Marche, randonnée pédestre, course à pied, vélo: comment les pratiquer sans les pieds? Dès lors, l’indifférence à leur endroit apparaît étonnante, surtout quand on sait que notre qualité de vie dépend de notre activité physique. Il est donc crucial de prendre soin de ses pieds. En 2021, des scientifiques espagnols se sont justement inquiétés de l’augmentation générale des problèmes de pieds et de leurs nombreuses répercussions (leur étude portait sur des sujets valides de 15 à 69 ans).
«Ces problèmes affectent la qualité de vie, occasionnent des pertes d’équilibre, accentuent la difficulté de se chausser et augmentent le risque de chutes, ont écrit les auteurs dans la revue Scientific Reports. Tout cela se répercute sur les activités quotidiennes, notamment les sorties.» Selon une étude menée en 2017 auprès d’étudiants valides de La Corogne, en Espagne, la mauvaise santé des pieds aggrave justement le risque d’isolement social, faute de pouvoir être actif.
Vos pieds sentent mauvais? C’est peut-être à cause de l’une de ces raisons…
L’hallux valgus ou oignon
Quand une douleur au pied limite l’activité et dure plus d’une semaine, il faut consulter un podiatre ou un orthopédiste, recommande Paul Langer, podiatre en médecine sportive dans le Minnesota, aux États-Unis. Hartley Miltchin, un podiatre canadien de Toronto, ajoute que, si les pieds – les fondations du corps – ne sont pas en mesure de bien effectuer leur travail, tout le reste ira de travers.
L’hallux valgus est l’un des problèmes de pieds les plus courants. Environ un tiers des personnes en souffrent. Quand le gros orteil est mal aligné, une saillie osseuse se forme et le contraint à se tourner vers l’intérieur, tandis que l’articulation ressort sur le côté. Cela ne disparaît pas tout seul.
Directeur d’une agence de communications et de médias, Troy Gubb a toujours été actif, mais il y a une dizaine d’années, au début de la quarantaine, un hallux valgus s’est formé sur son pied gauche. Quand il retirait ses patins après un match de hockey, son pied était rouge et enflammé. Au golf, il ressentait des élancements. Il a fini par renoncer au hockey, puis au golf. Finalement, même la course à pied y est passée. Il n’arrivait même plus à promener le chien de la famille.
«J’ai atteint le point culminant en octobre dernier, se souvient-il. Je marchais en boitillant avec une canne et ne supportais aucune pression sur le pied. Il fallait faire quelque chose.»
«L’hallux valgus est généralement causé par un double facteur: une prédisposition génétique et des chaussures mal adaptées, explique la Dre Kathleen Gartke, médecin-chef à l’hôpital d’Ottawa et chirurgienne orthopédiste qui a opéré de nombreux patients handicapés par ce mal. La mode ne ménage pas nos pieds.» Rien n’interdit de porter à l’occasion des chaussures serrées où les orteils sont à l’étroit ou n’ont pas le soutien approprié, ou encore des talons hauts, mais certainement pas «toute la journée et tous les jours».
L’apparition d’une saillie osseuse à la base du gros orteil doit inciter à donner plus souvent sa préférence à des chaussures qui n’enserrent pas les doigts de pieds. La Dre Gartke recommande de glisser un écarteur (on en trouve dans la plupart des pharmacies) entre le gros et le deuxième orteil pour les maintenir droits. Vous saurez ainsi quelles chaussures éviter – toutes celles dans lesquelles vous sentez votre pied à l’étroit avec l’écarteur.
Le problème a tendance à s’aggraver avec le temps. Si l’hallux valgus met en douleur votre vie quotidienne, songez à une intervention chirurgicale. «Les hallux valgus étant tous différents, il y a plusieurs chirurgies possibles, confirme la chirurgienne. La radiographie aidera à choisir celle qui convient.»
Les plus courantes, l’exostosectomie et l’ostéotomie, sont généralement réalisées en tandem. L’intervention dure entre 45 minutes et une heure. La première consiste à exciser la protubérance à l’articulation du gros orteil. Pour résoudre le problème sous-jacent, on pratique ensuite une incision le long de l’os pour remettre l’articulation dans l’axe et insérer des broches ou des vis qui maintiennent l’os en place. C’est l’ostéotomie. Il faut parfois retirer un peu d’os du gros orteil pour faciliter son redressement.
Heureusement, l’opération se fait le plus souvent sous anesthésie locale. La convalescence pouvait par le passé être pénible, mais la douleur est désormais rendue plus supportable grâce à un bloc analgésique. On installe une canule derrière le genou qui instille un anesthésiant dans le nerf relié à la zone de l’hallux valgus. «Ce dispositif reste en place quelques jours et permet une excellente maîtrise de la douleur», se réjouit la Dre Gartke. Il faut compter de 4 à 6 mois pour une guérison complète – disparition de l’œdème et de la sensibilité – suivant la chirurgie et le genre d’hallux valgus.
Troy Gubb a été opéré par Hartley Miltchin suivant une technique mise au point par ce dernier, plus rapide, moins invasive, avec une récupération plus rapide. M. Miltchin forme d’autres podiatres et des chirurgiens orthopédistes à cette technique qui fait appel à des instruments de précision pour pratiquer de petites incisions dans les os de manière à réorienter l’axe du gros orteil.
Six semaines après l’opération, en avril 2022, M. Gubb a retrouvé le terrain de golf. Il s’est remis à la course à pied dès l’été (il en a même gagné quelques-unes), et, quelques mois plus tard, il chaussait ses patins pour jouer au hockey et s’élancer sur la glace avec ses filles. Il regrette seulement de ne pas avoir réagi 10 ans plus tôt, à l’apparition de la douleur.
Assurez-vous de connaître ces signes subtils sur les pieds révélateurs de maladies.
Autres affections
Il n’y a pas que l’hallux valgus qui mène à la clinique du Dr Langer. La fasciite plantaire, la tendinite du tendon d’Achille et l’arthrose sont d’autres affections douloureuses des pieds.
Fréquente chez les coureurs et les danseurs, la fasciite plantaire se manifeste par une douleur vive au talon. Elle est provoquée par l’inflammation du tissu conjonctif – le fascia plantaire – qui recouvre la voûte plantaire et relie le talon aux orteils. Le fascia n’est ni un muscle, ni un tendon, ni un ligament; il est rigide et ne peut s’étirer.
Avec le temps, de microdéchirures se forment sur le tissu qui finit par être douloureux. Et davantage chez ceux qui ont tendance à marcher avec le talon vers l’intérieur, car cela accentue les tiraillements. Paul Langer suggère, dans un premier temps, d’essayer des semelles intérieures vendues sans ordonnance qui peuvent soulager la pression sur le fascia plantaire. Si ça ne fonctionne pas, il faut envisager une orthèse. Les glaçons, les étirements et les séances de physiothérapie soulagent les symptômes.
La tendinite du tendon d’Achille est une blessure de surutilisation provoquant une douleur au tendon qui relie le muscle du mollet à l’os du talon. Le repos et les antalgiques en vente libre soulagent, ainsi que les exercices d’étirements et de renforcement. Une orthèse qui relève le talon réduira la pression sur le tendon.
Généralement attribuable à l’usure, l’arthrose, enfin. «Après 50 ans, une personne sur 6 souffrira d’arthrite, et avec 33 articulations dans chaque pied, ce genre de problème peut drôlement limiter l’activité», dit le Dr Langer. Il y a différentes solutions: les médicaments comme l’acétaminophène et les anti-inflammatoires stéroïdiens comme l’ibuprofène); la physiothérapie; les injections de cortisone; et, dans certains cas, l’arthroplastie (la réparation chirurgicale de l’articulation).
Garder ses pieds en forme
Pour prendre soin de ses pieds et prévenir les problèmes, il faut parfois s’occuper du reste du corps. Pour Dahlia Fahmy, physiothérapeute et propriétaire de Sports and Ortho Physical Therapy à Chicago, le corps est une «chaîne cinétique». Chaque mouvement entraîne un ensemble de réactions, depuis les muscles et les tendons, jusqu’aux ligaments et aux articulations. «Le pied est le conducteur de tout mouvement. Il suffit qu’il se pose sur le sol pour que cela provoque un effet sur tout le corps, et si un pied est dysfonctionnel, cela se répercute sur toute la chaîne cinétique.»
La force des muscles fessiers et la mobilité des hanches et des mollets sont le secret d’une bonne santé du pied et de sa stabilité. «Les pieds ont besoin de l’aide de ses collaborateurs situés plus haut pour rester en bon état de fonctionnement.»
Le Dr Langer partage cet avis et n’hésite pas à suggérer des exercices à ses patients et à les adresser à un physiothérapeute pour un entraînement musculaire des mollets, des quadriceps, de l’ischio-jambier et des fesses, sans oublier la partie supérieure du corps. Il souligne l’importance du renforcement des muscles du pied et de la cheville. «Chez ceux qui ont des pieds forts, le risque de chutes diminue et la dégénérescence naturelle des muscles après 50 ans est moins rapide.»
Au Brésil, des chercheurs de l’université de São Paulo ont révélé qu’avoir des pieds forts réduisait jusqu’à 60% le risque de blessures lors d’une course.
Pour garder ses pieds en forme, Paul Langer entraîne les grands muscles de ses jambes et les petits muscles de ses pieds avec la course en colline et le yoga des orteils. «Il s’agit d’activer les muscles du pied, puis de solliciter les muscles en enchaînant progressivement avec des mouvements plus difficiles, comme passer de la position assise à la position debout, puis sur un pied, ensuite sautiller et, enfin, courir.»
Commencez par cet exercice: en position debout, répartissez également le poids de votre corps sur le gros orteil, le petit et le talon. Soulevez ensuite du sol les cinq orteils, écartez-les au maximum en éventail et reposez-les, un orteil à la fois.
Sortez vos pieds
Paul Langer, qui a couru plus de 25 marathons, a toujours été fasciné par la capacité des pieds à nous porter dans le monde. «Nous percevons rarement les pieds comme des organes sensoriels, alors qu’ils envoient une quantité phénoménale d’informations au cerveau qui permettent le maintien de l’équilibre, l’adaptation à différentes surfaces et un mouvement efficace.»
Il suffit de constater la différence entre se promener sur une plage de sable fin et marcher sur un trottoir de béton: le sable est instable et exige beaucoup plus d’énergie que la surface plate et ferme du béton. «Nos pieds envoient des signaux sensoriels grâce auxquels le cerveau modifie la raideur des jambes, ce qui permet d’optimiser les modèles de mouvements sur différentes surfaces.»
Les bienfaits de la marche sur la santé sont nombreux. Des chercheurs canadiens ont démontré que, pour ceux qui souffraient d’ostéoporose, c’était un des meilleurs exercices – et celui qu’ils préféraient. Par ailleurs, dans une nouvelle étude publiée en septembre 2022 dans American Medical Association – Internal Medicine, après l’analyse des données d’activités de 78 500 participants, on a constaté qu’une marche rapide de 30 minutes par jour réduisait le risque d’apparition de maladies cardiaques et de cancers.
En 2022, Parcs Canada rejoignait RxAP, le premier programme national de prescription d’activité physique qui permet aux médecins de prescrire du temps à passer dans les parcs nationaux et les aires de conservation. La marche à l’extérieur est bonne pour la santé et la diversité du terrain est certainement un des avantages importants, explique le Dr Langer. «Sur un terrain inégal, nos articulations plient et fléchissent pour s’adapter, et cela exige que les muscles et le système neurologique travaillent davantage pour assurer la force et l’équilibre.» Cela permet aussi de maintenir notre amplitude de mouvement, de force et d’équilibre.
Les bonnes chaussures
Si la recherche vante les bienfaits des coussinets, le Dr Langer rappelle qu’il n’y a pas de chaussure idéale universelle. Beaucoup font l’erreur de se fier à la publicité ou au vendeur qui fait l’éloge de la «meilleure» chaussure. (Et ce ne sont pas les gougounes. Voici de bonnes raisons de les éviter!)
«Le confort est très important, mais c’est quelque chose de complexe qui ne se quantifie pas. Dans mon cas, je préfère une empeigne confortable – mais pas trop – et un bout large et arrondi.» Si on veut acheter la bonne chaussure, il faut en essayer plusieurs et se fier à son instinct.
Helen Branthwaite du Royal College of Podiatry, conférencière en biomécanique clinique à l’université du Straffordshire, au Royaume-Uni, fonde une bonne partie de ses recherches sur sa passion pour les chaussures et son intérêt pour leur effet sur la mécanique du pied (elle préfère les baskets, mais possède une paire ou deux de chaussures à talon).
«Nos chaussures affectent notre façon de fonctionner et influent sur le mouvement et la pression que nous exerçons sur nos pieds.» Si la chaussure n’est pas confortable quand on l’essaie, il vaut mieux renoncer à l’acheter. «Il est absurde de croire qu’on va s’y habituer ou qu’elle s’élargira avec l’usage.»
Mme Branthwaite qui exerce en podiatrie à Macclesfield, en Angleterre, recommande de choisir une chaussure qui respecte la forme du pied; si vous avez un pied plutôt carré, optez pour un modèle de forme similaire. Le soutien de la voûte plantaire est fondamental. Certains manufacturiers (notamment Calla, un fabricant au Royaume-Uni qui conçoit des modèles pour des femmes souffrant d’un hallux valgus) développent des styles qui répondent à des problèmes de pied courants.
Pour résoudre un problème de pied, la Dre Branthwaite conseille ses patients sur ce qui peut les soulager, qu’il s’agisse de coussinets pour les douleurs au talon, ou de coutures intérieures lisses quand on a un hallux valgus. «La chaussure peut devenir le traitement.» Une de ses patientes avait des douleurs telles à la voûte plantaire qu’elle était incapable de promener son chien. Mme Branthwaite lui a suggéré de remplacer ses ballerines par des bottes confortables et robustes.
En 2021, des chercheurs français ont étudié le port de chaussures spécialement conçues pour améliorer l’équilibre et la stabilité pour tout le monde, de l’athlète à l’entraînement à la personne de plus de 65 ans. Tous les ans, plus de 30% des sujets de plus de 65 ans sont victimes de chutes elles-mêmes responsables de 90% des fractures de la hanche. Les conclusions des chercheurs sont limpides: ces chaussures ne font pas qu’améliorer l’équilibre, les sujets qui les portent se sentent plus stables en marchant.
Gillian Parkinson, une orthophoniste à la retraite de Wilmslow, en Angleterre, assure qu’un changement de chaussure peut faire toute la différence. Elle qui vient d’avoir 70 ans avait de plus en plus de mal à marcher. Elle souffrait d’une tendinite du talon d’Achille et était encline à se tordre la cheville.
Après quelques chutes déconcertantes, elle a consulté. La podiatre lui a immédiatement recommandé de troquer ses mocassins contre une chaussure à attache Velcro avec une semelle à plus grande surface d’adhérence pour améliorer la stabilité. L’orthophoniste a ajouté une orthèse plantaire pour surélever le talon et assurer un meilleur équilibre.
Non seulement la tendinite du talon d’Achille a disparu, mais Mme Parkinson a pu reprendre ses promenades, et même se balader à l’occasion dans la montagne. «Il y a une route de campagne à
50 mètres de la maison qui conduit vers un site historique où nous avons l’habitude de marcher, mon mari et moi. Après quelques kilomètres, on se fait plaisir en s’arrêtant dans un petit café. La marche me fait beaucoup de bien. C’est thérapeutique et apaisant.»
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Dans L’âge de diamant ou le Manuel illustré d’éducation pour jeunes filles, publié en 1995, l’auteur américain de science-fiction Neal Stephenson imaginait ainsi la gestion des déchets: l’air et l’eau pollués seraient envoyés dans un réseau de cuves pour être lentement filtrés et purifiés. Entre chaque cuve, un réseau invisible de roues sous-microscopiques semblables à des fraises récupéraient les molécules d’azote, d’eau, de carbone, de phosphore et autres éléments utiles. Allégés de leurs polluants, ces éléments passaient dans la cuve suivante, laissant les résidus dans la précédente, et ainsi de suite. En fait, il imaginait surtout un dépotoir du futur.
Une fois l’eau et l’air débarrassés de leurs saletés, il était possible de reconstituer de l’eau pure, de l’azote gazeux et d’autres précieuses molécules à l’aide de compilateurs de matière – sortes d’imprimantes 3D. Transformés molécule par molécule, ces déchets fournissaient ainsi un approvisionnement constamment renouvelé de nourriture, de vêtements et de biens en tout genre.
Il s’agit là de science-fiction bien sûr, mais on connaît la capacité de la science-fiction de prédire des inventions. Le même Stephenson a d’ailleurs inventé le concept du métavers, une pratique de la réalité virtuelle sur internet que défendent Mark Zuckerberg et ses semblables. En 1880, Mary E. Bradley Lane évoquait déjà dans ses romans la viande fabriquée en laboratoire et H. G. Wells prédisait la bombe atomique. À maintes reprises, les inventeurs ont puisé leur inspiration dans la science-fiction. Aujourd’hui encore, dans le nord-ouest de l’île de Terre-Neuve, un certain Ben Wiper considère la chaîne de démontage moléculaire de Stephenson comme une sorte de plan directeur de sa propre société de gestion des déchets.
À vrai dire, Ben n’est pas ce que l’on appelle un inventeur. Originaire de l’Ontario, cet «homme de la finance», comme il se décrit lui-même, s’est installé en 2017 à Main Brook, un village côtier d’environ 240 personnes dans la Grande Péninsule du Nord de l’île canadienne de Terre-Neuve, pour prendre la codirection d’une usine de traitement de poisson. L’association n’a pas duré, mais l’homme est resté, appréciant le cadre isolé de son nouvel environnement qui lui rappelait l’Ouest sauvage.
En préparant l’étape suivante et en n’oubliant pas ce que lui avait appris le traitement du poisson, il a repensé au roman de Stephenson. Que faire de tous les déchets que l’usine produisait dans une région à l’activité économique aussi faible? La réponse? Une importante société de gestion des déchets, un projet ambitieux que Ben a baptisé 3F Waste Recovery.
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Un projet ambitieux
Le nom de la société dit tout: 3F Waste Recovery (les 3F pour fishing, farming, forestry) recycle les déchets des secteurs de la pêche, de l’agriculture et de la sylviculture en produits de consommation. «3F est fondé sur un principe simple: trouver une application pour chaque molécule qui passe notre porte, explique Ben, directeur d’exploitation de l’entreprise. Je pense à la décharge de l’avenir où les producteurs pourront réutiliser tout ce qu’ils n’ont pas transformé et lui trouver un usage utile.»
3F doit encore compter sur des subventions et se concentre essentiellement sur la recherche, le développement et l’élargissement des opérations existantes. L’équipe de scientifiques, de transformateurs en usines de poisson et d’ouvriers agricoles et sylvicoles est dispersée dans la Grande Péninsule du Nord et ailleurs dans l’île. Ben peut compter sur des installations de production à Main Brook et Bay Roberts (à environ une heure en voiture de Saint-Jean de Terre-Neuve), et l’Islande pourrait s’ajouter à la liste si les discussions en cours portent leurs fruits – dans ce cas, aucun des 14 membres du personnel à plein temps n’aura à se délocaliser de manière permanente, assure-t-il.
Le nombre de produits disponibles en magasin est limité, mais 3F planifie, approfondit la recherche et crée une dynamique pour élargir l’éventail. Les déchets de morue, l’élément phare de la société, sont transformées en friandises pour animaux de compagnie. Il y a des projets de suppléments santé au collagène marin, de poudre de protéine et même de cosmétiques. Les os de mouton d’élevage (et, si le règlement le permet, d’orignal) pourraient entrer dans la composition de friandises pour animaux de compagnie ou être bouillis pour en récolter le suif qui sert à la fabrication de chandelles et de savon.
Du côté de la sylviculture, 3F récupère la sciure des usines locales et le carton des entreprises de la région pour fabriquer des granulés servant à remplir les coussins d’animaux de compagnie ou encore de la litière pour chatons. Les résidus de toutes ces transformations finissent dans le compost de la société.
Cela peut sembler ambitieux. Au début, les investisseurs auraient préféré que l’entreprise mise sur un seul type de produits – les friandises pour animaux de compagnie, se souvient Ben. Mais il hésitait à se spécialiser, craignant que cela ne sape l’opération. Les fournisseurs rechignent à trier leurs déchets. «Ils veulent tout envoyer en même temps, dit-il. Le fournisseur de morue ne veut pas qu’on ne récupère que la tête, la colonne vertébrale et la peau, s’il y a des viscères il veut s’en débarrasser aussi. Sinon, on n’est pas une décharge intéressante.» Comme il ne veut pas que 3F produise de déchets, il cherche un usage au moindre sous-produit.
L’entrepreneur a peaufiné son message aux investisseurs en leur permettant de cibler leur investissement – produits de jardinage, produits pharmaceutiques, nourriture pour animaux de compagnie, par exemple –, mais ce qu’il vise à terme c’est un changement complet de paradigme dans la gestion des déchets.
Au-delà du côté pratique du réacheminement des déchets, Ben est convaincu que l’économie circulaire passe par une approche holistique où l’on conserve les matériaux en circulation, améliore l’état des écosystèmes et convertit les déchets en ressources plutôt qu’en gaspillage. 3F était sur les rails depuis deux ans quand Ben a entendu l’expression «économie circulaire» lors d’une conférence. Ce cadre colle parfaitement à sa société.
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Une équipe dévouée
Je rencontre la directrice des ventes nationales et directrice générale par intérim de 3F Janice Saunders devant le rayon des désodorisants voiture à la station-service de Main Brook en mai 2021. Elle achète autant de produits parfumés aux baies qu’elle peut en porter. «J’ai 27 kilos de peaux de morue au sous-sol, dans ma maison», explique-t-elle. Une partie de sa tâche consiste à servir les commandes de friandises en peau de morue 3F dans plus de 70 magasins dans tout le Canada. Voilà qui évidemment donne de l’odeur.
Janice travaille chez 3F depuis près de trois ans. Originaire de la pointe nord-est de l’île de Terre-Neuve, elle a quitté la province après l’école secondaire. Elle a vécu 18 ans en Ontario et en Alberta, puis est revenue au pays avec ses enfants il y a environ sept ans. Avant de se joindre à l’équipe, elle travaillait dans un restaurant au salaire minimum. Aujourd’hui, comme les autres employés de la société, elle gagne au moins 20$ l’heure.
En sa compagnie, je rejoins Hailee Keats, directrice des services administratifs de l’entreprise, qui est avec Ben Wiper. Nous roulons deux heures jusqu’à Hawke’s Bay, au centre de la péninsule où se trouve Zero Waste Farms. Le site est loué à Mike Offrey, l’agriculteur qui codirige le projet avec Ben, et qui y cultive des légumes. La raison d’être de 3F sur le site reste la récupération et la réutilisation de sous-produits.
Aujourd’hui, il faut conditionner le nouveau compost de crustacés qui s’entasse en monticules devant nous. Ben, Janice et Hailie cherchent le meilleur moyen de procéder. Le compost doit être mis en sacs plastique et pesé. «Je n’ai jamais fait ça», explique Ben. Faut-il suspendre un seau sans fond transformé en trémie (sorte d’entonnoir) pour contenir le flux de compost? Ou utiliser la pelle pour l’envoyer dans les sacs? Curieusement, l’opération, qui sera diffusée en direct sur la page Facebook de 3F, rend Ben nerveux. «Je suis assez perfectionniste et quand on n’a jamais fait une chose avant, le risque d’échec est drôlement élevé.» On retient la trémie.
Pendant ce temps, d’autres, dont je suis, récupèrent avec un déplantoir et une pelle le compost qui mûrit depuis quelques mois. Janice et Hailie travaillent surtout dans les bureaux, mais elles n’hésitent pas quand il faut manipuler le compost ou balancer des morceaux de lompe ou de morue dans la déchiqueteuse. (Apprenez-en plus sur les manières de pratiquer le compostage.)
Il arrive qu’on tombe sur un morceau de poisson pas entièrement décomposée qui envahit soudain l’air d’une odeur pestilentielle. Mais ce n’est rien comparativement à la laine de mouton en ébullition, fait remarquer Janice.
Le seau se révèle rapidement inefficace. Mais Ben s’y tient et filme le résultat pour alimenter le réseau social de la société. Il préfère la transparence quand ça ne va pas comme il le souhaite; avant, son perfectionnisme pouvait l’inhiber, explique-t-il, mais aujourd’hui, il voit l’échec comme un passage obligé sur la voie du succès.
L’économie circulaire, un concept de plus en plus populaire
Professeur de géographie à l’université Memorial à Saint-Jean, Nicholas Lynch constate que l’idéologie de l’économie circulaire gagne partout du terrain. Et même si ses propres recherches mettent en valeur ses nombreux avantages, il souligne avec agacement que le modèle n’a rien d’inédit. «On en parle comme d’une idée nouvelle, mais ce n’est pas le cas. Pour toutes les populations côtières, récupérer et réutiliser a toujours fait partie de la vie. L’économie circulaire, si vous l’appelez comme ça, existe depuis toujours.»
Rebecca LeDrew, une ancienne élève de Lynch maintenant diplômée, a étudié l’économie circulaire aux Pays-Bas et en Écosse. En matière de récupération de déchets, la tendance est aux nouvelles technologies, explique-t-elle, mais les traditions plus anciennes comme le compostage et le recyclage des matériaux de construction ont encore des leçons à nous livrer. «Tout ne doit pas être neuf, rutilant et innovant. Les pratiques anciennes ont des réserves de solutions.» Elle loue le travail de 3F auprès des pêcheurs, des forestiers et des agriculteurs de la région. «Il ne s’agit pas de récupérer du matériel électronique ou ce genre de choses dans ce monde rural. Ils cherchent ce qu’on trouve ici et essaient de voir ce qu’on peut en faire. C’est une approche de la circularité très intelligente et réalisable.»
Pour Nicholas Lynch, la capacité d’établir un lien avec les industries primaires de la région pourrait faire école pour d’autres initiatives de récupération de déchets – d’autant que les industries sont fortement incitées à se montrer responsables dans la gestion de l’environnement. Les industries pétrolières et gazières, par exemple, s’intéressent à la récupération de minéraux utiles comme le lithium et le magnésium, présents dans leurs eaux usées.
Terre-Neuve, un lieu stratégique
Pour Ben Wiper, la Grande Péninsule du Nord est un lieu parfait pour nourrir ses idéaux utopiques. Pour lui et son équipe, il y a là moins de contraintes que s’ils se trouvaient dans une région plus centralisée et de plus dense population. Les possibilités d’expérimenter sont plus vastes, ajoute-t-il. Et parce qu’on est loin de tout et qu’il y a peu de services, les opérations sont plus naturellement orientées vers l’idéal de circularité et l’équipe de 3F plus poussée à trouver des solutions novatrices pour recycler absolument tout.
La vision expérimentale de 3F retient de plus en plus l’attention de personnes influentes dans le milieu de l’économie circulaire. Un rapport dirigé par l’Institut pour l’IntelliProspérité, un réseau de recherche et un laboratoire d’idées basé à l’université d’Ottawa, a inclus 3F dans l’examen de près de 200 solutions agroalimentaires d’économie circulaire notables au Canada. Elle a été reconnue comme l’une des opérations les plus novatrices, dit l’associée de recherche Sonia Patel.
Les perspectives commerciales semblent également prometteuses pour l’entreprise. Avec la négociation de contrats de plusieurs millions de dollars à l’international, les friandises pour animaux de compagnie ont le vent dans les voiles et pourraient générer 60 emplois ruraux à plein temps et par usine pour 3F. Pendant que nous roulions sur l’autoroute, Ben, Hailie et Janice ont reçu un déluge d’appels et de courriels d’acheteurs éventuels.
Cela dit, 3F devra rapidement générer plus de profits, dit Ben. Si les subventions et les prestations canadiennes d’urgence mises en place pendant l’épidémie de Covid-19 ont permis d’alimenter la recherche ces dernières années, les ventes ou les investissements doivent désormais démontrer la rentabilité de la société, ajoute-t-il, «très optimiste».
Et comme le romancier qui l’a initialement inspiré, Ben insuffle à son travail quotidien une créativité et une originalité dans la résolution de problèmes. Actuellement, il s’intéresse par exemple à la mise au point d’un nouveau modèle de transformation du poisson qui permettrait de couvrir tous les aspects de la transformation de la morue – du conditionnement des filets, des langues, des joues et des bâtonnets de poisson à la production de collagène, de poudre de protéine et de friandises pour animaux – avec une seule usine.
Pour améliorer la fraîcheur de tous ces produits, il voudrait utiliser des hélicoptères pour installer des petites usines de transformation directement sur les bateaux de pêche. Si Ben Wiper réussit à mettre cet ambitieux projet en œuvre pour la morue, l’idée pourrait servir de modèle pour des pêcheries collectives, croit-il. Il se réjouit de la concurrence et souhaite vivement que d’autres prennent exemple sur son travail. La reconnaissance de la valeur des déchets profitera à tous. 3F ne peut pas tout faire, dit-il, et pour l’instant, il y a assez de déchets pour tout le monde!
Modèles circulaires
Entreprises durables dans le monde
The Plastic Flamingo, Philippines
Afin de lutter contre les déchets plastique dans les voies navigables des Philippines, les Français François et Charlotte Lesage donnent une nouvelle vie aux bouteilles et aux emballages jetés. L’entreprise The Plastic Flamingo transforme ces déchets en écomatériaux de construction qui servent à la fabrication de meubles et d’abris d’urgence.
Infinited Fiber, Finlande
Cette solution finlandaise au fléau mondial de la mode éphémère récupère les déchets riches en cellulose – y compris les vieux jeans, les tee-shirts, le carton et les produits dérivés de la ferme comme la paille de blé – et les transforme en une fibre douce biodégradable qui a la texture du coton. Les marques H&M et Patagonia, entre autres, ont signé avec la société des contrats d’achat pour plusieurs années.
InsectiPro, Kenya
Avec le concours de larves affamées de mouches soldats noires, InsectiPro réduit la quantité de déchets organiques à Nairobi. Les larves de cette entreprise sont nourries avec les déchets des étals de marché et des fabriques pour être ensuite séchées et vendues comme nourriture de bétail. Pour les humains, InsectiPro transforme des grillons en friandises.
© Andrea McGuire 2022. Tiré de «The Landfill of the Future», Hakai Magazine (29 mars 2022).
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Aujourd’hui, quantité de produits promettent de réunir leurs qualités nutritives dans une mesure de poudre verte – il suffit de l’ajouter à un verre d’eau. Les marques Athletic Greens et Vital Proteins, par exemple, en proposent qui contiennent des légumes déshydratés comme de l’épinard et de la betterave, auxquels ils ajoutent de la spiruline, une algue chargée de nutriments.
Mais boire des légumes verts vaut-il de les consommer entiers? La réponse est: non. «Pour moi, les légumes verts en poudre restent un complément alimentaire, explique Maya Feller, nutritionniste à New York. Très souvent, on ajoute à ces produits des vitamines et des minéraux, ou d’autres nutriments qu’on ne trouve pas naturellement dans les légumes verts. Par conséquent, ils s’apparentent davantage à une multivitamine.»
Il leur manque surtout les fibres, un élément essentiel. Les fibres sont une bénédiction pour l’intestin et contribuent à assurer le mouvement des aliments dans l’appareil digestif. On les trouve dans les légumes, alors que la plupart des jus et des poudres en ont peu ou pas du tout.
Mais quand on ne réussit pas à absorber sa dose quotidienne de légumes? «Oui, ces poudres peuvent combler le manque quand les aliments ou les boissons ne suffisent pas à répondre aux besoins nutritionnels», reconnaît Maya Feller.
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Avec un brin de fierté, je le lui dis. Incrédulité de sa part, elle pense que je tente de malmener la vérité. «Oui, c’est vrai, je t’ai connu à 1,85 m, mais tu ne t’es pas mesuré depuis des années. Tu sais, on rapetisse en prenant de l’âge. Je te retire cinq centimètres, peut-être 10.»
Avec elle, j’ai souvent droit à ce genre d’observation scientifique. Scénariste de profession, elle a écrit quelques séries médicales, ce qui la porte à penser qu’elle est, ben oui, pratiquement médecin.
«Avec le poids des ans, les disques de la colonne vertébrale finissent par se tasser, poursuit-elle. Quand tu auras 90 ans, tu feras la moitié de ta taille.»
N’importe quoi! «Si c’était vrai, il faudrait abaisser les comptoirs de cuisine au fur et à mesure que l’on vieillit», dis-je.
Jocasta soupire, telle une maman devant un enfant récalcitrant. «Quand les gens atteignent cet âge, ils sont tellement rompus à ces tâches qu’ils n’ont pas besoin de vue directe sur ce qu’ils font, tente-t-elle. S’ils veulent du pain grillé, ils y vont d’expérience.» Elle lève alors les bras et tartine son pain de beurre au-dessus de sa tête. Parfaitement crédible, bien sûr.
Prendre du poids au cours de la journée?
On en vient ensuite au poids. Je propose un chiffre, que Jocasta juge fantaisiste. Elle me demande de me peser, mais je refuse. Au motif que je fais «un peu de rétention d’eau en ce moment». «Ce que tu retiens, réplique-t-elle, c’est le gratin de thon. J’ajoute trois kilos.»
La sentant résolue, j’effectue un repli stratégique et reviens sur la taille. C’est peut-être ma dernière chance d’éviter une vie de demi-portion.
«À mon sens, je n’ai rien perdu du tout», lui dis-je. Je fais le tour de la cuisine la tête haute, le nez en l’air et le menton levé comme une jeune femme dans un cours de maintien. «Je grandis même de plus en plus», dis-je.
Du bout de son regard moqueur, elle me lance: «Relever le nez ne te fait pas grandir d’un millimètre. Tu ressembles à l’aristocrate qui essaie d’éviter l’odeur de son pet.» Et vlan!
En m’asseyant, je sens mes vertèbres qui se tassent. Comment croire que je rapetisse?
Il doit bien exister un moyen de récupérer sa taille. Je pourrais me procurer un chevalet d’écartèlement médiéval et demander à Jocasta de resserrer jusqu’à me faire hurler de douleur. Elle y trouverait peut-être du plaisir.
Ou me suspendre à une branche d’arbre et voir ma colonne vertébrale s’allonger en un rien de temps. Les orangs-outans de Bornéo essaient-ils simplement d’améliorer leur IMC?
Je demande conseil à Jocasta. Après tout, n’est-elle pas pratiquement une professionnelle de la santé? «Nous sommes plus grands le matin que le soir, m’enseigne-t-elle. Marcher toute la journée comprime les disques. Ils s’étirent durant la nuit, quand nous sommes allongés. De plus, avec l’ingestion d’aliments et de liquide, nous prenons du poids au cours de la journée.»
Une idée lui vient. Elle replonge dans ses calculs. Et en ressort avec deux chiffres pour mon IMC: celui du matin tôt et celui du soir. «Tu commences ta journée avec un léger embonpoint avant de basculer dans l’obésité vers 19h30, après ta deuxième bière.»
Soit. Après tout, c’est plutôt réjouissant. Même si je termine la journée en lutin obèse, je la démarre dans de bien meilleures conditions: un homme de grande taille qui tient le surpoids à distance, menace le ciel du poing et prie la gravité de s’oublier pour une fois.
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Bâti sur l’histoire
J’anticipais le plaisir de ce weekend depuis plusieurs jours. Je connaissais la renommée de l’Auberge Saint-Antoine et son approche immersive où l’histoire se confond aux décors ambiants pour une expérience unique en son genre. Ce n’est pas sans raison qu’elle est devenue, au fil du temps, un hôtel musée. Depuis sa création en 1987, de nombreuses fouilles archéologiques ont été effectuées, qui ont permis de mettre à jour d’incroyables vestiges, témoins de l’histoire des lieux. Peu importe où l’on pose les yeux, on tombe sur un bel objet. Et c’est ainsi que l’Auberge a fait de l’archéologie sa signature. La première batterie Dauphine – élément de défense dont la construction remonte au 18e siècle – a été découverte durant des travaux de rénovation et minutieusement restaurée. On peut la voir, protégée par une vitre au bar Artefact situé à l’avant de l’Auberge et intégré aux lieux. Les visiteurs peuvent donc s’asseoir à table et savourer un délicieux repas accompagné d’un vin d’importation privée, en présence de ce témoin authentique de la grande histoire de Québec. Chacune des chambres est personnalisée, soit par la présence d’un artefact archéologique découvert sur le site, d’une porte d’origine datant du 18e siècle ou une ancienne fresque restaurée.
Vivre le moment présent
Lorsqu’on arrive en voiture devant la belle façade de l’Auberge, décorée du prestigieux drapeau Relais & Châteaux, un employé vient à notre rencontre pour s’occuper de la voiture et des valises. Une fois à l’intérieur de ce splendide établissement, on se retrouve sur la vaste mezzanine surplombée d’une imposante verrière, offrant ainsi une vue saisissante sur les célèbres vestiges de l’hôtel. En effet, les objets archéologiques sont exposés de façon à les mettre en valeur permettant aux visiteurs une expérience vivante avec le passé. J’avais le sentiment de vivre une immersion dans l’histoire et la culture de Québec tout en profitant d’un luxe bien contemporain.
Après avoir posé sacs et valises dans notre chambre, nous avons été fascinés par ce lieu de bien être où le bon goût se mêle à un luxe historique. Avec sa terrasse et une grande salle de bain avec mur de brique, vivant d’authenticité, la chambre est magnifique. Il était tentant d’y rester et de passer la soirée à profiter de notre grande terrasse avec vue sur le fleuve Saint-Laurent. Toutefois, après un après-midi pluvieux le beau temps était au rendez-vous et nous avons décidé de partir pour une promenade dans les rues de la vieille ville.
Bien qu’il fût difficile de faire un choix parmi les cafés, les brasseries et les restaurants du Vieux-Québec, c’est à la terrasse du Lapin Sauté que nous avons échoué. C’est un petit restaurant, plein de charme historique, au menu varié: on y mange aussi bien une tourte de lapin que des rillettes de canard, un grilled cheese ou un filet de truite. Sans oublier la poutine de lapin effiloché… pour ceux ou celles qui ont une grosse faim. Au dessert, nous avons partagé un pouding à la rhubarbe et coulis de fraise.
La journée devant soi
Après une bonne nuit d’un sommeil réparateur, le soleil s’est levé sur Québec et ses rayons ont filtré à travers les rideaux. J’ai hésité à commander le déjeuner à notre chambre pour le plaisir de savourer mon assiette vêtue d’un peignoir confortable, assise à la petite table de la magnifique terrasse, en contemplant le fleuve. Mais faire l’expérience du fameux restaurant chez Muffy – autrefois le Panache – avec ses magnifiques poutres d’origine au plafond, était un incontournable. Situé dans un ancien entrepôt maritime datant de 1822, tout en hauteur, c’est un lieu vibrant d’histoire. Le déjeuner offert au restaurant chez Muffy est tout simplement extraordinaire… et copieux. Tout à l’air si délicieux qu’on voudrait goûter à tout. Au menu, un choix extravagant qui nous fait hésiter entre la Grillade (assiette d’asperges grillées accompagnées d’un brouillage d’œufs, d’un onglet de bœuf et de roquette); le Gourmand (beigne maison avec bacon de longe, laitue, guacamole, cheddar et œuf tourné); le Saint-Antoine (deux œufs tournés servis avec pomme de terre, bacon, saucisse et jambon) ou encore le Délicieux (vol-au-vent aux fruits des champs et crème pâtissière à la lavande). Non seulement les noms font rêver, mais ils tiennent leurs promesses. Nous avons opté pour le Saint-Antoine et le Délicieux. En plus de cette assiette copieuse, nous avions égalent accès au déjeuner continental qui consiste en un buffet composé de fromages variés, de petits fruits, de viennoiseries, et de plusieurs autres délices. Et pas besoin d’avoir une chambre à l’hôtel pour profiter du restaurant Chez Muffy: peu importe le planning de votre séjour à Québec, vous pouvez y réserver une table.
Adapté à l’esprit de l’établissement affilié Relais & Châteaux, le restaurant Chez Muffy propose une cuisine du terroir sous le concept de Ferme à la fourchette. Sa gastronomie met de l’avant les produits locaux de leur ferme située sur l’île d’Orléans, à moins de 20 km du restaurant. Plusieurs initiatives sont d’ailleurs mises en place pour minimiser l’empreinte écologique de l’Auberge: une pratique responsable de la gestion des déchets, du recyclage et de la réduction de la consommation d’eau et d’énergie.
Profiter de la journée
En route vers les charmantes rues du Petit Champlain, quartier qui se distingue par ses bâtiments aux couleurs vives, ses façades ornées et ses fenêtres joliment fleuries. Nous avons flâné, découvrant un passage inusité au détour d’un coin de rue, des boutiques d’artisanats, des galeries d’arts, des magasins de vêtements, des bijouteries et des antiquaires où dénicher des produits locaux et uniques. Renommée pour ses rues pavées, ses charmantes maisons en pierre de style européen, ses fortifications et son architecture coloniale, nous avons redécouvert Québec, destination culturellement riche et unique entre toutes.
Nous avons particulièrement apprécié l’événement artistique Passages Insolites, qui transforme les rues de la vieille ville en un musée en plein air où l’on peut découvrir au détour d’une rue une réalisation artistique originale et interactive harmonieusement intégrée au paysage urbain. Tout au long de l’année, selon la saison, de nombreuses activités sont à faire: du vélo le long de la Route verte qui travers la province de Québec, un tour au Parc de la Chute-Montmorency, de belles promenades, des randonnées et plusieurs autres.
L’expérience des Relais & Châteaux
L’auberge Saint-Antoine se distingue par son approche unique. Affiliée Relais & Châteaux depuis 2005, l’établissement correspond en tout point aux valeurs véhiculées par la prestigieuse association. À travers le monde, Relais & Châteaux c’est plus de 580 établissements répartis dans 60 pays où profiter d’escapades gastronomiques et hôtelières d’exception. Parmi les 11 membres Relais & Châteaux au Canada, quatre d’entre eux se trouvent au Québec, dont l’auberge Saint-Antoine. Avec une philosophie qui repose sur une recherche constante d’excellence, chaque établissement fait plonger le visiteur dans le terroir et la culture de son lieu d’implantation. À travers le Canada, on retrouve le magnifique Wedgewood Hotel & Spa à Vancouver, le Post Hotel & Spa au Lac Louise ou encore le Wickaninnish Inn à Tofino, pour ne nommer que ceux-là!
Contrairement à d’autres établissements affiliés Relais & Châteaux au Québec, qui offrent une expérience champêtre où les activités se déroulent principalement sur le domaine, l’Auberge Saint-Antoine propose grâce à sa situation géographique, une expérience urbaine. Ceux qui souhaitent profiter des avantages de cet établissement régi par le haut standard des Relais & Châteaux y trouveront des services à la hauteur de leurs attentes, notamment une salle de gym, un centre de bien-être avec – fait non négligeable, des séances de yoga matinal pour les lève-tôt – le restaurant Chez Muffy, le bar Artefact et même une salle de cinéma qu’il est possible d’utiliser – si elle est disponible – pour visionner un film en famille ou entre amis.
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Une éclaboussure de café par ici, une jolie empreinte de main par là – nos vitres et fenêtres sont des aimants à saleté. Et il y a de fortes chances que vous nettoyiez mal les vôtres. Même si vous êtes une petite «madame Blancheville», il est facile de se retrouver avec des traces sur le verre, sans parler des restes de saleté et de débris que vous n’avez pas bien lavés.
Apprendre à nettoyer correctement les fenêtres n’est pas sorcier: il suffit de quelques astuces d’initiés pour bien effectuer le travail. Ajouter cette tâche à votre programme de nettoyage régulier, ainsi que le nettoyage de vos stores et rideaux sera un jeu d’enfant grâce aux conseils judicieux de Ken Fisk, directeur des services techniques d’une compagnie spécialisée dans le nettoyage de vitres et de gouttières.
Consultez nos guides de pro sur la façon de nettoyer la maison et ne faites pas l’erreur d’oublier de nettoyer toutes ces choses, alors qu’il le faudrait!
Comment préparer les fenêtres pour le nettoyage?
Ne mouillez pas vos vitres! Un peu de préparation contribuera grandement à s’assurer de ne manquer aucun endroit, tout en protégeant les stores et le rebord de fenêtre contre les dommages potentiels.
Ken Fisk recommande de suivre les étapes suivantes:
- Étendre une serviette propre et sèche sur le seuil pour recueillir les débris et empêcher l’eau de s’accumuler sur le bois.
- Fermer les persiennes (ou lamelles) des stores et les épousseter avant de les tirer vers le haut de la fenêtre.
- Retirer les revêtements de fenêtre en tissu, s’il y a lieu, afin qu’ils ne soient pas éclaboussés. Les secouer au fur et à mesure, ou mettre ceux qui vont à la machine dans la sécheuse pour un court culbutage sur le réglage de séchage à l’air. Cela enlèvera la poussière et permettra d’éviter qu’elle ne se redépose sur des vitres propres.
- Retirer les moustiquaires (en étiquetant chacune d’entre elles, afin de savoir à quelle fenêtre elle appartient) et les mettre de côté, dans un endroit sûr, pour le nettoyage.
- Balayer les toiles d’araignées et la saleté des cadres, des charnières et des rails. Ken Fisk dit qu’une brosse d’arbitre – oui, celle qui est utilisée pour balayer le marbre dans un stade de baseball – est plutôt pratique. Il s’avère que c’est la taille idéale pour pénétrer dans ces minuscules crevasses. Il faut toutefois s’assurer de toujours balayer à sec avant de mouiller les fenêtres pour empêcher l’eau de se mélanger à l’accumulation et de créer de la boue.
Comment laver les vitres intérieures?
Maintenant, il est temps de mouiller les fenêtres. Tout d’abord, il faut nettoyer l’intérieur des fenêtres en utilisant un nettoyant pour vitres commercial.
- Essuyer délicatement la vitre avec un chiffon humide. Cela humidifiera le verre tout en éliminant simultanément la couche supérieure de saleté meuble.
- Vaporiser un nettoyant à vitres sur la fenêtre. Lors de la pulvérisation, commencer vers le haut du verre et vaporiser une ligne étroite vers le centre. Éviter les bords ou les surfaces non vitrées, car ils peuvent être endommagés par une pulvérisation excessive. (Ces 5 nettoyants maison pour les vitres fonctionnent vraiment!)
- Utiliser une serviette sèche et non pelucheuse, idéalement un chiffon en microfibre, pour laver la vitre, en étalant la solution. Cela fonctionnera mieux que les serviettes en papier, qui peuvent laisser des peluches.
- Appliquer une légère pression sur toute crasse tenace et collée.
- Une fois que toute la saleté est enlevée des fenêtres, il est temps de les sécher. En travaillant de haut en bas pour éviter les gouttes, sécher le verre avec une raclette ou une serviette propre, sèche et non pelucheuse.
- Utiliser une partie sèche du même chiffon pour essuyer le nettoyant qui s’est accumulé sur les bords où le verre rencontre le cadre.
- S’il reste des traînées, passer sur la zone dans un mouvement circulaire, en les éliminant avec un chiffon frais, sec et non pelucheux.
Comment laver les vitres sans laisser de traces?
Des traînées peuvent apparaitre pendant le processus de séchage, il est donc important de faire attention à la façon dont on sèche le verre. «La clé est de toujours travailler de haut en bas, dit Ken Fisk. Sinon, l’eau ruissellera sur la fenêtre propre, laissant des traces».
- Vaporiser au fur et à mesure. Selon Ken Fisk, «l’erreur la plus courante est de laisser la solution sécher sur la fenêtre». Il faut se concentrer sur le nettoyage d’une fenêtre à la fois.
- Garder toujours la lame de la raclette ou la serviette en contact avec le verre.
- Opter pour la méthode S au lieu d’essuyer en lignes droites. Ken Fisk dit que la méthode S, ou pivotante, «est plus rapide que la plupart des autres méthodes» parce qu’on couvre plus de surface plus rapidement – et cela signifie qu’il y a moins de chance que le verre sèche à l’air, ce qui provoque des traînées. En partant du haut, déplacer la serviette ou la raclette sur le verre comme si vous écriviez la lettre S. Chaque passage ramènera l’eau ou le nettoyant vers le centre, où vous le récupérerez ensuite lors du prochain passage incurvé.
Comment laver les vitres extérieures?
Bien que les fenêtres extérieures semblent intimidantes, elles sont bien plus faciles à laver qu’elles n’en ont l’air. Un tuyau d’arrosage peut effectuer le travail afin d’éviter d’essuyer minutieusement chaque vitre. Pour nettoyer les fenêtres extérieures, il suffit de remplacer la gâchette de pulvérisation actuelle sur le tuyau par une buse de pulvérisation à haute pression et un cylindre de distribution de solution.
Verser un peu de savon à vaisselle liquide dans le récipient et utiliser l’un des modèles de pulvérisation pour un lavage de vitres digne des professionnels.
- Fermer toutes les fenêtres.
- Vaporiser le verre avec un tuyau d’arrosage (en exerçant une légère pression) pour enlever la première couche de saleté.
- Pour frotter doucement les débris des fenêtres qui ne sont pas atteignables facilement, utiliser une perche télescopique qui tourne et s’étend avec des chiffons en microfibre à la tête.
- Régler le pulvérisateur pour rincer la solution de nettoyage des vitres avec un jet plutôt faible pour éviter les éclaboussures.
- Essuyer la vitre avec une raclette télescopique. Entre les passages, sécher la lame en caoutchouc de la raclette avec un chiffon propre pour éviter les résidus.
Truc de grand-mère: Vissez une bouteille de solution de nettoyage pour vitres d’extérieur (style Windex) sur votre tuyau d’arrosage et vaporisez la vitre. Dévissez ensuite la verseuse, revissez la buse de pulvérisation et rincez à l’eau claire. Pas besoin de frotter ou de sécher! Jetez un œil à nos autres trucs de grand-mère pour nettoyer la maison.
Comment nettoyer les moustiquaires des fenêtres?
Il ne faut jamais oublier les moustiquaires! En les nettoyant, il y aura moins de poussière, de saleté et de pollen qui entrera dans la maison lorsque les fenêtres sont ouvertes. Pour le faire correctement, il faut les retirer et se souvenir de leur emplacement. «Assurez-vous de conserver les moustiquaires dans les bonnes fenêtres», précise Ken Fisk, «car les moustiquaires pourraient ne pas être aussi étanche dans d’autres cadres.»
Puis, il suffit de suivre ces étapes:
- Retirer les moustiquaires.
- Épousseter légèrement les moustiquaires avec une brosse à poils doux.
- Utiliser un tuyau d’arrosage, placé sur un jet doux, pour mouiller l’écran. (Les jets à haute pression peuvent endommager le maillage délicat.)
- Laver délicatement les moustiquaires avec une éponge savonneuse. Il est conseillé de dissoudre 1 cuillère à thé de savon à vaisselle liquide dans 6 tasses d’eau tiède. (Voici 12 autres produits faits maison pour le nettoyage).
- Rincer abondamment à l’aide d’un tuyau d’arrosage, encore une fois avec un léger jet.
- Laisser l’écran sécher complètement à l’air. Le retour d’une moustiquaire humide à votre fenêtre introduit de l’humidité qui peut endommager le cadre de la fenêtre.
- Une fois sec, fixer de nouveau la moustiquaire dans la bonne fenêtre.
Le meilleur remède maison pour laver les vitres?
L’ingrédient de nettoyage de vitres le plus efficace se trouve probablement dans le fond du garde-manger: le vinaigre blanc distillé.
La designer d’intérieur Jen Stark a sa petite recette maison:
Dans un vaporisateur propre, mélanger 2 tasses d’eau avec 1/4 tasse de vinaigre blanc et 1/2 cuillères à thé de savon à vaisselle liquide. «La teneur en acide du vinaigre peut facilement trancher la saleté, la graisse et l’accumulation de crasse sur vos fenêtres», explique-t-elle. Pst! N’oubliez pas d’étiqueter la bouteille afin de savoir quelle solution se trouve à l’intérieur. À propos, voici 85 autres trucs méconnus à essayer avec du vinaigre.
À quelle fréquence devez-vous laver les vitres?
Ken Fisk recommande de nettoyer les fenêtres, intérieures et extérieures, deux fois par année. Cependant, il note que les fenêtres extérieures peuvent bien sûr nécessiter des retouches ou des lavages supplémentaires. Une vitre sur le bord de la route par temps pluvieux se salira plus rapidement que celle placée en hauteur.
Ces 19 choses doivent être nettoyées chaque mois dans la maison. Le faites-vous vraiment?
Les erreurs de nettoyage des vitres à éviter
- Prendre une serviette pelucheuse. Impossible d’obtenir une fenêtre étincelante avec des résidus de peluches. Les serviettes en papier peuvent laisser derrière elles des boules de papier qui se désintègrent. Et les chiffons non-microfibres déposent des peluches. Les miroirs et les fenêtres font partie de ces 12 choses qui ne devraient jamais être nettoyées avec un essuie-tout.
Petit conseil: évitez d’utiliser un assouplissant lors du lavage des chiffons en microfibre. L’adoucissant enrobe les fibres, les rendant beaucoup moins absorbantes et beaucoup plus sujettes aux rayures.
- Utiliser trop de solutions de nettoyage. Beaucoup de gens croient à tort qu’ajouter du produit nettoyant lavera davantage, mais en fait, c’est l’inverse. Plus il y a de solutions, plus il y aura des traînées. Vaporiser graduellement est la meilleure manière de laver des vitres.
- Oublier de nettoyer la raclette ou de prendre un chiffon propre. Essuyer la lame en caoutchouc de la raclette entre les passages et remplacer les serviettes de nettoyage est essentiel. Sinon, la saleté sera essentiellement étalée sur vos fenêtres.
- Laver vos vitres par une journée ensoleillée. La chaleur du soleil évapore l’eau avant d’avoir la chance de l’essuyer, donnant de très mauvais résultats.
Maintenant que vous savez comment laver les vitres, découvrez la bonne façon de nettoyer votre four et votre micro-ondes.
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Sous un ciel étoilé de mille feux au-dessus du lac Manatee en Floride, l’homme traverse l’eau noire en dos crawlé. Épuisé et frustré par son peu de progrès, il nagera toute la nuit s’il le faut. Soudain, il sent une présence qui lui donne la chair de poule. Il se redresse dans l’eau, jette un regard à sa gauche. À moins d’un mètre de lui se découpe la silhouette facilement reconnaissable de la gueule d’un alligator. Ses yeux aux pupilles fendues luisent d’un éclat jaune sous la lumière du ciel. L’homme roule sur le ventre et étend les bras pour nager, mais l’alligator attaque, saisit son avant-bras droit dans sa gueule, enroule son corps puissant et brise le bras de sa proie au niveau du coude. Pendant un moment, lors de ce drame vécu, le monde devient noir. Puis, tenant toujours fermement sa prise, le reptile plonge, cherchant à noyer sa victime dans les profondeurs silencieuses du lac…
Pour Eric Merda, les deux dernières semaines n’avaient été qu’une longue et folle lutte contre Dieu. La vie de ce père de 7 enfants, âgé de 43 ans, avait toujours était faite de batailles – combat contre la dépendance, bagarres de rue, ennuis avec la justice –, mais depuis quelque temps, il y voyait plus clair. Il avait fini par accepter que sa relation avec la mère de 5 de ses enfants fût terminée. Il avait également compris qu’il entretenait de mauvaises fréquentations. Intelligent, créatif et spirituel, un «mec bizarre» selon ses propres termes, il se savait sur la mauvaise pente. Dieu lui commandait de mettre de l’ordre dans sa vie et de se montrer à la hauteur des dons qu’il lui avait faits.
Il s’était donc lancé dans une sorte de quête ascétique. Le jour, il travaillait d’arrache-pied sous le soleil de Floride, dans et autour de sa ville de résidence de Bradenton, à installer et réparer des systèmes d’arrosage automatique comme il le faisait depuis 25 ans. Le soir, il vagabondait et explorait. Pour la première fois, ni femme ni enfants ne l’attendaient à la maison.
Il passait la plupart de son temps libre à la plage de Siesta Key, où il se lançait des défis audacieux: quelle distance suis-je capable de parcourir à la nage dans l’océan la nuit ? Combien de temps puis-je flotter sur le dos, la tête en arrière et les yeux immergés dans l’eau salée ? Depuis un moment déjà, il naviguait sur la mince frontière entre embrasser la vie et flirter avec la mort.
Parfois, il dormait à la belle étoile sur le sable de Siesta Key. Un matin, il s’est réveillé en découvrant des ordures éparpillées sur la plage, et a senti que Dieu lui demandait de les nettoyer. Une fois la tâche effectuée, il a pris l’habitude de collecter les détritus partout où il en voyait, et pas seulement sur la plage.
Une mauvaise surprise
Le lundi 18 juillet 2022, Eric terminait en fin d’après-midi son travail dans les régions rurales du comté de Manatee. C’était le moment de partir en exploration. Près de l’intersection de deux routes de campagne secondaires, il aperçut un chemin de terre battue flanqué d’un panneau portant l’inscription «Campement de pêche du lac Manatee».
Il engage alors sa vieille camionnette blanche de fonction sur la piste, croisant une petite épicerie de campagne et des habitants en train de jouer au fer à cheval. Il arriva ensuite devant une rampe à bateau donnant sur le lac Manatee, un réservoir artificiel d’environ cinq kilomètres carrés, entouré de terres sauvages marécageuses. Apercevant des détritus s’amoncelant sur les bas-côtés, Eric sauta au bas de sa camionnette, laissant son téléphone et ses clefs à l’intérieur, et commença à ramasser les déchets pour former des tas.
Au bout d’un moment, une pensée le traversa: je vais regarder ce qui se trouve dans ces bois. Avec l’insouciance d’un écolier, il disparut entre les arbres et arriva bientôt devant un fourré de broussailles, ronces et plantes grimpantes. En apparence impénétrables, les taillis présentaient un défi intéressant. Il s’enfonça dans la végétation et lutta pour avancer. C’était épuisant, mais il s’obstinait. Lorsqu’il eut fini par émerger dans un bosquet d’orangers rachitiques, il était trempé de sueur, éraflé et fatigué. Il avait progressé dans les fourrés pendant des heures et ne rêvait maintenant que de retourner à sa camionnette et rentrer chez lui. Mais il ne savait plus où était le lac.
Il passa quelques heures de plus à errer dans les orangers, alignés en un quadrillage qui s’étendait à perte de vue. Aucun signe de civilisation. Le lac et sa camionnette ne se trouvaient certainement pas dans cette orangeraie, il retourna donc dans la forêt pour se retrouver bientôt à patauger dans une eau marécageuse. Ce marais semblait sans issue, mais il s’acharna des heures pendant que le soleil disparaissait à l’horizon. D’épaisses hautes herbes et ronces lui bloquaient le passage; la boue et l’eau emplissaient ses bottes. Il avait si mal aux pieds qu’il retira ses chaussures – mais les brindilles et les ronces lacéraient la plante de ses pieds. Il s’arrêta donc pour les enfiler à nouveau et tenta de s’orienter grâce au soleil, mais ne cessait de le perdre de vue. Chaque fois qu’il observait un repère ou choisissait une direction à suivre en ligne droite, il s’égarait encore quelques minutes plus tard.
La nuit commençait à tomber lorsqu’il finit par ressurgir sur les berges du lac. Là, de l’autre côté de l’étendue d’eau, se trouvait la rampe à bateau, désormais déserte, et un petit pont routier à environ 400 mètres de là. Il était épuisé, endolori et assoiffé. Retourner dans le marécage? Hors de question. Qui pouvait dire où il déboucherait? Il ne lui restait plus qu’à traverser le lac à la nage.
L’eau était étonnamment froide, surtout à mesure qu’elle devenait plus profonde. Eric s’est mis à décrire d’amples mouvements de nage vers l’autre rive, buvant l’eau du lac pour étancher sa terrible soif. Au bout de quelques minutes, il a compris qu’il n’y arriverait jamais avec ses vêtements. Il a tout retiré, laissant son uniforme de travail couler.
Il a continué de nager, mais un étrange courant le ralentissait. Bon nageur, il ne cessait pourtant de s’écarter de sa trajectoire. Il fixait la rampe à bateau, effectuait quelques brasses, relevait la tête et découvrait qu’il avait complètement dévié. C’était exaspérant, mais il refusait de s’emporter. Dans un combat à mains nues, celui qui entre dans la bataille en paniquant, sans maîtrise de lui-même, est celui qui perd. Le soleil disparut, remplacé par les étoiles, mais il luttait toujours, alternant entre dos crawlé et crawl.
C’est alors qu’il aperçut l’alligator. Avant de pouvoir amorcer un mouvement, avant de pouvoir se sauver, avant de pouvoir laisser échapper un cri, la créature avait frappé vive comme un serpent. Elle enfonça ses dents dans l’avant-bras d’Eric, le brisant au niveau du coude, et l’entraîna sous la surface. Luttant désormais pour sa survie, Eric saisi l’alligator à l’abdomen de son autre bras tout en battant des pieds pour ne pas se laisser engloutir au fond du lac.
L’homme et la bête ont refait surface et Eric a avalé une grande goulée d’air – mais tout aussi rapidement, l’alligator l’a ramené sous l’eau. La troisième fois, le saurien a fait ce que font les alligators: il a fait rouler son corps entier comme un tonneau en un vicieux coup de grâce, et Eric a senti la chair de son bras se déchirer et son membre s’arracher. La créature a disparu dans les ténèbres, emportant l’avant-bras.
La douleur n’était pas encore arrivée, seule la terreur dominait Eric, qui n’avait qu’une pensée: sortir de l’eau. Il a nagé furieusement, frappant l’eau de son moignon, et s’est échoué sur la rive, non loin de l’endroit où il était entré dans l’eau. Par miracle, la plaie saignait à peine ; l’alligator semblait avoir entortillé ses chairs en une sorte de garrot. Il s’est reposé un instant dans les herbes partiellement submergées, pantelant, avant d’apercevoir un gros arbre sur un terrain plus sec. Il s’est traîné jusque là – et a crié à l’aide au-dessus du lac désolé.
Puis il a pris conscience d’une chose: je suis le seul à pouvoir me sortir de là. Et je suis le seul à pouvoir arranger tous les autres aspects de ma vie. Il s’est adossé contre le tronc de l’arbre et a attendu l’aube. Lorsque la douleur est arrivée, elle était intense.
«Si tu choisis de mourir, tu choisis de mourir»
Au matin, Eric a aperçu deux avions. Chaque fois, il a grimpé dans l’arbre, agitant les bras et criant, en vain. Il était complètement nu, le bras droit arraché, sans aucun moyen de signaler sa présence. Il s’est remis à avancer dans les hautes herbes et a aussitôt perdu son chemin, errant en cercles. Il a décidé que son meilleur plan était de retourner dans l’eau et de patauger le long de la berge, en suivant la courbe du lac jusqu’à atteindre la rampe à bateau.
Mais cela aussi était presque impossible. Des troncs submergés, de hautes herbes, des buissons saillants et de soudains trous d’eau entravaient sa progression. Il hurla de douleur en trébuchant soudain sur un bâton qui s’enfonça dans le muscle exposé de son bras droit. Enfoncé jusqu’à la taille dans l’eau trouble, il jeta un regard en arrière: à environ 30 m de lui l’observaient les yeux protubérants de l’alligator, qui le suivait en silence. Il rejoint alors des eaux moins profondes et aperçoit les yeux de l’animal replonger sous la surface. Tout au long de cette interminable journée, alors qu’il avançait péniblement, la créature le traquait. Les méandres du rivage donnaient l’impression désespérante que la rampe à bateau était plus éloignée que jamais.
À la nuit tombée, il a rencontré une structure de béton sur le bord du lac, sans doute un élément du système de réservoir. Affamé, assoiffé et à l’agonie, il s’est péniblement juché au sommet, où il s’est allongé et endormi. Il s’est réveillé dans le noir, avec l’horrifiant constat d’être dangereusement proche de l’eau du marécage, son bras gauche pendant le long de la structure, offert comme un second morceau de choix. C’en était assez. Il voulait sortir du marais. Il voulait de la terre ferme.
Jusqu’ici, la vie et la mort éveillaient des sentiments ambigus chez Eric. Il pouvait désormais entendre Dieu le sermonner: «Bon. Après ça, je ne veux plus en entendre parler. Si tu choisis de mourir, tu choisis de mourir. Si tu choisis de vivre, eh bien bonne chance à toi, car ça ne va pas être facile.»
Il s’était toujours douté que sa conception de Dieu le ferait expulser de la plupart des églises: selon sa philosophie, puisque nous sommes tous créés à son image, il fait partie de chacun de nous, et chacun de nous fait partie de Dieu. Ainsi, avoir la foi revient à avoir foi en soi-même, et une dispute avec Dieu est une dispute avec soi-même. Et cela, il en avait assez.
Dans les ténèbres, il trébuchait en avant dans ce qui lui semblait être une étendue infinie d’herbes de trois mètres de haut, dont les racines s’enfonçaient dans une eau à hauteur des genoux. Il était à nouveau désorienté.
Le soleil s’est levé sur la troisième journée d’Eric Merda dans la nature. Bientôt le soleil de Floride s’est mis à accabler le marais de sa chaleur impitoyable. Un essaim de taons verts s’agglutinait autour de la blessure d’Eric, où le muscle à vif palpitait et l’os exposé luisait d’un éclat blanc. Le sol était si spongieux que même lorsqu’il ne se trouvait pas dans l’eau, il pouvait ramasser une poignée de terre de sa main valide, et une petite flaque d’eau sale emplissait le trou ainsi creusé pour s’abreuver. Grignotant de minuscules fleurs violettes qui poussaient dans le marais, il commençait à s’affaiblir, complètement épuisé et ensanglanté. Mais il avait pris sa décision.
Il avait choisi la vie, même si elle impliquait la douleur et la frustration d’une lutte éternelle. Chaque fois que la fatigue l’emportait, il aplatissait les hautes herbes pour en faire un matelas sur lequel dormir.
Il finit par trouver la terre ferme – une terre envahie de broussailles épineuses. Il avait le choix entre le marécage et ce mur infranchissable de ronces. Ce n’est qu’un peu de douleur, s’est-il encouragé. Tu ne t’en souviendras même plus lorsque ce sera passé. Il s’est donc traîné dans cet hallier, marchant parfois en crabe, lacéré et perforé, s’arrêtant de temps en temps pour se donner le courage de poursuivre.
Un passant à la rescousse
En fin d’après-midi, Eric aperçut le verre brun d’une bouteille de bière abandonnée dans la boue, comme un signe de civilisation. Il savait désormais qu’il était tiré d’affaire. À quelle distance peut-on bien lancer une bouteille de bière – 10 mètres? Cela signifiait qu’il se trouvait à cette distance environ de la route. Tu peux parcourir encore 10 mètres, s’est-il exhorté.
C’est ce qu’il a fait, et lorsqu’il est sorti du roncier, il titubait le long de la route, non loin de l’endroit pour faire demi-tour devant la rampe à bateau. De l’autre côté d’une clôture de fil barbelé, un homme se tenait debout près d’une voiture rouge.
«Hé! Hé!», a crié Eric.
L’homme a observé d’un air incrédule cet inconnu, nu à l’exception du sang et de la boue qui maculaient son corps.
«Qu’est-ce que vous faites là? s’est-il enquis.
— Un alligator m’a attaqué! a répondu Eric, en agitant son moignon. Vous auriez de l’eau?
— Nom de… Je n’ai pas d’eau, mais je vais vous en trouver.»
La clôture était le dernier obstacle entre lui et la civilisation. Eric en avait assez. Il s’est allongé dans les mauvaises herbes du côté marécageux de la séparation et a attendu les secouristes, qui couperaient la clôture et le transporteraient jusqu’à l’hélicoptère qui l’emporterait vers un nouveau chapitre de sa vie.
Quand un drame se tourne en leçon de vie
Eric Merda a passé près de trois semaines dans un hôpital de Sarasota. Sa blessure s’étant infectée dans le marécage, les chirurgiens ont dû retirer beaucoup plus que ce que l’alligator avait emporté, ne lui laissant qu’environ la moitié du bras. Qu’il ne se soit pas vidé de son sang semblait un miracle, selon les propres termes du survivant.
À l’hôpital, Eric a mangé comme un ogre et a demandé à un ami de lui apporter un plat qui ne figurait pas au menu de l’établissement: de croustillantes croquettes de viande d’alligator frite.
À sa sortie, il a tenté de retourner au travail. «Je suis encore capable de le faire, a-t-il déclaré, mais avec une seule main, c’est plus lent.» Conserver son ancien métier n’était pas pratique. Aujourd’hui, il tente donc de trouver un moyen de gagner sa vie tout en transmettant ce qu’il a appris. Faire du conseil? Enseigner? Écrire un livre pour enfants? Devenir conférencier? Ou humoriste?
Il veut pousser les gens à réfléchir: «Si un type malingre de Sarasota peut combattre un alligator à mains nues et s’en sortir, pourquoi ai-je peur de démarrer mon entreprise, d’aller à l’université ou d’obtenir un permis d’entrepreneur?»
Le chemin qu’il lui reste à parcourir ne sera pas facile. Mais cela fait partie de son accord avec Dieu. Parfois, il se sent impuissant, comme si ses rêves avaient l’air trop ambitieux, trop ridicules. Mais comme il l’affirme avec la sagesse d’un homme qui a livré bataille contre le divin: «L’idée que je puisse sortir vivant de ce marécage semblait également assez ridicule.»
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