Comment bien préparer sa succession? Quelques conseils
Notre profession d’avocat nous amène à conseiller des clients qui doivent rédiger un testament ou exécuter les volontés d’un proche, ainsi qu’affronter les difficultés qui surgissent quand famille et argent se mêlent au chagrin et à la cupidité. Au fil du temps, nous nous sommes rendu compte que nos clients voulaient avoir une meilleure connaissance de ce que sont un testament et une succession. Pour les aider à préparer leur succession, nous avons donc réuni quelques conseils issus de notre expérience. N’oubliez pas: quand viendra le temps d’exécuter vos dernières volontés, vous ne serez plus là pour préciser votre pensée ou résoudre les problèmes soulevés. Cela fait partie des 10 sujets importants à discuter avec vos proches.
Afin de prévenir toute surprise, voici quelques règles de base à respecter.
Tenez vos papiers à jour
Un testament n’est pas une sorte de document universel. Il doit traduire votre situation personnelle. Il est donc important de le revoir régulièrement. Dans son testament, rédigé en 1975, un de nos clients désignait son frère comme seul liquidateur (auparavant «exécuteur testamentaire») chargé de faire respecter ses dernières volontés. Au moment de mettre à jour son testament, le frère de notre client avait 97 ans et était en mauvaise santé. Il n’y avait pas de deuxième liquidateur. Devenu veuf, notre client prévoyait de partager ses biens entre ses deux enfants adultes, mais ne se rappelait pas avoir désigné uniquement son frère comme liquidateur et ignorait qu’on pouvait songer à ses bénéficiaires pour ce rôle. Il a aussitôt mis à jour ses documents.
Nous avons aidé un autre client dont le testament avait été rédigé 10 ans plus tôt. Il s’était marié l’année précédente. Dans certaines juridictions, sauf exceptions techniques, un mariage rend nul tout testament antérieur. Cet homme a été surpris d’apprendre que le sien était donc devenu caduc.
Choisissez vos liquidateurs avec soin
Comme liquidateur, choisissez une personne capable, volontaire et légalement autorisée à en assurer la responsabilité. Une femme avait, par exemple, nommé ses deux petits-enfants, âgés de 10 et 13 ans. Elle savait que les mineurs ne pouvaient pas assumer ce rôle, mais n’en demeurait pas moins persuadée que ses petits-enfants auraient atteint la majorité avant sa mort. Ne sous-estimez pas le défi que pourrait présenter votre choix: une cliente avait légué tous ses biens à ses 10 neveux et nièces, en les désignant comme liquidateurs. C’était oublier qu’il suffisait qu’un seul ne soit pas d’accord avec les autres pour que toute décision soit reportée.
Si vous considérez une candidature, songez à quel point un changement dans la dynamique familiale pourra vous affecter. Ainsi, un couple avait choisi son gendre comme principal liquidateur, parce qu’il était banquier, et donc doué pour les chiffres… Quand nous leur avons demandé s’ils désiraient toujours le voir dans ce rôle en cas de divorce, ils ont reconsidéré leur décision.
On croit bien connaître son entourage, pourtant ces secrets de famille ont été découverts après la mort d’un proche.
Évitez les querelles dans la fratrie
Des conflits entre frères et soeurs peuvent surgir lorsque les enfants sont confrontés à la succession de leurs parents. Un père avait légué tous ses «souvenirs» à son fils et le reste de ses effets personnels à sa fille. Malheureusement, le mot «souvenir» est vague et n’a peut-être pas la même signification pour tout le monde; en cas de conflit entre enfants, il pourrait donc être soumis à l’interprétation d’un tribunal. Le père a répondu: «Mes enfants sauront ce que ça veut dire. Ils ne se disputeront jamais là-dessus ni sur autre chose!» Vos enfants s’entendent peut-être bien aujourd’hui, mais ne présumez pas de leur sang-froid au moment de la succession.
Des émotions exacerbées ajoutées à l’éventualité d’un gain financier peuvent être source de tensions. Dans un autre cas, une mère a conçu son testament de manière à faciliter la redistribution de ses effets personnels à ses trois enfants, après son décès. L’aîné aurait le premier choix, le cadet, le deuxième, et le benjamin choisirait en dernier. Ce genre de procédure peut se révéler injuste: l’aîné choisit un tableau de valeur, par exemple, alors que le deuxième objet le plus coûteux vaut des milliers de dollars de moins. Notre cliente a compris qu’une méthode neutre, comme le tirage au sort, éviterait sans doute des tensions inutiles.
N’ayez pas l’une de ces attitudes déplacées quand vous parlez d’argent.
Soyez très précis
Autre conseil pour bien préparer sa succession: il est toujours bon de bien choisir ses mots. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les documents juridiques. Une femme avait ajouté la clause suivante dans son testament: «Je laisse ma bague sertie de diamants à ma fille». Or, il se trouve qu’elle en avait plusieurs d’une valeur de 2000$ à 20 000$. La cliente a fini par modifier son testament pour préciser laquelle était destinée à sa fille. Une autre femme avait rédigé ceci: «Je laisse la voiture que je possède à mon fils.» Mais l’année précédente, elle avait troqué sa voiture contre une autocaravane. Le fils aurait pu éprouver des difficultés en voulant prendre possession du véhicule récréatif, auquel le mot «voiture» ne convient pas.
Comprenez les subtilités
La plupart des gens ne connaissent pas les nuances du droit successoral. Les meilleures intentions du monde n’empêcheront pas les mauvaises surprises si l’on ne vous explique pas la logistique rattachée à votre testament. Un père avait décidé de léguer tous ses biens à sa fille unique. Dans le cas où elle le précéderait dans la mort, ses enfants en seraient les héritiers. Mais pas question que son gendre touche un «cent» de son legs. Hormis les sentiments de cet homme, si sa fille venait à divorcer après le décès de son père, il existait un risque réel que le gendre touche une partie de l’argent hérité.