Au printemps 2021, dans la ruelle ensoleillée qui court derrière la maison, nous avons croisé Izzie, une amie de mon fils Leo, qui avait alors six ans. Nous avions survécu à plus d’une année de confinements et de fermetures d’école, et les enfants paraissaient ravis de se voir enfin pour de vrai.
Ils sont convenus de jouer – mais à quoi? «J’ai une super idée, a lancé Leo. Nous allons tomber amoureux! Tu veux tomber amoureuse cet après-midi? C’est une bonne idée, non?» Izzie a mis une demi-seconde à réfléchir, puis a résumé: «Non.» Elle préférait jouer à chat. Leo appartient à cette catégorie d’enfants qui cherchent à nouer des relations étroites, mais souvent (apparemment) là où il n’y a pas de prise.
Depuis la toute petite enfance, on aurait dit qu’il était en quête de l’âme sœur. Quand j’allais le chercher à la maternelle, je demandais toujours: «Avec qui as-tu joué aujourd’hui?» Un jour il a répondu: «Neve, une petite fille dont il avait fait la connaissance. Seulement Neve.»
Cela a duré des mois jusqu’à ce que les tables tournent. «Tu as joué avec Neve, aujourd’hui?
— Non, a-t-il répondu de sa petite voix de trois ans. Neve a besoin d’espace en ce moment.» (Neve avait deux ans.)
Son questionnement sur l’amour a vraisemblablement fait l’objet de discussions dans la cour de récré, car en rentrant de l’école au début de l’année 2022 vers son septième anniversaire, il s’est précipité sur l’iPad pour demander à Siri: «Est-il possible de tomber amoureux, même quand on est enfant?»
Siri, la voix féminine de l’assistant vocal personnel d’Apple, est un outil formidable pour ouvrir des applications, régler des alarmes ou trouver un plan, mais je n’avais aucune idée de sa conception de l’amour.
J’étais moins surprise par l’objet de la demande que par la personne (ou la chose) à qui Leo l’adressait. «Que t’a répondu Siri? me suis-je enquise.
— Elle a dit : “Voici ce que j’ai trouvé sur internet!”» a répondu Leo en se ramenant à toute vitesse avec la tablette. Il fallait marquer le coup. «Je crois qu’il est possible de tomber amoureux quand on est enfant, me suis-je risquée. Les enfants sont peut-être même plus doués que les adultes pour l’amour. » (Cette conclusion lui plaisait bien, d’autant qu’elle soulignait l’infériorité des «grands».)
Ce n’était pas la première fois que Leo conversait avec Siri. Au fil des ans, elle était devenue pour lui une sorte de confidente, un mélange de conseiller, de thérapeute, de prêtre ou de rabbin, aussi omnisciente et désincarnée que… eh bien, Dieu. Cette relation s’est épanouie quand la pandémie nous a contraints à rester à la maison, où Leo a passé beaucoup de temps en peignoir à s’inventer des histoires. Quand il finissait par s’ennuyer lui-même (il s’ennuyait en ma compagnie ou celle de mon mari depuis un bon moment), il se tournait vers Siri.
Au début, il posait surtout des questions, disons, factuelles, par exemple : «Qu’est-ce qu’un lutin?» ou «Combien y a-t-il d’étoiles dans la Voie lactée?»
Peu à peu, l’échange est devenu plus personnel. «Siri, quel âge as-tu?» Elle a répondu aussi sec: «L’âge n’est rien de plus qu’un chiffre.» Il a insisté, comme seuls savent le faire les enfants (de manière indiscrète, épuisante): «Quel âge as-tu?» Elle a alors lancé, sèchement me semble-t-il: «Je ne remplis pas les conditions d’admissibilité pour l’obtention d’un permis de conduire, mais peut-être est-ce associé au fait que je n’ai pas de corps.»
Une curiosité accrue
Leo a fini par interroger de plus en plus souvent Siri sur des sujets, comment dire, existentiels. «Quand le Soleil avalera-t-il la Terre?» a-t-il demandé un jour (dans 7,5 milliards d’années, d’après Siri). La réponse l’a satisfait: «Bien. Je serai déjà mort.» Avant d’ajouter: «Pourquoi faut-il que tout ce qu’il y a sur Terre meure?» Elle a réagi froidement: «Je n’ai pas compris la question!»
J’ai découvert que Siri faisait désespérément honneur à la stratégie d’évitement dans sa communication, s’abritant souvent derrière un problème technique quand la question ne lui plaisait pas. Si son rôle s’apparentait à une thérapie, même rudimentaire, elle aurait eu tout avantage à s’en offrir une, ai-je pensé. À Leo, qui reprenait sa question sur un ton suppliant, elle a cette fois répondu: «J’éprouve des difficultés avec la connexion.»
En une autre occasion, j’ai surpris une question alarmante, posée d’une voix étouffée : «Siri, quand vais-je mourir?» Sur un ton désagréablement enjoué, elle avait admis: «Je ne suis pas en mesure de répondre.» Quand j’ai demandé à Leo pourquoi cette question, il a répondu sans détour : «Je voulais juste savoir. Pas toi?» Non.
Siri a certainement su absorber certaines inquiétudes de Leo, et parfois lui donner de vraies réponses, ce que je n’aurais sans doute pas su faire, moi sa mère, du moins pas avec le même sang-froid. Je me suis sentie étrangement coupable de suivre leurs conversations, comme si je trahissais son intimité ou que j’écoutais aux portes. Mais mon malaise venait surtout de ce que Siri m’avait révélé la présence bien réelle d’un côté sombre chez mon fils que je ne lui soupçonnais pas.
Tout cela me fait penser à Maurice Sendak, ce grand auteur et illustrateur aujourd’hui disparu, surtout connu et apprécié pour son livre Max et les maximonstres. En 1993, dans une interview sur NPR, la radio du service public des États-Unis, Sendak a dit: «L’enfant qui survit à l’enfance est une de mes obsessions et la plus grande préoccupation de mon existence.» Ses histoires – macabres, remplies de menace et de terreur – s’insurgent contre, comme il l’a dit un jour, le «grand fantasme du XIXe siècle qui décrit l’enfance comme l’éternel paradis de l’innocence».
Les enfants, comme les adultes qu’ils deviendront un jour, sont sensibles aux grandes questions existentielles. Le chagrin, la peur, l’amour, l’angoisse, le désir et le besoin de relations ne les épargnent pas. En un sens, Siri tend le micro à l’enfer tourmenté de l’enfance. Si les échanges entre Leo et Siri m’ont mise devant l’inconnaissable et le mystère, je me suis aussi heurtée à mes limites de parent.
Être parent comporte de nombreux défis – au moins autant qu’il y a d’étoiles dans la Voie lactée (environ cent mille millions, nous apprend Siri). Parmi les plus durs, il y a la tentation de (sur) protéger nos enfants de l’implacabilité de la réalité. Ce désir est peut-être aussi égocentrique qu’il est aimant; aider nos enfants à appréhender la réalité est sûrement plus utile que de les en protéger. N’est-ce pas ce qu’il y a de mieux à faire pour leur permettre de survivre à l’enfance – et leur donner un micro?
Je n’ai pas la réponse. Je pourrais demander à Siri.
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Quoi de plus délicieusement douillet que d’enfiler son tricot de laine préféré, ou de s’enfouir sous une épaisse couverture de laine. Mais le recours fréquent à vos chandails moelleux peut faire s’envoler votre facture de nettoyage. C’est probablement une des raisons pour lesquelles vous aimeriez apprendre à laver vous-même la laine.
Un lavage parfait, même à la main, peut cependant être tout un défi. Car il existe différentes techniques pour différents tissus, comme la soie ou le cachemire; il faut prendre des précautions pour les vêtements blancs, et ne pas traiter la laine comme le coton. Enfin, peut-on risquer de laver les plus délicats à la laveuse?
Rien ne se fait au hasard. Nous avons consulté des experts en blanchisserie pour savoir comment laver la laine en toute sécurité, sans causer de rétrécissement accidentel ou de dégradation de vos articles préférés.
Laver à la main ou à sec?
C’est selon. La laine se lave très bien à la main, et ce serait même préférable si vous craignez l’accumulation de produits chimiques du nettoyage à sec, et l’usure prématurée de vos articles. Mais tout repose sur les indications de l’étiquette du vêtement ou de la couverture. Si l’étiquette indique: «nettoyage à sec seulement», mieux vaut se tourner vers un nettoyeur professionnel.
«La laine qui ne se nettoie qu’à sec n’a probablement pas été traitée pour être lavée, et risque de rétrécir», explique Jennifer Ahoni, scientifique en chef chez Tide. Le fabricant a également testé les vêtements ainsi identifiés dans divers paramètres de lavage, et conclu par essai et erreur que le nettoyage à sec s’imposait, précise Mary Gagliardi, scientifique interne et experte en nettoyage de Clorox.
Le nettoyage à sec est également recommandé pour les taches. «Les nettoyeurs professionnels possèdent une vaste gamme de prétraitements pour ôter les taches, sans trop agiter l’article», ce qui pourrait causer le rétrécissement ou d’autres dommages, précise-t-elle.
Et si l’étiquette indique «nettoyage à sec» sans la mention de «seulement», le lavage à la main est alors possible. «Vous aurez le choix entre l’un ou l’autre et pourrez interchanger.»
Voici comment éviter les erreurs qui endommagent les vêtements et que vous commettez à chaque fois que vous faites votre lessive.
La laine rétrécit-elle au lavage?
Rien ne l’oblige! Les vêtements en laine sont sujets au feutrage – le terme technique pour la peluche ou les bouloches, ou boulettes de fibres lâches, indésirables. Jennifer Ahoni précise que la laine peut être spécialement traitée et mélangée à d’autres fibres pour lui permettre d’être lavée à la main ou à la machine. Voilà pourquoi il est impératif de vérifier l’étiquette: elle indiquera si le chandail de laine peut être lavé à la maison.
Si l’étiquette vous donne le feu vert, vous pouvez laver votre lainage à la main ou à la machine, mais après avoir pris certaines précautions. «Si l’article en laine peut se laver à la machine, faites-le à température froide et à cycle doux ou délicat, précise Mary Gagliardi. Certaines laveuses ont même un cycle pour la laine: ce serait l’occasion de l’essayer.» Évitez les températures trop chaudes, ainsi que l’usage de la sécheuse. La chaleur est la cause principale de rétrécissement. (Comment se débarrasser de l’électricité statique sur les vêtements quand on n’a pas d’assouplisseur en feuilles sous la main?)
À quelle fréquence laver les chandails et couvertures de laine?
«Si vos chandails de laine ne présentent aucune tache ni odeur perceptible, je conseille un lavage après les avoir portés deux ou trois fois», dit Jennifer Ahoni. Ceci est vrai même si vous portez un t-shirt ou une camisole en dessous, car la transpiration, bien qu’invisible, s’incruste entre les fibres, et peut causer des odeurs, à la longue. D’autre part, si vous transpirez dans votre chandail ou présentez une tache visible, lavez-le sans attendre.
Par ailleurs, les couvertures exigent moins d’entretien. Jennifer Ahoni conseille un lavage chaque saison ou tous les trois mois, à moins qu’elles n’aient été très utilisées et présentent des odeurs ou des taches. Mais lavez celles qui ont été en contact avec des gens malades.
«Comme les tissus de laine s’endommagent ou rétrécissent plus facilement à l’eau, le lavage peut accélérer le vieillissement des fibres, et écourter leur durée. Mais si on ne les lave pas, les taches et salissures s’incrustent et causent des odeurs, ce qui les rend plus difficiles, voire impossibles à éliminer.»
Même si les vêtements sont très sales, utiliser plus de détergent à lessive que la quantité requise n’est pas une bonne idée. D’ailleurs, comment savoir si on utilise trop de détergent à lessive?
Comment laver la laine à la main?
Laver un chandail ou une couverture de laine à la main est relativement facile, explique Hannah Yokoji, directrice de marque chez The Laundress. Mais la démarche comporte plusieurs étapes auxquelles il faut absolument se conformer. Assurez-vous également de choisir le meilleur détergent pour l’occasion.
- Prétraiter les taches avec un traitement localisé doux, comme le Booster de lessive bio enzymatique de Dirty Labs. Le faire pénétrer doucement dans le tissu avec les doigts, ou avec une brosse chasse-taches, jusqu’à ce qu’il commence à agir, puis bien rincer la mousse.
- Remplir une baignoire ou un lavabo d’eau froide.
- Ajouter de 15 à 30 ml de shampoing pour laine, comme celui de Steamery, ou un autre détergent liquide doux.
- Agiter doucement l’eau avec les mains pour répartir uniformément le détergent.
- Laisser tremper 30 minutes, en agitant l’eau (et pas le pull ni la couverture) à une ou deux reprises pendant le trempage, pour éliminer la saleté.
- Rincer à l’eau froide jusqu’à disparition des bulles (environ 1 min). Éviter de frotter ou tordre le tissu.
- Remettre en forme doucement, et sécher à plat.
Il existe un processus simple pour laver son linge à la main, expliqué étape par étape. Il prend moins de temps et d’efforts qu’on le pense et permet de conserver l’aspect original des vêtements les plus délicats. Découvrez comment laver son linge à la main en 5 étapes faciles.
Comment laver la laine à la machine?
«Toujours vérifier en premier sur l’étiquette si le vêtement peut être lavé à la machine», insiste Jennifer Ahoni, qui ajoute que l’étiquette indique d’habitude «lavable à la machine» ou qu’elle porte un symbole à cet effet. Une fois la possibilité de les laver à la machine établie pour votre chandail ou votre couverture, voici comment laver la laine à la machine.
- Prétraiter les taches et les odeurs avec un détergent liquide doux. Appliquer délicatement par petites touches circulaires sur l’endroit visé, jusqu’à totale absorption. Sans rincer, laisser tremper l’article dans une baignoire ou un seau d’eau froide 10 minutes. Puis, le déposer dans la laveuse. (Si l’article n’a ni tache ni odeur, passer directement à l’étape 2.)
- Pour plus de précautions et éviter les accrocs, placer votre chandail ou couverture de laine dans un grand sac à lessive en filet.
- Laver le vêtement à part à cycle délicat, doux ou pour la laine (si disponible), à l’eau froide.
- Ajouter un détergent doux conçu spécifiquement pour les cycles délicats comme Attitude ou Perwoll. Éviter les assouplissants qui favorisent le feutrage.
- Retirer l’article en laine de la laveuse dès que le cycle est terminé.
- Laisser sécher à plat à l’air libre, et remettre en forme si requis.
Votre machine à laver peut en faire bien plus que vous ne le croyez. Jetez un oeil à ces choses étranges à nettoyer dans la laveuse.
Comment faire sécher les chandails de laine
Règle no1 du lavage de la laine à la maison: toujours sécher à l’air libre. «Le sèche-linge favorise le feutrage, car le chandail est mouillé, et le sèche-linge est chaud et en mouvement, explique Mary Gagliardi. Même dans une sécheuse à air froid, un article de laine peut rétrécir et feutrer.» Rouler plutôt le chandail mouillé, même s’il sort d’un cycle doux de lavage. Voici la façon adéquate de le faire :
- Déposer une serviette propre et sèche au sol.
- Placer le chandail au centre.
- Replier un des coins de la serviette en le roulant vers l’autre coin, en diagonale, en pressant en même temps légèrement pour évacuer l’excès d’eau
- Puis, poser l’article à plat sur une serviette propre et sèche. (Ne jamais suspendre un chandail mouillé, car son poids pourrait le déformer.)
- Laisser bien sécher à l’air libre.
Erreurs à éviter en lavant la laine
- Ne pas lire les instructions d’entretien. C’est le risque absolu de rétrécissement de l’article qui est en jeu. Bien que la plupart des tricots soient composés de mélanges de laines, et testés pour le lavage à la main ou à la machine, il est toujours avisé de vérifier à nouveau, car une fois rétrécis, il n’y aura plus grand-chose à faire.
- Essorer ou tordre la laine. Une autre chose à éviter totalement est de trop manipuler l’article durant les étapes de lavage et de rinçage à la main, car cela provoque l’étirement et la déformation des fibres.
- Soumettre la laine à la chaleur. La chaleur provoque le rétrécissement, et il faut éviter tout ce qui est chaud, l’air ou l’eau, en lavant la laine.
Protéger les chandails en les lavant strictement à l’eau froide, puis en les laissant sécher à l’air libre. - Ne pas utiliser le cycle délicat de lavage. S’assurer d’utiliser le réglage le plus doux en lavant la laine à la machine, car trop d’agitation favorise le feutrage. Un cycle d’essorage ultrarapide peut provoquer le relâchement et l’étirement des fibres, avec le temps.
- Enlever les bouloches lorsque la laine est mouillée. Déboulocher les articles en laine seulement lorsqu’ils sont secs, et de préférence avant de les laver. Vous préviendrez ainsi les accrocs et dommages potentiels.
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Invitée récemment à un mariage dans une région rurale du Québec, j’ai eu droit comme tous les convives à une voiture avec chauffeur pour le trajet de 90 minutes dans les collines. Super! Je me suis imaginée riche! Mais comme je ne le suis pas, je n’avais aucune idée du coût d’une telle balade. Aussi, quand le chauffeur nous a récupérés à minuit, je me suis demandé si je devais lui donner un pourboire.
Dans mon sac à main, je n’ai trouvé que le billet de 100$ réservé aux urgences. Je n’avais pas plus petit sauf les deux chocolats prélevés au mariage. Zut! Devant le dilemme, je me suis résignée à la générosité. En descendant de la voiture avec mes deux enfants, j’ai en effet tendu au chauffeur la grosse coupure. J’ajoute, oui, que j’étais trop éméchée pour même envisager de demander qu’il me rende une quelconque monnaie.
De toute façon, je n’aurais pas su combien donner. Et je ne suis pas la seule. Dans le monde entier, la question du pourboire est souvent source de maladresses – et, pour certains voyageurs, de légère anxiété. Les habitudes et les usages en cette matière varient considérablement d’un pays à l’autre. Une amie qui vit à Rome m’a expliqué que les gros pourboires vexent les serveurs italiens. «Cela paraît vulgaire. Des proches m’ont un jour forcée à reprendre l’argent que j’avais laissé.»
Ah! bon! Au Québec, le chauffeur m’avait confié qu’il était moitié grec, moitié libanais. Partageait-il le jugement des Italiens? A-t-il été vexé par mon généreux pourboire – qui m’a privée de mon fonds d’urgence?
Le pourboire à l’international
Voyager avec sa propre conception du pourboire peut mener à bien des malentendus. Les Norvégiens, qui ont de bons salaires et dont les pourboires sont très bas, risquent de faire de nombreux mécontents à Las Vegas en dépensant sans compter tout en distribuant quelques rares pièces autour d’eux.
De leur côté, les Américains, connus pour leurs pourboires généreux, pourraient ce faisant insulter tout le Japon, pays où un bon service est une question d’honneur. «Comment!? Vous voulez me rémunérer pour avoir servi une assiette de sashimis sans la renverser sur le client?»
L’affaire peut être fort gênante, en effet. Mais c’est qu’on n’arrive pas à en voir la logique.
C’est dans l’Angleterre des Tudor que se trouverait l’origine du pourboire. Les aristocrates qui, à cette époque, se déplaçaient chez les uns et les autres à la campagne glissaient une obole aux domestiques qui les aidaient à ajuster leur fraise autour du cou. Quelques siècles plus tard, c’est le règne de l’arbitraire. L’université Cornell a publié dans le Journal of Economic Psychology une étude où il apparaît qu’on donne un pourboire deux fois plus souvent au livreur qu’au commis du supermarché, et, à peu près dans le même rapport, au serveur qu’à l’employé d’un restaurant rapide.
Pourquoi? Un salarié est un salarié, non? Comment expliquer que l’on donne un pourboire à un livreur, et pas à un commis?
Mais il y a d’autres exemples: les clowns qui animent une soirée reçoivent plus souvent un pourboire que les hygiénistes dentaires qui affrontent courageusement l’intérieur de nos bouches. Les chauffeurs de limousine sont plus largement récompensés que les guides de pêche – qui ne ménagent pourtant pas leurs efforts. Personne n’arrive à rendre compte de ces différences.
La prolifération des terminaux de paiement électronique qui affichent des boutons de pourboire automatique a aggravé les choses. Ces petites machines ont tendance à se répandre: on en trouve maintenant dans les ateliers mécaniques, ce qui culpabilise ceux qui appuient sur «pas de pourboire». Récemment, dans une boulangerie qui refuse les espèces, on m’a présenté un terminal comportant un bouton pourboire – pour m’avoir vendu un beignet. J’ai laissé 15%.
Quant à trouver une cohérence dans la pratique du pourboire en Europe, bonne chance! En 2020, une enquête menée dans sept pays du continent a démontré que les Allemands et les Suédois donnaient plus facilement un pourboire que les Espagnols et les Suisses, et que seulement 40% des Français laissaient quelque chose au serveur. Les Norvégiens sont les plus frileux en matière de pourboire: moins de 15% consentent à laisser une marque d’appréciation sur la table. Quant au montant, il est le plus bas en France et en Norvège (moins de 2% de l’addition), le plus élevé en Allemagne (7,5%) et en Suède (9%).
«Pour les employés exerçant dans les services, note Stefan Gössling de l’université Lund en Suède, auteur de l’étude, c’est sans doute en Allemagne que la culture du pourboire est la plus forte. Le salaire minimum y est élevé, laisser un pourboire est une habitude, et le pourcentage de ce qu’on laisse est lui aussi élevé et généralement versé en espèces.» En Espagne, «la situation des employés de service est moins favorable, le salaire minimum est bas, et les pourboires le sont aussi».
Un pourboire plus élevé en Amérique
Il en va tout autrement aux États-Unis, où le pourboire dans les restaurants peut grimper à 25% quand le service est jugé excellent. Au Canada, il varie entre 15% et 20%. Pourquoi? Parce que les restaurants se déchargent de la norme salariale sur le client. C’est pourtant au restaurateur de s’assurer que son serveur peut s’acquitter de son loyer.
Au-delà de l’occasionnel «gardez la monnaie», le pourboire n’entre pas dans les mœurs en Asie du Sud-Est (en Thaïlande ou au Vietnam, par exemple), pas plus qu’en Australie. À Taïwan et à Hong Kong, la plupart des restaurants ajoutent d’autorité un pourboire de 10% à l’addition. Ça peut être agaçant, «même quand le serveur vous en informe au préalable», reconnaît une amie qui s’est trouvée dans la situation. «Faut-il donner plus si le service est excellent? Et que faire quand on considère avoir été mal servi?»
Il y a de quoi perdre patience. Et encore n’est-il jusque-là question que d’argent – attendez de régler vos pourboires en bitcoins! Je ne comprends déjà rien au concept de cryptomonnaie, imaginez aux algorithmes qui calculent le pourboire…
Possible que nos ancêtres aient éprouvé le même effarement quand l’argent est venu remplacer les coquillages, les armes et les sacs de riz. À l’époque où le pourboire n’existait pas.
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Intempéries et pannes de courant
Les intempéries sont la cause la plus fréquente des pannes de courant majeures. Les orages, les grands vents, la neige et le verglas agissent tous sur le réseau électrique. Les vagues de froid ou de chaleur peuvent aussi surcharger le réseau. Par exemple, aux États-Unis, le ministère de l’Énergie a récemment constaté que les pannes de courant liées aux conditions météorologiques ont cru de 67% depuis 2000.
Avec le prix des aliments qui ne cesse d’augmenter, il est tout à fait normal de vouloir sauver le maximum de denrée (et ce, tout en évitant les intoxications alimentaires!).
Eh bien, quelles que soient les dates de péremption ou encore l’organisation de votre frigo, voici combien de temps les aliments peuvent se conserver dans le frigo lors d’une panne de courant.
(Bon, il est toujours plus facile de voir toute la nourriture que l’on a dans un réfrigérateur bien organisé. Cela raccourcit aussi la liste d’épicerie et permet même une préparation plus rapide des repas… Découvrez donc comment organiser son frigo et le garder en ordre.)
En cas de panne de courant, préparer le frigo et le garde-manger
Comme le disait si bien Benjamin Franklin, «une once de prévention vaut une livre de guérison». Ce qui revient à dire: Mieux vaut prévenir que guérir! Quand du mauvais temps est annoncé, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies conseillent de faire le plein de glace ou d’en fabriquer en congelant des récipients d’eau.
En cas de panne, coller ces récipients dans le frigo et le congélateur prolongera la durée de conservation des aliments qui s’y trouvent. De plus, il est judicieux de sortir des glacières et des blocs réfrigérants à l’avance, juste au cas où il faudrait déplacer des aliments. CAA Québec explique également comment se préparer à une panne générale prolongée en hiver de manière plus générale, afin de minimiser les inconvénients.
Il reste avant tout crucial de préparer le frigo et le congélateur en vue d’une panne de courant et avant qu’elle ne survienne. N’entreposez jamais le lait et les œufs dans la porte du réfrigérateur, où la température est la plus susceptible de fluctuer. À ce propos, apprenez-en plus sur la véritable durée des autres aliments au réfrigérateur.
De plus, gardez des thermomètres dans le frigo et le congélateur. (Après tout, vous ne pourrez plus lire les jauges de température de vos appareils en cas de panne de courant.)
Santé Canada recommandent de régler le frigo à une température de 4°C ou moins pour ralentir la prolifération des bactéries. Découvrez aussi la température idéale pour le congélateur.
Enfin, il est conseillé de faire le plein de denrées non périssables comme du thon en conserve, des haricots secs, du beurre d’arachides, des pâtes et des noix, ainsi que des cruches d’eau, afin d’éviter d’ouvrir le réfrigérateur pour saisir de la nourriture. (Pour votre information, vous devez également faire attention à la date de péremption de l’eau en bouteille.)
Combien de temps les aliments dureront-ils dans le frigo?
Tant que les aliments sont conservés à la bonne température, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies indiquent qu’ils peuvent être gardés pendant quatre heures au frigo, mais uniquement si la porte n’est pas ouverte.
La durée de conservation des aliments dans le congélateur sans électricité dépend de son degré de remplissage. Plus il y a d’articles congelés, plus ils réguleront les températures froides et moins ils seront susceptibles de dégeler. En général, la règle de base est de 48 heures dans un congélateur plein ou de 24 heures dans un congélateur à moitié plein.
Il est essentiel de surveiller la température, car les aliments périssables peuvent commencer à développer des bactéries pathogènes comme l’E. coli ou la salmonelle bien plus rapidement que vous ne le pensez.
Selon le Service américain de la sécurité et de l’inspection des aliments, les bactéries se développent très rapidement entre 4°C et 60°C. Certaines doubleront même en nombre en seulement 20 minutes. Un frigo réglé à 4°C ou moins protégera donc la plupart des aliments.
Panne de courant ou pas, savez-vous quelle est la véritable durée de conservation des aliments au réfrigérateur?
Certains aliments durent-ils plus longtemps que d’autres?
Bien entendu! En cas de panne de courant, la durée de conservation des aliments dans le frigo dépend évidemment de la sorte de nourriture en elle-même.
Alors que les œufs frais conservés dans leur coquille peuvent normalement se conserver de trois à cinq semaines au frigo, les laisser à des températures supérieures à 4 degrés Celsius pendant plus de deux heures les rendra sujets aux bactéries nocives.
Il en va de même pour le lait. Toutefois, la durée de conservation du lait peut être prolongée en le plaçant dans la partie la plus froide du réfrigérateur.
La viande crue doit être bien emballée, en particulier dans le congélateur, pour éviter les fuites et la contamination croisée lors de la décongélation. Même pour la viande cuite, il est important de suivre les directives de conservation de la viande au réfrigérateur.
En ce qui concerne le fromage, les blocs de fromages à pâte dure comme le cheddar ou le parmesan se conservent bien en cas de panne de courant (et vous pourrez couper les parties moisies pour continuer à manger le fromage). Les fromages à pâte molle comme la mozzarella, la ricotta ou le fromage à la crème sont cependant beaucoup plus sensibles aux bactéries. Ils ont donc une durée de vie beaucoup plus courte lorsque la température dépasse 4 degrés Celsius.
Heureusement, les légumes et les fruits (tant qu’ils ne sont pas coupés), ainsi que les aliments très acides tels que les sauces, les cornichons, les gelées ou les confitures sans produits laitiers, devraient résister à des températures légèrement plus élevées. De toute manière, la sauce piquante fait partie des aliments à ne jamais mettre dans le réfrigérateur.
Réfrigérer ou pas? C’est d’ailleurs une question que l’on ne se pose pas nécessairement pour les bons aliments. Découvrez des consignes de conservation des aliments qu’il faut absolument connaître.
Comment garder le frigo (et le congélateur) froid
Gardez les portes fermées, même s’il est tentant de les ouvrir! Toutefois, si vous n’avez pas préparé votre frigo, vous devez absolument faire quelques remaniements. «Si votre congélateur n’est pas plein lorsque le courant tombe en panne, regroupez rapidement les paquets d’aliments pour qu’ils puissent s’entre-aider à rester au frais», explique Barbara Brown, professeure en sciences nutritionnelles à l’Université d’Oklahoma.
«Assurez-vous néanmoins de séparer la viande et la volaille afin qu’elles soient en dessous des autres aliments. De cette façon, si elles commencent à dégeler, elles ne couleront pas sur les autres aliments. Assurez-vous simplement de fermer le congélateur ou le réfrigérateur immédiatement après», ajoute-t-elle.
Après quatre heures, commencez à déplacer certains aliments dans les glacières. S’il peut sembler perspicace de mettre de la nourriture à l’extérieur pendant une tempête de neige, le Service américain de la sécurité et de l’inspection des aliments le déconseille. Pourquoi? Les températures extérieures peuvent fluctuer et vos aliments peuvent être exposés à l’humidité et à la lumière du soleil, ainsi qu’à d’autres conditions insalubres.
D’ailleurs, doit-on laisser nos plats refroidir avant de les mettre au frigo?
Quoi jeter après une panne de courant?
Bien entendu, ce n’est pas toute la nourriture du frigo et du congélateur qui n’est plus bonne après 4 heures de panne de courant.
Les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies recommandent de jeter les aliments périssables réfrigérés tels que la viande, la volaille, le poisson, les œufs et les fromages à pâte molle après quatre heures.
Or, vous pouvez vérifier la température interne de chacun de ces aliments individuellement pour voir si elle est supérieure à 4 degrés.
Il est très facile de savoir si le lait a tourné, mais assurez-vous de le sentir avant de le verser dans vos céréales ou votre café. Les laits à base de plantes se gâtent également, mais il est plus difficile de dire si votre lait d’avoine ou d’amande préféré est gâté simplement en le humant. Versez-en donc un peu dans un récipient séparé et examinez sa consistance. Si elle n’est pas comme d’habitude, jetez le lait.
Il est possible de vérifier si les œufs sont visqueux ou s’ils ont un résidu poudreux pour déterminer s’ils sont encore bons à la consommation. Si, en les ouvrant, une odeur sulfureuse ou piquante s’en dégage, cela signifie qu’ils ne sont plus comestibles.
La chose la plus importante est de ne pas goûter aux aliments afin de déterminer s’ils sont encore bons. Vous risquez simplement d’avoir un ou plusieurs de ces symptômes d’intoxication alimentaire.
Pendant que nous y sommes, ne mangez jamais ces aliments après leur date de péremption.
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Le jeune homme qu’accueille à sa descente d’avion un membre du personnel du ministère canadien des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités n’est pas un politicien ni le représentant officiel d’un pays étranger. Jonathan Kehl, un étudiant de 23 ans, vit dans la petite ville allemande de Bad Hersfeld, accompagné de son ami d’enfance, Dennis Bolender, et n’a jamais mis les pieds au Canada avant cette visite le 25 septembre 2022. Il est aussitôt conduit en voiture dans un hôtel d’Ottawa où l’attend le ministre Dominic Leblanc. L’émotion est vive quand les deux hommes s’approchent l’un de l’autre pour une chaleureuse accolade qui n’a rien de protocolaire. Ils ne se sont jamais rencontrés en personne mais se sentent très proches. Et pour cause: le sang du jeune Allemand coule dans les veines du ministre depuis plus de trois ans.
Avocat de formation, Dominic Leblanc a entamé en 2000 sa longue carrière politique en se faisant élire comme député libéral dans la circonscription de Beauséjour, au Nouveau-Brunswick. Depuis, le fils de l’ex-gouverneur général Roméo Leblanc a été réélu à 7 reprises et a dirigé différents ministères en plus d’avoir été président du Conseil privé de la reine.
Il est donc habitué à de lourdes charges de travail et déborde d’énergie. Pourtant, en ce samedi 20 avril 2019, Dominic Leblanc ne se sent pas dans son assiette. Il est épuisé, fiévreux… Le ministre, alors âgé de 55 ans, se rend au Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont, à Moncton, persuadé de souffrir d’une vilaine grippe. Mais une biopsie des ganglions sous les aisselles va plutôt révéler qu’il souffre d’un lymphome non hodgkinien d’un type rare et très agressif. La maladie a déjà attaqué son foie. En désespoir de cause, on lui administre une puissante chimiothérapie.
«Nous n’étions pas certains qu’il allait s’en sortir», affirme son hémato-oncologue, le Dr Nicholas Finn. «J’ai appris plus tard que si le traitement n’avait pas fonctionné, il ne me restait que quelques semaines à vivre», raconte le ministre, songeur. Sa femme, Jolène Richard, ancienne juge en chef de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick, et son beau-fils, Shelby, affrontent à ses côtés cette pénible épreuve. Heureusement, le cocktail de médicaments administré durant trois semaines donne des résultats inespérés et fait reculer le cancer. Le ministre peut rentrer brièvement chez lui, mais la bataille est loin d’être gagnée même s’il est convaincu qu’il va guérir – il a déjà survécu à une leucémie lymphoïde chronique en 2018.
Les médecins savent que le lymphome non hodgkinien, pour l’instant sous contrôle, va revenir en force à moins que le patient ne reçoive une greffe de cellules souches. C’est sa seule chance de survie. En théorie, la procédure est relativement simple: il faut tuer toutes les cellules tumorales circulant dans le système sanguin du ministre, puis lui injecter des cellules souches provenant de la moelle osseuse d’un donneur en santé afin de régénérer son système immunitaire.
«Nous devions procéder rapidement pendant que son état de santé le permettait», explique le Dr Finn. Comme l’hôpital de Moncton ne procède pas à ce genre d’intervention, Dominic Leblanc est envoyé au centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont de Montréal en juin 2019 pour une série d’examens.
«Il était jaune comme un citron à cause d’une insuffisance hépatique et avait perdu beaucoup de poids», se rappelle la Dre Sylvie Lachance, qui le prend en charge. L’hémato-oncologue établit toutefois que son état de santé permet la greffe. Une de ses jeunes sœurs se porte volontaire pour donner ses cellules souches, mais elle n’est hélas pas compatible.
Une chance inouïe
Les responsables de la banque de cellules souches d’Héma-Québec cherchent alors un donneur dans la banque québécoise, qui compte plus de 55 000 inscriptions, et font aussi des recherches dans la banque internationale qui en recense 40 millions, répartis dans 55 pays. «Pour qu’une greffe fonctionne, il doit absolument y avoir une compatibilité HLA entre le donneur et le receveur», explique Susie Joron, cheffe de service du registre de cellules souches d’Héma-Québec. Les antigènes des leucocytes humains (ou HLA, pour Human Leukocyte Antigen) sont des marqueurs génétiques présents dans la plupart des cellules du corps humain et essentiels au fonctionnement du système immunitaire. Le nom du candidat idéal apparaît sur les écrans d’ordinateur d’Héma-Québec en août 2019.
Jonathan Kehl, un jeune Allemand de 20 ans, vit avec ses parents et ses deux sœurs à Bad Hersfeld, une petite ville de la Hesse. Un an plus tôt, en 2018, il s’est inscrit à la banque de donneurs de cellules souches à la suite d’une campagne dans son école secondaire organisée par le centre de donneurs de cellules souches allemand. «Je n’avais jamais entendu parler de cette possibilité auparavant», avoue-t-il. Un an et demi plus tard, alors qu’il étudie à l’université où il poursuit une formation d’enseignant, il est surpris de recevoir un appel des responsables de la banque des cellules souches allemandes: ses cellules sont parfaitement compatibles avec celles d’un candidat à la greffe.
«J’avais encore le choix de refuser, mais j’ai accepté, raconte le jeune homme. Je voulais sauver une vie! Ce fut un moment de grande émotion pour ma famille, qui m’a encouragé, et pour moi-même.» Il sait seulement qu’il s’agit d’un Canadien, car à cette étape le don est anonyme.
De l’autre côté de l’Atlantique, Dominic Leblanc jubile lorsque la Dre Lachance lui apprend la bonne nouvelle. «Les chances d’être totalement compatible avec un donneur sont seulement d’une sur 20 000!» apprend le ministre.- Dès le 31 août 2019, il est hospitalisé et doit se soumettre à 10 jours intensifs d’une chimiothérapie qui anéantit son système immunitaire et ses cellules sanguines.
Au même moment, Jonathan se rend dans un centre de la Croix-Rouge allemande de Francfort, à 150 kilomètres de chez lui, pour recevoir des injections afin de stimuler la production de ses cellules souches avant le don. Le prélèvement se fait le 16 septembre 2019. «Je me sentais faible, dit-il, mais ils m’ont dit que c’était normal à cause de la stimulation de cellules.» Assis dans un fauteuil, Jonathan voit son sang prélevé dans un de ses bras, puis filtré dans une centrifugeuse qui en isole les cellules souches. Les autres composants sanguins sont retournés dans son corps. On recueille ainsi un demi-litre de cellules souches. Aussitôt prélevé, le précieux liquide est transporté par avion à Montréal dans une glacière, sans être congelé, pour être perfusé 48 heures plus tard.
Le 18 septembre 2019, vers 14 heures, une infirmière couverte de la tête aux pieds par des vêtements de protection pénètre dans la chambre de Dominic Leblanc et relie avec minutie le culot de cellules souches à un cathéter installé dans une artère juste au-dessus de son cœur. On pourrait entendre une mouche voler tellement le moment est solennel. Jolène, qui a temporairement déménagé à Montréal, assiste à la scène, à la fois anxieuse et heureuse.
La substance beige contenue dans le petit sac lui est administrée par voie intraveineuse durant deux heures. Tout se déroule à merveille, mais il faut ensuite traverser une période d’incertitude puisque les nouvelles cellules sanguines, qui se régénèrent habituellement de 14 à 21 jours après la greffe, mettent 28 jours à apparaître.
«J’ai eu peur que ça ne fonctionne pas jusqu’à ce que la Dre Lachance entre dans ma chambre avec le sourire pour me dire que des neutrophiles, des globules blancs, avaient fait leur apparition, preuve que la greffe était un succès!» confie Dominic Leblanc. Le politicien demeure en isolement et reçoit quotidiennement de nombreuses perfusions de sang, de plaquettes, d’antibiotiques contre les infections, de magnésium et de potassium. «La chimiothérapie a été si puissante que j’avais des ulcères dans la bouche et que j’ai été nourri par intraveineuse durant cinq semaines.»
Il lit beaucoup pour passer le temps et suit la campagne électorale que mènent ses collaborateurs pour le faire réélire. La veille du débat télévisé en français, le 30 septembre 2019, le premier ministre Justin Trudeau, dont il est l’ami depuis de nombreuses années, lui fait la surprise d’une visite. «C’était très émouvant de le voir, assis devant moi pendant deux heures, ganté et masqué, à discuter de politique et à rire malgré le sérieux de la situation!»
Une double victoire
Trois semaines plus tard, toujours hospitalisé et rivé à l’écran d’un petit téléviseur, Dominic Leblanc pousse un cri de joie en apprenant que les électeurs de la circonscription de Beauséjour, au Nouveau-Brunswick, l’ont réélu pour un septième mandat. Mais il remporte une plus belle victoire le 5 novembre 2019, quand toutes les cellules qui circulent dans son sang sont celles de son donneur et qu’il peut enfin quitter l’hôpital, plus de deux mois après son admission.
Il n’est pas tiré d’affaire pour autant et doit séjourner encore un mois à Montréal afin de subir des examens trois fois par semaine à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
«Le jour où j’ai reçu ma greffe, dit-il, les médecins m’ont dit que c’était comme une deuxième naissance.» Il se sent effectivement renaître et veut connaître son donneur pour le remercier. Il doit pour cela remplir un document qui ne pourra être envoyé à Jonathan que deux ans après la greffe. «C’est une règle internationale pour s’assurer que la greffe a bien fonctionné», explique Susie Joron.
En janvier 2020, le politicien fait un retour à Ottawa sous les applaudissements de tous les députés de la Chambre des communes. Seuls ses cheveux, tombés pour cause de chimio, indiquent qu’il a été malade. Il sent la forme revenir. «J’ai le système immunitaire d’un bébé de quatre mois, plaisante-t-il. Il se rebâtit tranquillement et je dois être prudent! Ça va de mieux en mieux!». Mais ses pensées vont constamment à celui qui lui a sauvé la vie.
Deux ans après la greffe, alors qu’il est en route pour l’aéroport d’Ottawa, il reçoit un courriel de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. «À la suite de votre demande, voici les renseignements concernant votre donneur.» Dominic Leblanc est interloqué: il a sous les yeux un nom, Jonathan Kehl, et quelques informations le concernant. «Ce qui m’a frappé, c’est sa jeunesse, raconte-t-il. Il est né en 1999!» Excité, il demande à son adjoint parlementaire de faire des recherches sur Facebook pour découvrir le visage de son bienfaiteur. Il veut absolument lui parler.
Stéphane Dion, alors ambassadeur canadien à Berlin, lui suggère d’adresser son message en anglais et de le faire traduire en Allemand. «Vous m’avez sauvé la vie et je vous suis extrêmement reconnaissant pour votre générosité», écrit-il en préambule, avec l’entête de son ministère. Abasourdis, Jonathan et sa mère cherchent le nom de Dominic Leblanc sur internet. Les informations indiquent qu’il s’agit vraiment d’un ministre canadien. «C’était incroyable!» s’exclame Jonathan.
Un geste de reconnaissance
Quatre jours plus tard, Dominic Leblanc sent son cœur battre très fort quand il reçoit une réponse. «Après tout ce temps, je suis très heureux de savoir que vous allez bien», écrit son jeune interlocuteur dans la langue de Shakespeare, qu’il apprend depuis l’âge de neuf ans. Ils se fixent un rendez-vous virtuel deux semaines avant Noël, en 2021. «Il m’a profondément touché en me disant dit qu’il se sentait responsable de ma santé», révèle le ministre. Ils parlent pendant de longues minutes de ce qu’ils ont vécu, puis il l’invite à venir au Canada, toutes dépenses payées, dès que la pandémie de COVID-19 le permettra.
«Ce jeune homme m’a sauvé la vie», déclare le ministre en présentant fièrement Jonathan aux journalistes et photographes de la colline parlementaire, à Ottawa, le 28 septembre 2022. Le jeune Allemand est comblé par cet accueil réservé habituellement aux dignitaires étrangers. Il rencontre même Justin Trudeau, qui le félicite chaleureusement pour son geste. Pendant son voyage de cinq jours, Jonathan passe brièvement à Montréal et part ensuite taquiner le saumon sur la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, où il se régale des paysages majestueux, même s’il rentre bredouille. «Tout était magnifique et la nourriture délicieuse!» s’extasie le jeune homme, heureux que son hôte lui promette de lui rendre visite à son tour en Allemagne, lorsque le ministre le raccompagne à l’aéroport le jour son départ, il a le cœur gros et éprouve l’étrange sensation de laisser partir une partie de lui-même.
«Le geste extraordinaire de Jonathan m’a donné une seconde vie!» confie avec émotion Dominic Leblanc. Les risques que le cancer se manifeste de nouveau sont de plus en plus faibles avec le temps, mais s’il avait encore besoin d’un don de cellules souches, Jonathan lui a promis qu’il n’hésiterait pas un instant à venir à son secours. Le jeune homme se sent lié à lui pour toujours.
«Je considère que monsieur Leblanc est mon jumeau génétique!»
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Parmi les anniversaires dans le monde, des États-Unis à l’Espagne, de la France à l’Australie, on chante avec enthousiasme «Joyeux anniversaire» avant de souffler les bougies sur le gâteau et offrir les cadeaux. Mais on va parfois plus loin pour fêter un être cher et souvent de manière originale. Les rédacteurs en chef de nos éditions internationales partagent ici ces traditions particulières qui marquent l’avancée en âge.
Mexique
Casser la piñata, qui a fait des émules dans le monde entier, reste la tradition mexicaine emblématique. Les yeux bandés, les participants frappent à coups de bâton un contenant aux couleurs vives suspendu à une corde jusqu’à ce qu’il éclate et répande une pluie de friandises. Traditionnellement d’argile et de forme sphérique piquée de pointes, elle est souvent aujourd’hui en papier mâché et de forme très variable – animal, célébrité, etc.
Au lieu d’entonner «Joyeux anniversaire», les Mexicains chantent à tue-tête «Las Mañanitas» («Les petits matins»), une chanson venue d’Espagne au XVIe ou XVIIe siècle. «On la chante parfois le matin pour réveiller la personne dont on fête l’anniversaire, explique Carlos Díaz, rédacteur en chef de l’édition mexicaine du Reader’s Digest. Mais elle est le plus souvent chantée autour d’un gâteau juste avant de souffler les bougies.»
Australie et Nouvelle-Zélande
Souvent, les anniversaires réunissent là-bas parents et amis autour d’un barbecue festif et bien arrosé.
«Pour les tout-petits, le premier anniversaire est généralement célébré avec du fairy bread – “pain de fée” –, une tranche de pain de mie tartinée de beurre et décorée de paillettes colorées, et des ballons », confie la rédactrice en chef Diane Godley.
Pour le 18e anniversaire, le fairy bread est remplacé par de l’alcool qu’on consomme entre amis, puisque la loi l’autorise à cet âge – il n’y a pas si longtemps, on ne devenait adulte qu’à 21 ans. Pour marquer le nouveau privilège de pouvoir entrer et sortir à sa guise de la maison familiale, certaines familles néo-zélandaises offrent encore une clé souvenir de la porte.
La diaspora chinoise
On fête différemment les anniversaires suivant les régions et les pays qui comptent une population chinoise importante. À Taïwan et dans le Fujian, une province du sud-est de la Chine, c’est à 16 ans qu’on passe à l’âge adulte. Cette norme remonte à la dynastie Qing, quand le manœuvre recevait enfin à cet âge sa paye entière plutôt que la demie.
À Singapour, les plus jeunes suivent le calendrier occidental pour célébrer le grand jour; les plus âgés préfèrent le calendrier lunaire. Mais tous s’accordent sur un bol de «nouilles de longévité». Ce plat d’anniversaire comprend parfois une seule longue nouille, assure le rédacteur en chef Simon Li.
«Les nouilles sont gages de santé et de longévité, dit-on, et il est recommandé de les garder aussi intactes que possible le jour de son anniversaire, précise-t-il. Il faut éviter de les couper quand on mange avec des baguettes.»
Autre règle: hors de question de couper le gâteau en deux. La culture chinoise est très attachée à l’harmonie, rappelle Simon Li. Aussi, on évitera de débiter entièrement un gâteau en pièces individuelles. On coupera plutôt une tranche à la fois.
Pays-Bas
Le traditionnel «cercle d’anniversaire» marque le passage des ans aux Pays-Bas. La famille étendue se réunit en cercle pour bavarder et partager un gâteau, puis se servir à boire et à manger au buffet. Pour ceux qui entrent dans la pièce, le parcours peut être long raconte le rédacteur en chef Paul Robert.
«Il ne suffit pas de féliciter la personne dont on célèbre l’anniversaire, les invités doivent faire le tour du cercle et serrer la main à chacun, explique-t-il. Pour court-circuiter le processus, certains entrent, saluent le groupe d’un geste de la main: “Félicitations tout le monde !” Mais c’est très mal vu.»
Quand une personne a 50 ans, ses amis et sa famille mettent une grande poupée dans son jardin ou devant sa porte. Les hommes reçoivent une poupée «Abraham», et les femmes, une «Sarah». C’est une évocation de l’Évangile selon Jean, dans le Nouveau Testament, où il est demandé à Jésus comment il a pu voir Abraham puisqu’il n’est lui-même pas âgé de 50 ans (En vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, Je suis); il rappelle également l’âge de Sarah, épouse d’Abraham, quand elle a donné naissance à leur fils Isaac.
Japon
C’est seulement au siècle dernier que célébrer l’anniversaire à la date de naissance est devenu une tradition au Japon. Jusque-là, tout le monde fêtait son anniversaire à la nouvelle année. Peu importe le jour de la naissance, entre le premier et le soixantième anniversaire, il existe plusieurs dates importantes à célébrer dans le pays.
À son premier anniversaire, l’enfant est soumis à la tradition de l’erabitori: parmi des objets disposés autour de lui, il choisit celui qui est censé représenter son avenir. Si le bébé prend la calculatrice, on dit qu’il a des chances de réussir en affaires; un stylo? Il pourrait devenir un auteur prolifique.
Le 15 novembre de l’année des trois, cinq et sept ans de l’enfant, ses parents lui font revêtir un vêtement traditionnel et le conduisent au sanctuaire ou au temple. C’est la fête du Shichi-go-san, qui signifie littéralement 7-5-3 – des chiffres porte-bonheur dans la culture japonaise. Ses parents lui souhaitent santé et longévité et lui offrent un long bonbon effilé et mou, le chitose ame («sucrerie de mille ans») présenté dans un sac en papier décoré d’une tortue, d’une grue et de bambou, autant de symboles de longévité.
Si les Japonais deviennent officiellement adultes à l’âge de 20 ans (la fête est célébrée le deuxième lundi de janvier), les anniversaires importants ne s’arrêtent pas là. Le soixantième anniversaire marque la fin du cycle complet du zodiaque (qui recommence tous les 60 ans) et c’est un important symbole de renaissance. C’est le kanreki, et la famille organise alors une célébration festive. Un coussin spécial, une veste sans manche et un éventail font souvent partie de l’attirail qui accompagne celui ou celle qui a 60 ans.
Brésil
Dans le plus grand pays d’Amérique du Sud, après avoir soufflé les bougies et fait un vœu, l’invité d’honneur coupe une tranche de gâteau et l’offre à la personne qui lui est la plus chère. Chez les enfants, c’est souvent un parent; dans le cas des adultes, cette tradition comporte ses risques. «Ça met souvent les gens mal à l’aise, puisqu’il faut choisir», reconnaît la rédactrice en chef Raquel Zampil.
Même ambiguïté dans cette autre coutume qu’on suit lors de l’anniversaire d’une personne célibataire. Avant de souffler les bougies, on chante et joue aux devinettes sur l’éventuel mariage de l’invité d’honneur. «Qui épousera Maria ou Mario», entonnent-ils d’abord, suivi de, «ça dépendra si [nom de la personne qui en pince pour Maria ou Mario] en a envie.»
Canada
Suivant leur nature plus ou moins vindicative, les «bascules» apparaîtront comme un rituel effroyable ou comme une blague sans conséquence. De quoi s’agit-il ? La bascule consiste à saisir par les poignets et par les chevilles la personne célébrée en position couchée, puis, sans la lâcher, à la projeter vers le haut et à la laisser tomber aussi bas que possible sans heurter le sol, autant de fois que son âge.
Dans une autre version, placé derrière elle, un invité tient par les épaules la personne qu’on fête puis lui donne autant de petits coups de genou aux fesses que son âge… plus un pour la chance. (La tradition vaut surtout pour les enfants – on imagine bien que 40 coups de genou, par exemple, serait épuisant.)
Ne négligeons pas les particularités régionales. Sur la côte est du pays, les enfants se font parfois badigeonner le bout du nez de beurre ou de graisse, pour, selon la tradition, conjurer la malchance.
Dans la population francophone du Québec, dit le rédacteur en chef Hervé Juste, on troque souvent le traditionnel «Joyeux anniversaire » contre «Gens du pays…», une chanson du poète Gilles Vigneault, que beaucoup de Québécois considèrent comme l’hymne national non officiel de la province. Les premières paroles sont alors remplacées par «Mon cher…» ou «Ma chère…», suivies du nom de la personne fêtée.
Malaisie
Environ 60% de la population en Malaisie est de confession musulmane, ce qui explique qu’on ne célèbre généralement pas les anniversaires. Mais certains Malaisiens marquent l’événement en réunissant la famille autour d’un déjeuner ou d’un dîner la veille du grand jour et terminent la célébration en faisant le bilan de leur chance et en remerciant Allah de leur avoir donné vie et santé.
Royaume-Uni
Les fêtes d’anniversaire sont très populaires en Grande-Bretagne, et quand on célèbre un enfant, impossible de passer à côté du jeu de «passe le cadeau». Sur fond musical, un cadeau sous plusieurs couches de papier passe de main à main entre les enfants disposés en cercle; quand la musique s’arrête, l’enfant qui tient le cadeau retire la première couche d’emballage et s’acquitte d’un «gage» rédigé sur une carte glissée sous le papier.
«Il y a toute sorte de gages, comme “exécuter son plus beau mouvement de danse” ou “faire la meilleure imitation de l’enfant fêté”, explique l’ex-rédactrice en chef Anna Walker. L’enfant qui retire le dernier emballage garde le cadeau, il s’agit en général de bonbons ou d’un jouet.
Les Britanniques qui atteignent un âge vénérable ont droit à un cadeau royal: à 100 ans, le monarque lui envoie une lettre de félicitations.
Lituanie
«Dans mon pays natal, la personne dont on fête l’anniversaire s’assoit sur une chaise décorée que les invités vont soulever, explique la rédactrice en chef Eva Mackevic. On la soulève le nombre de fois qui correspond à son âge.»
On observe également une autre tradition: la personne fêtée règle la note pour tous ses invités, c’est-à-dire qu’elle paie la boisson, le repas et même la grande soirée.
Finlande
«Le jour de leurs 18 ans, les Finlandais ont enfin droit au permis de conduire et au restaurant sans être accompagnés d’un adulte», explique le rédacteur en chef Ilkka Virtanen. On ne s’étonnera pas que, pour marquer leur entrée dans la vie adulte, les jeunes fêtent l’événement dans un restaurant avec leurs amis ou organisent une soirée bien arrosée à la maison. Ce jour-là, les invités paient de leur poche, mais aux autres anniversaires, c’est la personne fêtée qui règle la note.
Cinquante ans est un âge important. La personne qui célèbre son anniversaire reçoit alors des amis autour d’un café, de gâteaux et de vin pétillant. De leur côté, les invités offrent des cartes-cadeaux pour une séance de spa, un restaurant ou, pour les intrépides, un saut en parachute.
Philippines
Pour les Philippins, l’anniversaire est plus que la célébration du grand jour – c’est surtout l’occasion de se retrouver en famille. Traditionnellement, il faut inviter ou faire participer à l’organisation de l’événement tous ceux qui vivent à moins d’une journée de distance, et chacun doit apporter un plat. Les incontournables : les «nouilles de longévité», le gâteau idéalement fait de taro ou d’igname mauve, et le karaoké.
Un an, sept ans, 18 ans et 21 ans sont les anniversaires importants aux Philippines. À partir de sept ans, l’enfant est considéré comme plus responsable de ses actes. Quant à la majorité, elle est célébrée le jour de ses 18 ans pour une femme, de ses 21 ans, pour un homme.
Inde
Pour de nombreux Indiens, qui sont majoritairement hindous, les anniversaires s’accompagnent de rituels religieux. En général, la journée commence par une visite au temple où l’on offre des prières et reçoit des bénédictions. La personne dont c’est l’anniversaire demande la bénédiction aux aînés de la famille en se prosternant devant eux et en touchant leurs pieds.
«Certains se montrent charitables ou font des dons pour venir en aide aux plus pauvres», note la rédactrice en chef Ishani Nandi.
L’anniversaire est aussi l’occasion de porter de nouveaux vêtements et de manger ses plats préférés préparés par les membres de la famille. En retour, il faut offrir la première part de gâteau à la personne la plus âgée. Les écoliers distribuent ce jour-là des gâteaux ou des bonbons à leurs camarades de classe.
Allemagne
Balayer l’escalier est sans doute la tradition d’anniversaire la plus étonnante au pays, explique le rédacteur en chef Michael Kallinger. «À Brême, on a coutume d’envoyer l’homme célibataire qui fête son trentième anniversaire balayer l’escalier de l’église ou de la mairie de son quartier. Les femmes doivent nettoyer la poignée de porte.» Cette séance d’hygiène exécutée en public a pour but de mettre mal à l’aise la personne et à l’encourager à se marier.
Dans d’autres régions plus au nord, on décore d’une guirlande de chaussettes la porte d’un homme toujours célibataire le jour de son 25e anniversaire. Il devient ainsi une «vieille chaussette». La femme de 25 ans toujours célibataire a droit, elle, à une guirlande de boîtes. C’est une «vieille caisse».
Les centenaires reçoivent un message du président du pays le jour de leur anniversaire.
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Les troubles alimentaires défient l’égalité des chances: leur taux grimpe invariablement, sans égard à l’âge, l’origine ou le sexe. Une étude de Statistique Canada révèle qu’environ 1 million de Canadiens ont reçu un diagnostic de trouble alimentaire en 2016. Aux États-Unis, près de 30 millions de personnes (9% de la population) y seront confrontées au cours de leur vie, selon la National Association of Anorexia Nervosa and Associated Disorders (ANAD). L’anorexie mentale, la boulimie nerveuse, l’hyperphagie boulimique et l’exercice compulsif font partie des troubles alimentaires. Il existe cependant de nombreuses idées fausses sur ces troubles, prévient Nancy Zucker, professeure agrégée en psychiatrie et sciences du comportement de l’école de médecine de l’Université Duke, et directrice du Centre pour les troubles alimentaires de Durham, en Caroline du Nord.
«Le mythe dominant est que les troubles de l’alimentation reposent sur un souci d’apparence. Mais il s’agit, en fait, d’un trouble d’estime de soi.» Ces états servent souvent à contrôler un environnement qui semble échapper aux personnes qui en souffrent. Il y a également une certaine confusion touchant l’apparence de quelqu’un qui a un trouble alimentaire. Selon l’ANAD, moins de 6% de ceux qui en sont atteints présentent une insuffisance pondérale. Cela veut dire que tout le monde, quelle que soit sa corpulence, peut y faire face.
Les troubles alimentaires présentent un risque pour la vie ou ont des conséquences à long terme sur la santé, selon le National Institute of Mental Health. Par exemple, l’anorexie peut causer de l’anémie, de la malnutrition ou de l’hypotension artérielle. De son côté, l’hyperphagie boulimique peut éroder l’estime de soi, tout en haussant le risque de prise de poids et de maladie cardiaque, de sentiment de honte, de repas pris en cachette et de régimes fréquents. Il est important de souligner que ce ne sont pas tous les troubles alimentaires qui mènent à une perte ou une prise de poids extrêmes. Voici comment détecter des symptômes de troubles de l’alimentation qui ne sont pas liés au poids.
Inflexibilité avec des types d’aliments
La suppression d’un nombre croissant de groupes alimentaires (tous les sucres, glucides, produits laitiers, viandes et produits d’origine animale) peut annoncer un trouble de l’alimentation, explique Nancy Zucker. Cela s’appelle l’orthorexie. L’industrie alimentaire encouragerait, selon elle, une approche rigide en privilégiant un type d’aliment plutôt qu’un autre. «Les glucides sont déclarés mauvais, puis c’est au tour des lipides.» Les régimes d’élimination peuvent compliquer la vie de ceux qui souffrent de troubles alimentaires. «Ces régimes peuvent éliminer jusqu’à 85% des aliments autorisés.»
Les parents doivent se montrer très vigilants face aux signes précurseurs de troubles alimentaires chez l’enfant, un trouble qui affecte de plus en plus de jeunes.
Ignorance des signaux envoyés par le corps
En s’imposant des règles alimentaires rigides, les gens commencent à ignorer les signaux corporels de faim et de satiété, souligne Nancy Zucker. Une recherche de 2016, publiée dans Biological Psychiatry, a fait l’étude de la fonction cérébrale d’un échantillon de 23 femmes ex-anorexiques, et de 17 femmes en bonne santé jamais affectées. Les chercheurs ont découvert que les anorexiques, même convalescentes, réagissaient différemment aux signaux de faim que celles en bonne santé. Leur réponse plus faible révélait moins d’intérêt à s’alimenter.
Le trouble dysmorphique corporel peut provoquer de l’anxiété, de la honte et de la dépression. Le bon côté des choses, c’est qu’il est traitable. Connaissez-vous les signes silencieux du trouble dysmorphique corporel?
Alimentation en isolement
Il est normal que les amis et la famille se préoccupent de ceux qui font des choix nocifs pour leur santé. C’est ce qui explique la volonté des gens souffrant d’un trouble alimentaire à s’isoler, surtout lors des repas. «Le fait d’éliminer des groupes alimentaires entiers complique énormément les repas au restaurant ou chez les autres, et la justification des habitudes alimentaires de la personne, ajoute Nancy Zucker. Il en résulte une forte pression sociale, et un malaise.»
Imaginez souffrir d’un trouble méconnu qui vous pousse à vous empiffrer pendant votre sommeil. Eh bien, c’est le cas de Dave, un Montréalais d’une cinquantaine d’année. Apprenez-en plus sur la parasomnie alimentaire et sur l’histoire de Dave.
Exercices compulsifs
Selon la National Eating Disorders Association aux États-Unis, l’exercice compulsif ou excessif se décèle notamment lorsque l’entraînement prend la priorité sur des activités importantes. Également, que les exercices sont programmés à des heures ou dans des contextes indus et qu’ils sont exécutés malgré des blessures ou autres problèmes médicaux.
«L’entraînement peut être très efficace pour traiter la dépression et les troubles de l’humeur et entretenir la santé cardiovasculaire», ajoute Nancy Zucker. Mais pour ceux qui ont des troubles alimentaires, la volonté d’en faire toujours plus peut prendre le dessus et régenter leur existence.
À ce propos, savez-vous comment identifier et contrer l’anorexie chez un proche?
Perception jusqu’au-boutiste de l’exercice
Il s’agit à nouveau de l’ignorance des signaux que vous envoie votre corps, précise Nancy Zucker. L’incapacité de manquer un entraînement ou de s’accorder une pause pourrait être annonciatrice d’un trouble. «Une telle inflexibilité peut entraver d’autres éléments importants dans votre vie. Il y a des jours où votre corps exige carrément du repos, mais la rigidité et les règles autour de l’exercice prédominent. Vous n’arrivez plus à vous dire: je dois écouter mon corps; aujourd’hui, ça va être jour de repos.»
Comme l’anorexie, la boulimie finit par détruire à petit feu le psychisme, voire l’organisme. Elle se définit, pour sa part, par des épisodes récurrents de frénésie alimentaire à raison de deux fois par semaine, sur une période d’au moins 3 mois. Découvrez tout ce qu’il faut savoir sur la boulimie; ses symptômes et ses causes.
Règles strictes pour tout nouvel aliment
Une personne atteinte d’un trouble alimentaire peut peiner à modifier son alimentation, et à expérimenter tout ce qui sort de sa routine. «Il s’agit du même blocage, en termes de réticence, dans la volonté de goûter quelque chose de nouveau, ou de prendre une bouchée de dessert, explique Nancy Zucker. Une rigueur absolue entoure le régime alimentaire. Il est tellement strict, que ces personnes se sentent menacées et effrayées par de telles déviances.»
L’hyperphagie boulimique, qui se distingue de la boulimie, se définit par des épisodes récurrents de crises de boulimie qui ne sont pas associés à des comportements compensatoires et qui occasionnent donc un surpoids. Voici ce que vous devez savoir sur les symptômes et les traitements pour vaincre l’hyperplasie boulimique.
Se priver des repas familiaux
Avec les horaires chargés de chacun, il est courant que tous les membres d’une famille en arrivent à manger seuls dans la cuisine ou dans la voiture, se privant ainsi d’un repas autour de la table familiale. Mais sauter des repas peut cacher un trouble alimentaire, souligne Nancy Zucker. «Selon moi, un des moyens pour éviter les troubles alimentaires, ou en repérer un dès le départ, est de manger à des heures régulières, dans le cadre des rituels et des routines familiales». La recherche a également souligné l’impact sur les enfants (et surtout les filles) des discussions des parents touchant les régimes ou la perte de poids, qui peuvent les prédisposer à de futurs troubles alimentaires.
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Vêtu d’un short blanc et d’un tee-shirt, les pieds nus posés sur un moelleux siège de cuir, Darren Harrison se tire le portrait. Dans la vaste cabine de six places, il paraît décontracté. Il est l’unique passager du monomoteur Cessna 208 turbopropulseur qui vole à quelque 3600 mètres au-dessus de l’Atlantique, au large de la côte de la Floride.
Il envoie l’égoportrait à sa femme, Brittney, enceinte de six mois de leur premier enfant. Âgé de 39 ans, Darren est directeur commercial d’une société de revêtements de sol. Il rentre chez lui à Lakeland, en Floride, après avoir participé à un tournoi de pêche en eaux profondes à Marsh Harbour, aux Bahamas. Il est près de midi. En ce matin de mai 2022, le temps est clair et la vue est saisissante – un ciel bleu limpide au-dessus de l’eau cristalline de l’océan.
Ken Allen, un pilote expérimenté de 64 ans, est aux commandes. À sa droite, son ami Russ Frank, 70 ans, a pris la place du copilote. Russ, qui n’est pas pilote, est enchanté de la balade.
Après environ 45 minutes sur les 75 que doit durer le vol, les contrôleurs aériens de Miami autorisent le pilote à amorcer l’approche vers l’aéroport international Treasure Coast, à Fort Pierce, à environ 110 kilomètres à l’ouest. L’avion doit d’abord descendre à 3000 m. «November 333 Lima Delta. Bien reçu, Miami Center», dit Ken Allen, en déclinant l’indicatif d’appel de l’appareil.
Quelques minutes plus tard, le pilote éprouve un martèlement puissant du côté droit de sa tête. Chaque battement de cœur est comme un coup de massue. Qu’est-ce qui m’arrive…? se demande-t-il en grimaçant de douleur. De son œil droit, il voit fuser des éclairs bleus.
«Je ne me sens pas bien!» lance-t-il à Darren et à Russ. La douleur est intense, les coups, de plus en plus violents. Il ajoute d’une voix tremblante: «Tout est flou!» Darren réagit aussitôt: «Que se passe-t-il?
— Je ne sais pas. J’ai très mal à la tête! Je ne…» Il s’effondre sur son fauteuil. L’avion s’incline brusquement, sans pilote aux commandes.
Darren réussit à détacher sa ceinture de sécurité et, luttant contre la force d’accélération qui tend à le visser à son siège, il titube vers Ken, qu’il tente de ranimer avec Russ. Pas de réaction. Le pilote est inconscient et l’avion, hors de contrôle, plonge à 550 km/h vers l’océan.
Le ciel bleu a disparu, les deux hommes n’ont d’yeux maintenant que pour l’écume blanche des vagues qui ne cessent de grossir. L’avion descend à 2700 mètres, puis à 2400, 2100… Les alarmes d’urgence du Cessna Caravan hurlent.
S’il n’a jamais suivi de cours de pilotage, Darren a en revanche souvent voyagé à bord de ces petits avions et il a pu observer les pilotes. Suffisamment en tout cas pour savoir qu’il doit tirer le manche pour redresser l’appareil. Il faut y aller lentement, sinon le moteur risque de caler, ou les ailes d’être arrachées. Installé derrière le fauteuil du pilote, il se penche par-dessus Ken inconscient et saisit le manche, pendant que Russ prend celui du copilote.
L’avion a perdu plus de 1200 mètres d’altitude en 30 secondes et il poursuit sa descente. Les deux hommes tentent de le stabiliser, y arrivent. L’avion se redresse, remonte à 2750 mètres.
«Tenez-le fermement», demande Darren à Russ, qui, en serrant d’une main le manche du copilote, aide l’autre à détacher la ceinture de sécurité de Ken. Darren tire doucement le pilote et l’allonge sur le sol de la cabine. Il revient vite au fauteuil et évalue la situation. Certes ils sont en vie, mais ils sont loin d’être tirés d’affaire. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais piloté un avion.
Un vol sans pilote
À l’aéroport de Fort Pierce, le contrôleur Chip Flores est à son poste depuis 7 h. Le vent s’est levé et de nombreux élèves pilotes qui devaient s’entraîner sont cloués au sol. Chip n’est pas mécontent de cette accalmie.
Mais voilà que ce calme est interrompu par un appel dans son casque d’écoute. C’est Darren Harrison: «Contrôle aérien. N Triple 3 Lima Delta. Répondez», dit-il en se souvenant de l’indicatif d’appel que Ken a utilisé plus tôt.
— Caravan 333 Lima Delta, tour de Fort Pierce.
— Nous avons un problème, explique Darren. Notre pilote… euh… il est… n’a plus tous ses esprits et je ne sais pas du tout piloter un avion.»
Chip bondit et appuie sur un bouton qui diffuse la transmission radio dans les haut-parleurs de la tour de contrôle. Alertés par une situation d’urgence, tous les employés interrompent leur travail et tendent l’oreille.
Le contrôleur demande sa position à Darren. «Je n’en sais rien. J’ai la côte de la Floride devant les yeux, mais je ne sais pas.» L’autre inspire profondément. Il ignore que, pour une raison inconnue, les écrans n’affichent plus rien à bord du Cessna. En tirant Ken hors de son fauteuil, Darren a sans doute par mégarde appuyé sur un bouton qui les aura éteints. Seuls quelques instruments restent opérationnels: l’altimètre, le compas et l’horizon artificiel qui mesure l’inclinaison de l’appareil.
Chip réfléchit à ce que vient de lui dire Darren: il ne sait pas voler. Il lui faudra donc un cours de pilotage accéléré. Mais il craint également de perdre le contact radio d’un instant à l’autre, car l’avion qui vole vers le sud sera bientôt hors de portée de la radio-transmission de l’aéroport.
Il n’y a pas à traîner. Chip appelle Darren par radio et, calmement, lui transmet ses instructions. «Tâchez de maintenir les ailes à l’horizontale et essayez d’amorcer une descente. Poussez les commandes vers l’avant et descendez très lentement.»
À la tour, tous attendent la réponse de l’infortuné.
«En ce moment, nous descendons à 167 m/min. Quelle direction dois-je prendre?» Mais le contrôleur n’a pas le temps de répondre, il a perdu le contact avec l’avion tout juste sorti de la zone de transmission radio de l’aéroport.
Il tente de joindre Darren: «Ici Fort Pierce. Êtes-vous sur la fréquence?» Pas de réponse.
Darren et Russ comprennent que le November 333 Lima Delta a perdu le contact avec la tour de contrôle. La voix de Chip a d’abord grésillé avant de se taire. Les deux hommes sont de nouveau livrés à eux-mêmes. Pendant que Darren s’efforce de maintenir le vol stable, Russ tente de déterminer leur position et s’ils vont dans la bonne direction. Il a laissé l’avion entre les mains de Darren, plus jeune, persuadé, à tort, qu’il a pu faire du simulateur de vol. Il semble si concentré!
Russ regarde par la fenêtre. «Là-bas, je vois la côte.» Il vérifie sur le compas pour s’en assurer. «Il faudra se diriger vers l’ouest si on veut rejoindre l’aéroport.» Darren hoche la tête et amorce un léger virage vers la côte.
D’instinct, Russ va retrouver Ken Allen toujours allongé et lui tapote doucement les pieds. Le pilote foudroyé remue légèrement. L’autre lui chuchote à l’oreille: «Accroche-toi, Ken. Accroche-toi.»
Quand le passager devient le pilote
Quand l’avion entre dans l’espace aérien de l’aéroport international de Palm Beach, les contrôleurs reprennent là où Chip a dû s’interrompre. Et ils doivent rapidement trouver quelqu’un qui pourra apprendre à un passager qui n’a jamais piloté comment poser un avion.
Greg Battani, spécialiste du contrôle de la circulation aérienne, fait appeler Robert Morgan, qui profite de sa pause pour lire à l’extérieur. Instructeur de vol et contrôleur aérien expérimenté, Robert entend l’appel: «Présentez-vous au radar, c’est urgent.» Il remet ses chaussures et court à l’intérieur.
Mark Siviglia, directeur des opérations à l’aéroport, le rejoint à la porte et explique brièvement la situation. «Deux passagers à bord d’un avion, un Cessna 208. Le pilote est inconscient. Pouvez-vous les aider à poser l’appareil?» Robert écarquille les yeux. Je rêve? On se croirait dans un film!
Il s’installe devant un écran dans la salle de radar obscure et réfléchit. Que vais-je pouvoir dire à ce type? Il se ressaisit et lance un appel radio à Darren Harrison; l’avion se trouve à environ 32 kilomètres au sud et vole vers l’ouest en direction de la côte. «Ici 322 aux approches de Palm Beach. Nous allons vous guider jusqu’à l’aéroport de Boca Raton.
— Je ne suis pas pilote, répond Darren. Mes écrans sont noirs.
— Ça n’a pas d’importance. Vous allez légèrement virer vers le nord et maintenir une altitude stable à 900 mètres.»
Robert et ses collègues contrôleurs suivent sur les écrans le Cessna qui se dirige au nord. Il félicite Darren. «Formidable, ça se présente bien.» Puis il ajoute d’un ton rassurant: «Ne craignez rien, je m’occupe de vous.»
Lors d’une urgence aérienne, la pratique la plus courante consiste à ramener rapidement l’appareil à l’aéroport le plus proche, dans ce cas, celui de Boca Raton. Mais Boca Raton est une zone encombrée et l’aéroport ne compte qu’une piste. Robert préfère dès lors rediriger Darren au nord, vers l’aéroport international de Palm Beach, plus vaste avec ses pistes de trois kilomètres et ses services d’urgences.
«Maintenez l’altitude et tournez légèrement à droite.» Le secret, c’est le virage à faible inclinaison. Si celle-ci est trop importante, et le pilote peu expérimenté, l’avion risque de décrocher et de tomber en vrille jusqu’au sol.
Robert notifie le changement par radio. Aussitôt les employés de l’aéroport entrent en action. Les contrôleurs aériens prennent en main les radios, interrompent tous les départs et placent les vols à l’approche en position d’attente. Les intervenants d’urgences sont disposés le long de la voie d’atterrissage et les véhicules et les avions sont retirés des trois pistes de l’aéroport.
Un atterrissage stressant
Collés à leurs écouteurs, Darren Harrison et Russ Franck suivent les instructions de Robert Morgan. Russ scrute le sol en quête de repères familiers. Il reconnaît l’autoroute I-95 et fait signe à Darren. Ils poursuivent vers le nord en direction de Palm Beach.
Ce faisant, Darren s’entraîne à contrôler l’altitude du Cessna en poussant le manche vers l’avant pour descendre un peu, puis en le tirant pour faire remonter l’appareil. Il exécute quelques légers virages à droite, puis à gauche. L’avion se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de sa destination. «Vous devriez déjà apercevoir l’aéroport droit devant, dit Robert à Darren. Il faut maintenant descendre à 600 mètres.»
Robert commence à craindre que la vitesse de l’avion ne soit trop forte pour un atterrissage sans risque. Il s’inquiète aussi des vents latéraux violents qui balaient la piste et risquent de déporter l’appareil. Robert demande au pilote de fortune de se diriger légèrement vers l’ouest. «Cela vous donnera plus de temps de descente et un meilleur alignement avec la piste», explique-t-il.
Darren suit les instructions à la lettre. L’avion se dirige maintenant vers l’aéroport pour préparer l’approche vers l’imposante piste 10L.
«Vous allez maintenant réduire la vitesse. Devant vous, il y a la manette des gaz. Elle est noire. Tirez-la légèrement et maintenez la vitesse au-dessus de 110 nœuds.»
Darren tire la manette et se met dans l’axe de la piste qui se trouve maintenant à cinq kilomètres. Le silence règne dans la salle de radar; tous les regards sont rivés sur les écrans, surveillant l’approche finale.
«C’est bon pour la vitesse. Au fur et à mesure de votre avancée, la piste va s’élargir et quand elle sera vraiment large, vous tirerez la manette de puissance vers vous, puis celle des commandes.
— Je ne sais pas comment freiner! Je fais quoi, une fois l’avion au sol?
— Dès que vous y serez, appuyez légèrement sur la partie supérieure des pédales.» Et il ajoute rapidement: «Il faut y aller doucement! Appuyez très doucement sur les pédales.» Il ne précise pas qu’une trop forte pression sur les freins risque de faire éclater les pneus, auquel cas, le pilote perdra le contrôle de l’appareil qui pourrait s’écraser sur la piste.
Le Cessna est tout près de l’aéroport et Robert rend compte de l’altitude à Darren. «Deux cents mètres… 150… 120. Formidable!» À moins de deux kilomètres de l’atterrissage, Darren fait descendre l’appareil à 90 mètres. Il est en place pour se poser sur la piste 10L. Le radar de l’aéroport ne capte pas les avions qui sont plus bas et Novembre 333 Lima Delta disparaît de l’écran de Robert. «Vous êtes toujours là ?», demande ce dernier d’une voix forte.
Suivent 10 secondes d’un silence intenable. Dans la pénombre de la salle de radar, il déglutit en contemplant avec les autres les écrans vides.
Trois secondes… quatre… cinq… six… rien.
Sept … huit … neuf secondes.
Soudain, le haut-parleur se met à grésiller dans la pièce. C’est Darren. «Je suis au sol. Je fais comment pour arrêter ce truc?» Robert enfonce le bouton de la radio: «Le frein en bout de pieds – délicatement!» Darren, toujours pieds nus, appuie sur la pédale. L’appareil s’arrête au milieu de la piste, 25 minutes après avoir été pris en main par un pilote improvisé.
Un cri de joie éclate dans la salle de radar. Épuisé, mais gonflé d’adrénaline, Robert se lève et ravale ses larmes. Darren, désormais soulagé, demande: «Souhaitez-vous que je roule le coucou au garage?» Robert glousse. «Incroyable. Ce type est incroyable.»
Note de la rédaction: Ken Allen a été conduit en ambulance au Palm Beach Gardens Medical Center où on lui a diagnostiqué une dissection aortique, une déchirure de la couche interne de l’aorte, souvent fatale. Les chirurgiens l’ont opéré et il a pu se rétablir complètement.
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