Une nouvelle vie au Canada pour ces chiens
Tout sauvetage commence par une image touchante: un chien derrière des barreaux interroge l’avenir de son regard inquiet. Rooney ne faisait pas exception: l’air abattu, il était âgé et à moitié aveugle. Je ne pouvais pas me douter que, quelques semaines plus tard, il ferait partie de ma famille – et qu’il mourrait sur le plancher de mon séjour.
Redemption Paws, dont je suis la directrice, est une association caritative qui vient au secours de chiens victimes de catastrophes naturelles – ouragans, sécheresses, feux de forêt. Une fois par mois, plusieurs camions partent de Toronto vers différentes destinations américaines, principalement au Texas, l’État qui compte l’une des plus importantes populations de chiens errants. Les sauveteurs du Texas aiment savoir que leurs chiens préférés auront une belle vie au Canada: les nouvelles que nous leur faisons parvenir après l’adoption des animaux les soutiennent dans leur travail éprouvant.
Assurez-vous d’être prêt! Renseignez-vous avant d’adopter un animal de compagnie.
Le coût d’un sauvetage
Le sauvetage doit tenir compte des ressources dont on dispose et des objectifs qu’on vise, et d’en aider le plus grand nombre reste notre principal but. Les chiens plus âgés exigent plus de moyens financiers et de temps, mais il est difficile de laisser derrière les barreaux d’un refuge des bêtes dont on s’est débarrassé. Rooney correspondait parfaitement à la mission de Redemption Paws. On dit souvent: «J’adopterais bien un vieux chien, mais je n’en ai pas les moyens.» Sans que l’on s’en rende compte, cela signifie qu’on aime les chiens tant qu’ils sont jeunes et qu’ils ne coûtent pas trop cher. Voilà sans doute pourquoi Rooney s’est retrouvé dans un refuge.
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Rooney était finalement plus âgé
Quand j’ai accepté de l’accueillir, le pauvre animal n’avait pas de nom; je l’ai appelé Rooney pour sa belle fourrure auburn. Je me souviens comme si c’était hier de son arrivée à Toronto un soir de canicule d’août 2018, au bout d’un voyage de 38 heures depuis le Texas. Il avait l’air sauvage, sa tête étroite le faisait ressembler à un loup et dans ses poils roux se mêlait du blanc. Avec ses yeux brun sombre, il semblait résigné. J’ai veillé à ce qu’il soit immédiatement examiné par un vétérinaire. Au Texas, le personnel de la fourrière avait estimé que Rooney avait entre 8 et 10 ans et qu’il était encore bon pour quelques années d’amour et d’attention. En réalité, a assuré le vétérinaire, il avait près de 15 ans, et sa douleur à la patte n’était pas due à de l’arthrite, mais à un sarcome agressif. Rooney était en train de mourir.
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Dire au revoir
À peine deux semaines plus tôt, j’avais dû prendre la décision difficile de faire euthanasier mon premier chien, Charles, alors âgé de 15 ans – il en avait deux quand je l’ai adopté –, un jack russel croisé de shih-tzu fougueux atteint d’épilepsie idiopathique. Il était brusquement tombé malade. Les radiographies montraient beaucoup d’invasions tumorales et son bilan sanguin révélait une défaillance du pancréas.
L’idée de laisser partir Charlie me fendait le cœur. J’ai mis sur papier les trois choses qu’il aimait le plus – manger, jouer à la balle et se promener – et je me suis dit que, lorsqu’il n’y arriverait plus, ce serait le signal. Ça ne m’a pas empêchée d’annuler deux fois le rendez-vous de l’euthanasie, avant de m’y résigner un samedi soir. Plus tôt ce jour-là, je l’ai emmené en promenade, mes parents lui ont offert un coûteux fromage italien, et il a joué avec Irwin, mon autre chien de 11 ans, un bouvier australien croisé. J’ai invité des amis qui aimaient mon chien à venir boire du vin et à grignoter. Et Charlie a eu assez d’appétit pour avaler un cheeseburger et une glace. Il adorait les fêtes.
Le dernier souffle de Charlie
Quand les vétérinaires sont arrivés, Charlie a tout compris. Irwin a gémi et tourné autour de lui, puis Charlie a sauté sur son coussin; il était prêt à partir. Après l’injection du sédatif, j’ai mis ma tête contre son flanc pour sentir son dernier souffle et son dernier battement de cœur. J’avais même laissé la porte de derrière ouverte dans l’espoir que son énergie se répande dans l’univers. Le soleil chaud brillait, je me suis sentie en paix.
Deux semaines plus tard, encore ébranlée par la disparition de Charlie, j’ai vu un sauveteur transporter Rooney dans mon petit appartement. Je l’ai installé dans un grand panier recouvert d’une serviette. Irwin n’a pas dérangé Rooney, il s’est allongé tout près de lui. Les chiens savent.
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Une belle mort pour Rooney
Quand j’ai adopté Rooney, je savais qu’il lui restait peu de temps à vivre. À son arrivée, j’ai bercé dans mes bras ce loup roux et je l’ai rassuré. Il était allongé depuis à peine une heure dans le grand panier que sa respiration est devenue difficile et que ses yeux ne cessaient de s’élargir. Il se préparait à mourir et je le voyais lutter pour garder son calme. J’ai reconnu les étapes qui ont suivi – c’était si récent! – et j’ai appelé le vétérinaire, commandé des cheeseburgers et ouvert la porte de derrière.
Rooney a reniflé ses cheeseburgers et un bref éclat de bonheur a illuminé son regard. La vie était belle. Ce n’était visiblement pas ses premiers burgers et j’étais heureuse de pouvoir lui offrir le dernier. Je lui ai dit que je l’aimais et que s’il n’y avait personne qui l’attendait de l’autre côté, il pourrait traîner avec Charlie le temps qu’on arrive, Irwin et moi. Ses yeux se sont encore élargis et le vétérinaire a injecté le sédatif. Son expression a changé, puis la vie l’a quitté.
Notre programme de sauvetage avait accepté Rooney trois semaines avant qu’il n’arrive chez moi où il n’a vécu qu’un jour. Il avait presque parcouru 3000 kilomètres jusqu’au Canada pour y mourir de sa belle mort auprès d’une personne qui l’aimerait et l’aiderait à tirer sa révérence avec grâce. Rooney avait touché un sombre gros lot.
Les abandons
Il y a des millions de chiens abandonnés et presque tous meurent sans cheeseburger ni coussin moelleux. Selon la SPA américaine, plus de 670 000 chiens sont euthanasiés chaque année aux États-Unis. Au Canada, si la majorité des refuges cherchent à réduire le nombre d’euthanasies, quelque 33 000 chiens ont été accueillis dans des refuges en 2017 et le tiers y ont été abandonnés par leur propriétaire. Avant l’ouragan Harvey, qui a frappé le sud du Texas en 2017, on évaluait à un million le nombre de chiens errants dans la seule ville de Houston, et la catastrophe naturelle a jeté encore plus de chiens à la rue. Pour abandonner l’animal dont ils ne veulent plus, les gens font la queue devant le refuge du comté de Montgomery, au nord de Houston.
Il n’est pas rare de voir les gens abandonner un chien trop vieux ou mal en point, souvent parce qu’ils le trouvent inutile ou bien parce que son maître âgé est mort. Des raisons d’ordre socioéconomique poussent les propriétaires à envoyer leur animal malade ou mourant dans un refuge parce qu’ils n’ont pas les moyens de le faire euthanasier. Et aujourd’hui, les changements climatiques et leur lot de tempêtes, de feux de forêt et d’inondations aggravent la situation: après chaque catastrophe et exode, on constate un nombre croissant de chiens errants aux États-Unis et au Mexique. Heureusement, ce n’est presque pas le cas au Canada.
Pour Redemption Paws, la vie de chaque animal compte. Les humains ont tant de fois trahi les chiens! En choisissant de les secourir et de les accueillir, nous les aidons à trouver un bon foyer, même si les ouragans soufflent plus fort, que les feux de forêt sont de plus en plus violents et qu’il est de plus en plus difficile d’habiter cette planète. En retour, nous avons droit à un amour inconditionnel – jusqu’à la toute dernière seconde – même si cela ne dure qu’un jour.
Voici ce que vous devez savoir avant d’adopter un chien de refuge.