Qu’est-ce que l’entomophagie?
L’entomophagie est la consommation d’insectes par les humains. Elle est pratiquée dans de nombreux pays du monde entier, principalement dans certaines régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Alors simple effet de mode ou nouvelle façon de se nourrir?
En fait, les insectes ont toujours fait partie de l’alimentation humaine, bien que, plus récemment, les instituts de recherche, les chefs cuisiniers et les autres membres de l’industrie alimentaire – humaine et animale – lui portent plus d’attention.
Le Programme de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) sur les insectes comestibles examine par ailleurs le potentiel des arachnides (par exemple les araignées et les scorpions) pour l’alimentation humaine et animale, bien que, par définition, ce ne soient pas des insectes.
Avenir alimentaire
Si l’on en croit la FAO, l’entomophagie est notre avenir alimentaire! En effet, la croissance démographique, l’urbanisation et la montée des classes moyennes font augmenter la demande mondiale en aliments, notamment en protéines d’origine animale, ce qui exerce une pression supplémentaire sur des ressources agricoles déjà surexploitées.
La production traditionnelle d’aliments pour animaux de ferme et domestiques, comme le soja et les céréales de farine de poisson, doit donc s’intensifier et devra se tourner vers l’utilisation de sources de protéines alternatives.
L’une des nombreuses façons de répondre à l’insécurité alimentaire humaine et animale est d’envisager l’élevage d’insectes, estime la FAO. Ces derniers ont la qualité de se reproduire rapidement et présentent des taux de croissance élevés. Leurs taux de conversion alimentaire sont également significativement plus élevés que les autres animaux d’élevage, ce qui met en lumière leur efficacité à convertir les ingrédients qu’ils ingèrent en nutriments. Finalement, les insectes nécessitent six fois moins de nourriture pour l’obtention de la même quantité de protéine. Sans oublier que 80% de l’insecte est comestible contre 40% seulement pour le bœuf, par exemple.
La pénurie d’eau à laquelle nous risquons d’être confrontés rend également les insectes intéressants pour leur faible impact sur l’environnement pendant tout leur cycle de vie. Ils nécessitent entre autres une quantité énergétique moindre et une quantité d’eau très réduite comparativement à l’élevage de bovins. Environ 800 gallons d’eau sont nécessaires à la production d’un kilo de bœuf contre 1 seul gallon pour la production d’un kilo de grillons.
Relever le défi environnemental
Les élevages traditionnels pour la production de viande produisent une grande quantité de polluants comme l’ammoniac, sans compter les gaz à effet de serre. L’élevage d’insectes est aussi moins dépendant du sol que l’élevage conventionnel. Les facteurs externes tels que la pollution des sols et de l’eau dus à la production animale intensive et le surpâturage conduisent à la dégradation des forêts et contribuent à plusieurs effets néfastes pour l’environnement.
La recherche montre que les insectes peuvent souvent constituer une alternative plus durable et moins onéreuse, si les coûts externes de récolte, de production et de transport comme l’eau, les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de combustibles fossiles sont pris en compte dans le coût total des aliments conventionnels.
Retrouvez pourquoi manger des insectes est bon pour nous… et pour la planète!
Combattre les aprioris
Si l’entomophagie est une pratique courante dans plusieurs pays, le monde occidental reste encore assez réticent au fait de manger des insectes. Surmonter vos aprioris est probablement la plus grosse étape à franchir dans votre cheminement vers la consommation d’insectes. Une fois vos idées préconçues dépassées, ce sera un jeu d’enfant! L’acceptation rapide du poisson cru sous forme de sushi est un bon exemple d’aliment oriental rapidement démocratisé en Occident.
Certaines espèces d’insectes, telles que les chenilles mopanes en Afrique australe et les œufs d’une variété d’œcophylla smaragdina en Asie du Sud-Est, peuvent atteindre des prix faramineux et sont considérées comme de véritables mets de luxe.
Inversement, en Chine, la nourriture traditionnelle disparait progressivement des repas, au rythme que la population s’urbanise, s’occidentalise et s’enrichit. La consommation de viande n’y est nul autre que le reflet de l’ascension sociale.
Vous mangez déjà des insectes
Si vous n’arrivez toujours pas à éliminer les idées négatives sur la consommation d’insectes, dîtes-vous que vous consommez déjà en moyenne 500g d’insectes par an sans le savoir avoue le spécialiste de l’entomophagie Romain Fessard! Eh oui! Les insectes seraient déjà utilisés un peu partout dans les produits d’alimentation quotidienne, comme la farine, le pain, les gâteaux, les jus de fruits ou encore de légumes. En effet, Starbuck utilise de la cochenille — un insecte hémiptère — pour colorer son Frappucino aux fruits rouges. Yoplait l’utilise quant à lui pour colorer ses yogourts à la fraise!
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Allez-y progressivement
Par leur goût plutôt commun d’arachide et leur apparence quelque peu familière, les vers de farine sont les insectes idéaux pour les néophytes.
Commencez par des recettes sucrées classiques, auxquels vous ajoutez des insectes comme substitut aux traditionnelles pépites de chocolat. Substituez aussi progressivement certains ingrédients de vos recettes traditionnelles salées, et utilisez de la farine d’insectes dans vos recettes pour faire le plein de protéines.
Retenez qu’il y a trois grands types de préparation générale: les insectes cachés (les asticots qui peuvent être transformés en farine…), les insectes à cuisiner (des insectes vivants à préparer chez soi) et les insectes prêts à manger (comme des brochettes ou dans des plats préparés).
Apport nutritif et valeurs énergétiques
De nombreux insectes comestibles (scarabées, chenilles, fourmis, sauterelles, criquets, grillons, pour ne nommer que ceux-là) sont riches en protéines, en fer ainsi qu’en vitamines B et D facilement assimilables par l’organisme! Il existe énormément d’espèces d’insectes, tous avec une saveur et un apport nutritionnel différent. Il est donc capital de varier les espèces que vous consommez.
La valeur nutritionnelle des insectes dépend de plusieurs facteurs, dont leur croissance et leur stade métamorphique ainsi que leur mode de préparation. Si un insecte est cuit, sa teneur en protéines diminue. S’il est âgé, sa valeur énergétique augmente. La valeur nutritionnelle de l’insecte dépendra également de son habitat et de son alimentation.
Une recherche italienne a révélé que les extraits de certaines espèces — criquets et sauterelles, notamment — sont riches en antioxydants (reste à déterminer si l’organisme humain peut les assimiler). Les insectes sont de toute façon une bonne source de graisses polyinsaturées et de minéraux.
Les insectes sont ni plus ni moins qu’un concentré de protéines, composés de tous les acides aminés essentiels et de lipides (acides gras saturés, insaturés et essentiels, à savoir les oméga-3,-6 et-9). De plus, ils possèdent relativement peu de glucides et augmentent les apports en fibres.
En plus de ces macronutriments essentiels au bon fonctionnement de votre organisme, les insectes sont bourrés de micronutriments, minéraux et oligoéléments, tels que le potassium, le sodium, le magnésium, le fer, le cuivre, le manganèse, le phosphore, le sélénium, le zinc…
Maigrir grâce aux bienfaits des insectes
Grâce à leurs très faibles taux de matières grasses saturées et leurs agents coupe-faim, ils sont excellents pour les personnes qui souhaitent perdre du poids.
L’entomophagie est aussi recommandée aux sportifs qui veulent gagner en masses musculaires. Riches en protéines et en oligoéléments, les insectes favorisent l’endurance et procurent un maximum de tonus aux cellules musculaires. Aussi, le sportif est moins sensible à la fatigue grâce aux propriétés énergétiques des insectes.
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Gourmet et gourmand
Les insectes sont très savoureux et il n’existe pas moins de 1500 espèces d’insectes comestibles. Sauterelles, grillons, scarabée ou vers: ces petites bêtes sont d’excellentes alternatives pour les amateurs de découvertes culinaires. La friture a toujours été le mode de cuisson privilégié, car, en les faisant frire, leurs odeurs attirent plus d’acheteurs.
Il est également possible de les faire griller et de les tremper dans des sauces pimentées. Les insectes ont tendance à avoir le goût de noix, particulièrement lorsqu’ils sont grillés. Les grillons, par exemple, ont souvent le goût de crevette. Les arachnides ont, pour leur part, un goût de fruits de mer: surtout de crabe et de homard.
Allergie?
Les risques liés à l’ingestion d’insectes ne sont pas vraiment connus jusqu’à maintenant, mais le risque le plus clairement identifié est d’ordre allergique. En effet, le régime entomophagique n’est pas recommandé aux personnes allergiques aux crustacés, car les insectes appartiennent à la famille des arthropodes.
Il est d’ailleurs fortement recommandé de ne pas manger des insectes non cuits récupérés dans la nature ou dans votre jardin. Ceux-ci peuvent contenir des produits chimiques comme des pesticides, mais également divers parasites transmissibles à l’être humain.
À cet effet, le président d’Entosystem réfère à tous les scandales alimentaires liés à la consommation de viande (grippe aviaire, maladie de la vache folle et grippe porcine). Les insectes étant plus éloignés de l’être humain que les animaux d’élevage dans l’échelle de l’évolution, ils sont, par conséquent, beaucoup moins enclins à nous transmettre des maladies.
Apprenez à faire la différence entre une allergie ou un intolérance alimentaire.
Gaspillage alimentaire
À l’Université Laval, les chercheurs s’intéressent à la récupération des déchets agroalimentaires. 30% de la production est normalement jeté aux ordures (ou au compostage). Plutôt que de se débarrasser de cette ressource, les chercheurs donnent une seconde vie au gaspillage alimentaire pour l’offrir à des larves qui s’en nourrissent. Ces dernières sont ensuite intégrées à l’alimentation du bétail.
Les larves d’insectes ont la particulière capacité de «surcycler» des résidus organiques de qualité relativement faible, comme matière première pour en faire des protéines et des lipides de valeur.
Bien que la consommation directe d’insectes par l’humain ne soit pas monnaie courante dans les pays occidentaux, l’élevage d’insectes pour rentabiliser le gaspillage alimentaire offre une occasion intéressante de produire des ingrédients entomophagiques pour la production animale.
Les méthodes utilisées étant encore artisanales, elles ont surtout été développées et déployées dans les pays émergents avec des moyens limités. L’adoption et la commercialisation à grande échelle de ces approches restent encore difficiles.
Toutefois, l’enfouissement des déchets organiques étant limité et la volonté de trouver des ingrédients durables pour l’alimentation animale ont suscité un regain d’intérêt pour les insectes et leur capacité de transformer les déchets organiques en ressources alimentaires précieuses.
Types d’insectes les plus consommés
Il existe peu de données sur les quantités d’insectes consommées dans le monde entier. Selon des statistiques disponibles auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), les insectes les plus mangés sont:
- les coléoptères (scarabées, charançons, ténébrions) (31%);
- les lépidoptères (chenilles et papillons) (18%);
- les hyménoptères (abeilles, guêpes et fourmis) (14%).
Viennent ensuite les orthoptères (sauterelles, les criquets, les grillons) (13%), hémiptères (cigales, cochenilles et punaises) (10%) et les autres.
Pleine expansion au Québec
Par ailleurs, la production d’insectes comestibles est en pleine expansion au Québec! Le nombre de producteurs a quadruplé en 2018, mais ne parvient tout de même pas à répondre à la demande. À noter que les industries qui produisent à l’échelle canadienne sont situées en Ontario ou en Colombie-Britannique et ne fournissent pas!
Les cultures de grillons, de mouches soldats noires et de ténébrions sont en ce moment les plus fréquentes auprès des producteurs.
Selon le président de la Fédération des producteurs d’insectes comestibles du Québec (FPICQ), Jérôme Fortin-Légaré, cette hausse notable d’intérêt est attribuable à une meilleure connaissance du marché et de son potentiel. Il précise cependant que l’industrie de l’entomophagie au Canada et aux États-Unis accuse un retard sur l’Europe. Tout compte fait, c’est la Thaïlande qui arrive en première position des producteurs mondiaux avec ses quelque 20 000 fermes d’insectes.
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De nouveaux joueurs
Une étude menée en 2016 par Recyc-Québec auprès de 850 participants a révélé que les hommes seraient plus enclins à manger des larves de mouche que les femmes. Aussi, la majorité des participants préféraient les aliments transformés comme la farine de grillons plutôt que le grillon entier.
L’une des plus grandes fermes d’insectes certifiées biologiques en Amérique du Nord, Entomo Farm, est située en Ontario. Elle peut produire jusqu’à 13,5 tonnes d’insectes par mois dans ses trois bâtiments de 20 000 pieds carrés. Tout compte fait, le grillon s’impose de plus en plus à notre alimentation et le Québec compte actuellement plus d’une quarantaine d’entreprises actives ou en démarrage.
La compagnie québécoise Näak propose des barres protéinées à base de poudre de grillon. La première gamme de barres énergétiques, riche en sodium, était particulièrement conçue pour les athlètes, mais l’ambition de démocratiser la consommation des grillons l’a motivée à évoluer vers des produits universels. Näak est désormais offerte dans plus de 600 points de vente au Canada (notamment comme Sport Expert, Rachelle-Béry et Nautilus Plus au Québec).
Grâce au développement de nouvelles fermes québécoises comme Umamize (anciennement Tottem Nutrition), il y a de nouvelles opportunités d’approvisionnement pour les compagnies agroalimentaires d’ici. L’émergence de fermes d’insectes illustre parfaitement le changement qui s’opère dans les dernières années quant à la réceptivité des consommateurs pour l’entomophagie.
Neoxis, pour sa part, se spécialise dans l’élevage de ténébrions meuniers, situé à Saint-Flavien, dans Lotbinière. De son côté, située à Sainte-Marie de Beauce, Uni-Vers Entomoculture transforme la larve de ténébrions en farine. L’entreprise songe d’ailleurs à entamer une production plus massive pour répondre à la demande qui ne dérougit pas.
Le grillon dans tout ça?
- Lors de la fabrication de la farine de grillon, les insectes sont lavés, séchés puis placés dans un sac de congélation étanche afin d’être tués humainement. Ensuite chaque insecte est de nouveau lavé puis séché. Enfin, ils sont moulus jusqu’à ce qu’ils aient la consistance d’un germe de blé.
- Le grillon contient 65% de protéine (contre 23% dans le poulet et 12% dans les œufs) et a besoin de 12 fois moins de nourriture et de 2000 fois moins d’eau pour produire la même quantité de protéine.
- La farine de grillon peut être utilisée en complément d’un repas afin d’augmenter sa teneur en protéines et en nutriments. Il suffit de remplacer environ 10% de la quantité de farine requise dans une recette par de la farine de grillon. Elle peut aussi être ajoutée aux plats mijotés ou braisés, comme la sauce à spaghetti ou le chili pour les épaissir.
- Par 100 g, la farine de grillons contient environ 67g de protéines, 7,5 g de glucides et 18 g de lipides.
Quels sont les aliments disponibles sur le marché?
Les barres énergétiques et la farine (de ténébrions ou de grillons) sont définitivement les deux produits alimentaires les plus communs au Québec. On y trouve également des pâtes et des insectes entiers assaisonnés.
Par contre, pour les plus curieux, il est possible de tenter l’expérience dans un restaurant mexicain! Plusieurs serviront en abondance des chapulines, ces croustillants criquets au goût végétal, souvent servi en tostadas ou dans des tacos. Vous pourrez également goûter aux chicatanas, les fourmis géantes du Mexique très aromatiques, qui rappellent le goût du sarrasin. Les escamoles (œufs de fourmis) sont nul autre que le caviar mexicain et les larves d’abeilles, le «foie gras des insectes»!
Alors, tenterez-vous l’expérience?