentes. En 2013, Ernst & Young lui a décerné la Mention spéciale – Entrepreneur social au Grand Prix de l’Entrepreneur.
Outre les filles qu’elle parraine, Claudine Labelle est mère de trois enfants qui ont déjà bien compris l’importance de bouger. « Mes enfants sont très exposés aux événements de Fillactive et je vois à quel point ça peut avoir une influence. D’ailleurs, ma fille, qui a six ans, m’a dit « Maman, moi un jour je vais travailler pour Fillactive » », confie-t-elle, avec une satisfaction certaine.