Comment la consommation de viande change-t-elle ?
Au Canada, non seulement la consommation de viande par habitant est en baisse, mais le type de viande choisi par les consommateurs change.
Par exemple, la consommation de poulet et d’œufs est en hausse . Soit dit en passant, les oeufs ont déjà été vilipendés au début des années 1980 en raison de problèmes de santé liés au cholestérol alimentaire. Avec l’évolution des recommandations en matière de santé, la demande d’œufs a de nouveau augmenté au Canada.
Cette augmentation de la consommation d’œufs et de poulets vaut la peine d’être soulignée parce qu’elle suggère que quelque chose d’autre que le bien-être animal – le facteur principal, moteur du véganisme – pourrait être à l’origine du changement dans la consommation de viande.
Combien y a-t-il de végétaliens ?
Des études menées au Canada suggèrent qu’environ cinq à sept pour cent des Canadiens s’identifient comme végétariens, et trois à quatre pour cent comme végétaliens, une forme plus restrictive puisqu’aucun produit dérivé des animaux n’est consommé. Un sondage récent de l’Université de Guelph vient confirmer cette estimation.
Un si petit nombre de personnes ne peut pas être à l’origine des changements que nous constatons dans la consommation de viande. Il convient également de noter que la proportion de végétaliens et de végétariens aux États-Unis est très semblable à celle du Canada. La consommation de viande aux États-Unis est en fait en hausse – bien que les proportions de viande rouge et de poulet suivent une tendance similaire à celles du Canada.
Si les végétaliens et les végétariens étaient à l’origine du changement dans la consommation de viande, on s’attendrait à ce que la consommation de viande américaine diminue comme elle le fait au Canada. Ce n’est pas le cas.
De nombreux sondages surestiment également le nombre de vrais végétaliens et végétariens au Canada. Notre récent sondage suggère que beaucoup de ceux qui s’identifient comme tels mangent en fait de la viande. Nous avons constaté qu’un tiers de ceux qui se sont identifiés comme végétariens et plus de la moitié de ceux qui se sont identifiés comme végétaliens mangeaient de la viande relativement régulièrement.
Ce phénomène a été qualifié d’aspiration vertueuse, ou de « signal virtueux » et il est facile à comprendre : les gens veulent manger moins de viande. Il y a une pression sociale croissante pour réduire sa consommation, ce qui se traduit par un plus grand nombre de régimes à base de plantes. Une recommandation dans le nouveau Guide alimentaire canadien encourage par ailleurs les repas sans viande.
Alors que de nouveaux sondages suggèrent une augmentation du nombre de Canadiens qui adhèrent à un régime végétalien ou végétarien, nous devons nous demander si l’interprétation de ces résultats n’est pas complexifiée par le désir d’atteindre cette « vertu ». Il y a peut-être une croissance réelle, mais elle est probablement inférieure à ce que les enquêtes suggèrent.
Selon le même sondage mené récemment par l’Université de Guelph auprès des consommateurs d’aliments, près de 85 pour cent des Canadiens mangent au moins un repas principal par mois sans protéines animales.
Bien qu’il puisse y avoir là aussi un signe de vertu, il est relativement clair que les flexitariens – ceux qui mangent encore de la viande, mais en mangent moins – sont à l’origine des changements dans la consommation de viande.
Pourquoi est-ce important ?
Une partie de la baisse de la consommation de viande est par ailleurs liée à la démographie. La population canadienne vieillit, et à mesure que nous vieillissons, nous mangeons moins en général et donc les portions de protéines deviennent plus petites.
Il est fort probable que les facteurs qui poussent les flexitariens à réduire leur consommation de viande sont liés à la santé et à l’environnement. Les gens ont l’impression de faire une différence positive en réduisant leur consommation de viande rouge sans avoir à renoncer complètement au plaisir coupable de la viande.
Une étude américaine de 2015 a révélé que 80 pour cent des végétaliens étaient motivés par le bien-être animal et l’éthique et seulement 20 pour cent par des facteurs liés à la santé. Ainsi, les préoccupations de bien-être sont plus susceptibles d’entraîner un abandon absolu de la viande, alors que la santé ou l’environnement pourraient simplement conduire à une réduction de la consommation de viande.
Cela a des implications pour le développement de nouveaux produits. Un végétalien qui a abandonné la viande pour des raisons éthiques a peu de chances de vouloir recommencer à en manger. Pourtant, à l’heure actuelle, on accorde beaucoup d’attention aux hamburgers à base de plantes et à d’autres produits qui imitent la sensation en bouche, la saveur et l’expérience globale du bœuf – non pas pour les végétaliens, évidemment, mais pour les carnivores qui choisissent de réduire leur consommation.
Imiter la viande
Dans un podcast récent de Freakonomics, Pat Brown, le PDG d’Impossible Foods et végétalien de longue date, souligne la motivation environnementale pour le développement d’un produit semblable au hamburger.
Il souligne l’importance de lui donner un goût et une saveur de vrai hamburger pour le rendre plus appétissant pour les amateurs de viande. Il est également intéressant de noter que la chaîne A&W lance un nouveau sandwich pour le déjeuner. Il propose une saucisse végétalienne « Beyond Meat » qui contient également un œuf. Ce n’est clairement pas un produit destiné aux végétaliens, mais un produit destiné aux flexitariens.
La viande produite en laboratoire est également louangée pour ses bienfaits pour l’environnement et la santé. L’argument est qu’elle produit moins d’émissions de gaz à effet de serre, bien que certains soutiennent que c’est peut-être faux.
Une autre indication de cette tendance est la bataille pour des mots comme viande et lait. Du lait d’amande au fromage végétalien en passant par les hamburgers goûtant la viande mais qui n’en est pas, les produits sont définis comme des imitations plutôt que des remplacements de protéines animales.
Ces produits suggèrent que c’est la même chose, mais avec des ingrédients différents. Les fournisseurs traditionnels affirment que ces nouveaux produits ne sont pas de la « viande » ou du « lait », mais des sources différentes de protéines.
C’est important dans l’esprit des consommateurs. Certaines juridictions ont même commencé à réglementer ce qu’on peut appeler de la viande.
En conclusion, il y a des changements évidents dans la consommation de viande. Mais elle n’est pas alimentée par une augmentation du véganisme et du végétarisme.
Michael von Massow, Associate Professor, Food Economics, University of Guelph; Alfons Weersink, Professor, Dept of Food, Agricultural and Resource Economics, University of Guelph et Molly Gallant, Research Assistant, University of Guelph
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.