Aliments enrichis: de quoi parle-t-on?
Par aliments enrichis, on entend des aliments auxquels on a ajouté des vitamines et des minéraux (par exemple du fer, du calcium et de la vitamine D), dans certains cas afin de remplacer ceux qui ont été perdus en cours de transformation. Au Canada, c’est au début du 20e siècle qu’on a mis en marché le premier aliment enrichi, le sel iodé, destiné à prévenir le goitre. Depuis, plusieurs aliments sont obligatoirement enrichis, notamment le lait (vitamine D) et la farine (vitamines B et fer). Le premier est apparu dans les années 1940; l’ajout de vitamine D avait pour but de prévenir le rachitisme. C’était alors facultatif mais, à compter de 1975, c’est devenu obligatoire. Quant à l’acide folique, une vitamine B, on en ajoute à la farine depuis 1988, ce qui a contribué à diminuer le risque d’anomalies du tube neural chez les bébés. (On peut trouver un supplément d’information sur les aliments enrichis dans le site de Santé Canada).
Voilà de bonnes raisons d’enrichir les aliments; le goitre, par exemple, est à toutes fins pratiques inexistant dans les pays où le sel iodé est la norme. Cependant, au cours des dernières années, les fabricants de produits alimentaires se sont mis à y ajouter toutes sortes d’autres ingrédients, particulièrement ceux qui sont en vogue, par exemple les probiotiques et les oméga-3. On doit toutefois se demander si ces ajouts nous sont utiles ou s’il s’agit d’une simple opération de marketing.
Pourquoi enrichir les aliments?
Dans notre système alimentaire, dominé par l’agriculture industrielle et les aliments prêts-à-servir, il semble que de nombreux aliments enrichis ne soient pas nécessairement plus sains, mais plutôt nécessaires. «Ce qui a entraîné, entre autres choses, cette vague d’aliments enrichis, c’est le fait que, depuis une cinquantaine d’années, nos sols se dégradent et sont carencés en éléments nutritifs, explique Cheryl Nomdarkhon, consultante et praticienne en nutrition de Toronto. Lorsque les sols sont carencés, les aliments qu’on en tire sont forcément plus pauvres en nutriments.»
Autre facteur : la transformation. Prenez, par exemple, le pain. Alors que le blé qui a poussé dans un bon sol est riche en nutriments, sa transformation en farine a pour effet d’éliminer une bonne partie de ces derniers. Plus la farine est raffinée, moins elle renferme de nutriments, d’où la pratique courante d’ajouter des vitamines et des minéraux au pain. Dans la farine blanche raffinée, les nutriments du grain original ont été enlevés. Mais pourquoi les enlever? C’est simple: parce que la farine blanche, et donc le pain qu’on en tire, se conserve mieux que la farine complète. «Plus la durée de conservation est longue, plus le pain a subi de transformations», souligne Cheryl Nomdarkhon.
Certains aliments enrichis sont bons pour nous
Il est virtuellement impossible pour les Canadiens d’obtenir des quantités adéquates de vitamine D durant les six mois les plus froids de l’année même si on passe beaucoup de temps dehors. Nous vivons à des latitudes trop élevées pour combler nos besoins. Et comme la vitamine D est essentielle à la santé (par exemple, pour protéger contre le cancer, selon des études scientifiques) et qu’elle n’est pas nécessairement disponible à l’état naturel dans les aliments, dans ce cas, on a souvent pas d’autre choix que de se tourner vers les aliments qui en sont enrichis.
Les aliments enrichis peuvent nous être néfastes
Compter sur les aliments enrichis, par exemple sur le bol de céréales (enrichies en fer) au déjeuner, peut donner un faux sentiment de sécurité. Si votre alimentation n’est pas assez variée, vous pourriez manquer de certains nutriments ou en absorber en quantité insuffisante. «On s’imagine que ces aliments permettent d’obtenir les apports nutritionnels requis, de dire Cara MacMullin, naturopathe chez Totum Life Science de Toronto, alors qu’on risque en fait d’être carencés, sans compter qu’ils coûtent proportionnellement plus cher. »
Les risques de consommer trop d’aliments enrichis
On doit également tenir compte des besoins individuels pour chacun des nutriments essentiels. «Bien que les aliments enrichis en calcium puissent être utiles pour les personnes allergiques aux produits laitiers et pour diminuer le risque de souffrir d’ostéoporose, ils pourraient entraîner, chez celles qui consomment des produits laitiers, un dépassement des niveaux maximum», souligne Cara MacMullin. Consciente de cela, Santé Canada est à élaborer une politique établissant des taux plafonds pour chacun de ces nutriments.
Équilibrer son alimentation avant tout
Pour la majorité d’entre nous, la meilleure solution consiste à adopter une alimentation équilibrée composée d’aliments complets, non transformés et variés. Toutefois, compte tenu de la surinformation qui règne en matière de nutrition, il pourrait être utile de consulter un expert sur les points spécifiques qui vous concernent. «Il y a beaucoup d’informations trompeuses, de dire Cara MacMullin. Pour vous aider à faire le ménage dans ce fouillis et pour connaître vos besoins spécifiques en nutriments, vous auriez intérêt à consulter un naturopathe, une diététiste ou une nutritionniste. »
Voyez maintenant quels aliments enrichis qui n’en valent pas le prix.
Les aliments enrichis qui n’en valent pas le prix
• Produits laitiers enrichis en oméga-3
«Ils ne valent pas le coût supplémentaire», affirme la naturopathe. Pour augmenter votre apport en oméga-3, consommez des poissons gras, par exemple du saumon, ou prenez un supplément d’huile de poisson. En ajoutant de l’avocat dans vos salades ou en prenant des noix à la collation, vous contribuez également à augmenter votre apport en ces acides gras. De leur côté, les huiles de canola et d’olive fournissent des oméga-6 et des oméga-9.
• Jus d’orange enrichi en calcium
«Le jus possède naturellement une teneur élevée en sucre et, contrairement aux produits laitiers, ne contient pas de vitamine D. Or, cette vitamine est essentielle à l’absorption du calcium», souligne Cara MacMullin. Consommez plutôt d’autres sources de calcium, par exemple des verdures, du brocoli, de l’avoine ou des amandes.
• Yogourt enrichi en probiotiques
«Les probiotiques sont utiles dans certaines affections intestinales, pour refaire son immunité et pour prévenir les infections résultant d’un traitement aux antibiotiques, mais ils devraient faire l’objet d’une évaluation au cas par cas », explique la naturopathe. Prenez plutôt du yogourt nature, pauvre en gras, sans édulcorants artificiels ajoutés (vous pouvez l’aromatiser ou l’édulcorer avec du miel, des fruits, du sirop d’érable, voire de la confiture); il renferme assez de probiotiques pour répondre aux besoins de la majorité des gens.
• Jus antioxydants
«Les fruits sont naturellement riches en antioxydants, flavonoïdes et fibres, ainsi qu’en de nombreuses vitamines et autres nutriments », souligne-t-elle. Les jus enrichis en antioxydants, plus chers que les autres, ne procureront jamais les bienfaits nutritionnels d’une orange, une pomme ou une poignée de baies». D’autant plus qu’on doit consommer le jus avec modération étant donné sa richesse en sucre. Dans la mesure où vous prenez des jus entièrement naturels, il y a de fortes chances que vous en ayez pour votre argent en matière de pouvoir antioxydant.