À quand le véhicule électrique pour tous?
L’objectif véhicule électrique pour tous d’ici 2035 est-il réalisable? Nous posons la question à Josipa Petrunic, chercheuse en transport.
Le gouvernement fédéral s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de véhicules électriques. D’ici 2025, 10% des nouvelles voitures devront être électriques, et la vente de voitures thermiques sera interdite à partir de 2035. Où en sommes-nous?
Aujourd’hui, entre 3 et 4% des véhicules en circulation au Canada sont électriques. Les objectifs du gouvernement sont certes ambitieux, mais ils sont réalistes – à condition de procéder à quelques changements. Ces dernières années, nous avons surtout mis l’accent sur les subventions et autres incitatifs financiers: acheter un VE donnait droit à une déduction fiscale. C’était une pierre à l’édifice, mais cela ne suffit plus. Nous gagnerions à tarifer l’usage de la chaussée, une mesure très efficace mais politiquement difficile.
Retournez dans le passé en découvrant quelle était la voiture la plus populaire de l’année de votre naissance.
Vous songez aux péages routiers?
Oui. Il faudrait payer pour entrer dans une grande ville, et les VE bénéficieraient d’un tarif réduit ou de la gratuité. Au Royaume-Uni, le péage pour entrer à Londres est une réussite: les embouteillages ont diminué, il y a moins de voitures en circulation et la population emprunte davantage le transport en commun. Si nous voulons atteindre la cible fixée par l’Accord de Paris et sauver la planète, la situation n’évoluera pas si seules les personnes qui en ont les moyens roulent en VE.
Les VE, c’est mieux pour la planète. Mais dans quelle mesure?
À part faire moins d’enfants, le meilleur moyen de réduire notre empreinte carbone est de rouler dans une voiture zéro émission ou d’y renoncer.
Hormis le coût, la rareté des bornes de recharge est aussi un frein?
Il y en a assez aujourd’hui pour les VE en circulation, mais si nous visons l’adhésion populaire, il faudra en installer davantage. Sachez toutefois que la plupart des recharges se font à domicile: il suffit de brancher sa voiture la nuit pour pouvoir rouler le lendemain matin.
Rouler jusqu’où?
Tout dépend de la puissance de la batterie, qui varie d’un véhicule à l’autre. La capacité énergétique des batteries s’est améliorée. La Nissan Leaf 2015 parcourait environ 200 kilomètres sur une charge. Aujourd’hui, on oscille entre 250 et 300 km, assez pour le quotidien, mais pas encore pour filer sur l’autoroute et s’éloigner de la ville.
C’est un problème de taille quand on songe à notre enthousiasme national pour le voyage en voiture.
En réalité, 90% de notre vie au volant est consacrée aux courts déplacements – aller travailler, faire des courses au supermarché, assister à un match sportif. Il faut convaincre les Canadiens de choisir une voiture qui convient à leurs besoins quotidiens. Pour le reste, soit 10% de notre vie au volant pour une virée occasionnelle à la campagne, par exemple, on peut envisager la location ou un programme de covoiturage.
Avec le soutien de 335 compagnies, l’Association des fabricants de pièces automobiles a le projet de fabriquer un véhicule électrique 100% canadien. Est-ce un signe encourageant?
C’est emballant de voir que ces nouveaux projets suscitent l’intérêt et trouvent du financement. Je tiens toutefois à rappeler que le Canada fabrique des autobus électriques depuis plus de cinq ans. Ils ne sont pas aussi attrayants qu’une Tesla canadienne, mais si on veut parler de changement, l’avenir est au transport en commun. Les consommateurs achètent des voitures une à une, mais les Villes se procurent de grandes quantités de véhicules de transport en commun. Plutôt qu’à une augmentation timide, on assiste avec le transport public à une montée en flèche du recours aux VE.
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Josipa Petrunic est présidente et directrice générale du Consortium de recherche et d’innovation en transport urbain au Canada.