Plus de vacances et d’accommodements, moins de discrimination et de harcèlement, et un employeur qui prend le chemin de la prison pour négligence criminelle, une première… Parmi les changements en droit du travail en 2018, une troisième semaine de vacances pour les employés dès leur troisième année de service.
Voici une courte rétrospective.
Février : accommodement raisonnable pour les accidentés
Le début de l’année a été plutôt difficile pour le milieu patronal. En effet, dans l’affaire Caron, la Cour suprême du Canada a opéré un revirement historique en imposant à l’employeur l’obligation d’accommoder un accidenté du travail atteint de limitations fonctionnelles.
De concert avec la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail), l’employeur devra dorénavant mettre en place des mesures d’accommodement plus larges que celles de réadaptation déjà financées par le régime public de réparation des lésions professionnelles.
Mars : Walmart montre la porte à ses employés handicapés
Le géant du commerce de détail met fin au programme de formation professionnelle de personnes atteintes d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble du spectre de l’autisme, pour des raisons plutôt obscures.
Cette décision qui avait toutes les apparences d’un cas de discrimination en emploi a d’ailleurs soulevé l’indignation de la population. La multinationale a fait volte-face quelques jours plus tard. Comme quoi les médias sociaux peuvent parfois influencer positivement les décisions d’affaires, à l’heure où la responsabilité sociale des entreprises constitue de plus en plus un indicateur de performance décisif.
Mai : payer des étudiants moins cher, c’est discriminer
La convention collective à l’Aluminerie de Bécancour accordait automatiquement un salaire moins élevé aux étudiants par rapport aux employés habituels, pour le seul motif qu’ils travaillent exclusivement pendant l’été pour payer leurs études.
Le Tribunal des droits de la personne a tranché que cette pratique constitue de la discrimination salariale fondée sur le statut social et l’âge, laquelle est interdite par l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. En plus d’ordonner à l’employeur de modifier la clause discriminatoire de la convention collective, le Tribunal accorde la somme de 1 000 dollars en dommages moraux à chaque plaignant ainsi que le versement rétroactif du salaire perdu.
Juin : la réforme des normes du travail
Sous l’égide de l’ancien gouvernement libéral de Philippe Couillard, une réforme somme toute timide à la Loi sur les normes du travail a été adoptée, axée autour d’une volonté d’améliorer la conciliation famille-travail.
Parmi les changements qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2019, un salarié pourra refuser de travailler plus de deux heures supplémentaires par jour, sauf certaines exceptions. À compter de la troisième année de service, il aura également droit de cumuler une semaine de vacances additionnelle, pour un total de trois semaines par année.
L’employeur aura quant à lui l’obligation d’adopter une politique de prévention de harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, y incluant le harcèlement sexuel dans la foulée du #moiaussi. À ce titre, le salarié possède maintenant deux années à partir de la dernière manifestation de harcèlement pour déposer une plainte à la CNESST.
Septembre : un employeur prend le chemin de la prison
Pour une première fois au Québec, un employeur a été déclaré coupable d’homicide involontaire, à la suite d’un accident du travail mortel dont a été victime un de ses employés. Le non-respect des normes en santé et sécurité au travail par cet entrepreneur en excavation a été à l’origine de l’effondrement des parois d’une tranchée. Le travailleur a été mortellement enseveli.
Sylvain Fournier a été condamné à 18 mois d’emprisonnement.
Octobre : la légalisation de la marijuana
Les employeurs ont vécu un véritable « bad trip » avec la légalisation du cannabis à des fins récréatives.
Beaucoup d’entre eux ont dû resserrer leur politique, ou carrément en adopter une, au sujet de l’interdiction d’avoir en sa possession cette substance sur les lieux du travail ainsi que d’être sous son effet pendant les heures de travail, parfois même lors de périodes précédant le début de la prestation de travail.
Gageons que des contestations syndicales sont à venir. Les tests de dépistage actuellement disponibles ne permettent pas d’identifier précisément le moment de la consommation.
Novembre : les cadres ne peuvent pas se syndiquer
Cassant la décision du Tribunal administratif du travail, la Cour supérieure déclare que l’exclusion des cadres du Code du travail est valide constitutionnellement et ne les empêche pas d’exercer autrement leur liberté d’association.
En étant des représentants de l’employeur, ils ne peuvent tout simplement pas s’insérer dans un régime de syndicalisation conçu pour des salariés.
À suivre en 2019:
- La décision de la Cour d’appel sur l’obligation de réaffecter un salarié incompétent à un autre poste, avant de pouvoir le congédier administrativement ;
- Le projet de loi controversé au sujet de l’interdiction de signes religieux chez les fonctionnaires en autorité ;
- Les orientations de la CNESST sur la nouvelle démarche d’accommodement ;
- La proposition du gouvernement Legault d’abolir toutes les clauses orphelins.
Sébastien Parent, Chargé de cours en droit du travail à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et à Polytechnique Montréal, chercheur doctoral au CRIMT et avocat membre du Barreau du Québec, Université de Montréal
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.