Mario Merola, artiste intemporel
Après une visite à l’École des beaux-arts de Montréal, Sélection du Reader’s Digest publiait en février 1952 un article portant sur l’approche esthétique des étudiants en art. Le jeune artiste sur la couverture du magazine est le peintre, sculpteur et muraliste Mario Merola, alors étudiant à l’École des beaux-arts. Nous avons rencontré l’artiste dans son atelier du quartier Ahuntsic à Montréal.
C’est à l’âge de quinze ans que Mario Merola est admis à l’École des beaux-arts de Montréal, en 1946. Il a comme professeurs Alfred Pellan, Stanley Cosgrove et Maurice Raymond, pour ne nommer que ceux-là. «Ce fut cinq années merveilleuses. Il y avait une synergie entre professeurs et étudiants, et pour moi ça a été une révélation. Encore aujourd’hui, le souvenir de cette période nourrit ma création.» Au cours de la dernière année passée à l’École des beaux-arts, Mario Merola participe à un concours et remporte le premier prix pour la création d’une murale ayant pour thème le Montréal historique, qui sera exposée en permanence au restaurant de l’hôtel de LaSalle.»
Maquette de la murale Montréal historique, qui sera réalisée au restaurant de l’hôtel de LaSalle et exposée en permanence.
En 1952 il obtient la bourse du gouvernement français – octroyée à un seul finissant de l’École des beaux-arts de Montréal chaque année – pour étudier la scénographie à l’École supérieure des arts décoratifs de Paris. «C’était la grande ville de Paris, avec ses musées et surtout, dans les rues on croisait fréquemment des artistes. C’est une ville dont je me souviendrai toujours. Petite anecdote: un jour je croise Fernand Léger sur la rue et, spontanément, je lui demande si c’est possible de visiter son atelier. Sans poser de question, il fait demi-tour et m’invite à le suivre. C’est ainsi que j’ai pu visiter l’immense atelier de l’artiste. Il y avait des peintures partout.» À l’époque, le jeune artiste ne se doute certainement pas que son atelier sera également, soixante-dix ans plus tard, immense et avec des peintures, des murales et des sculptures partout.
Mario Merola voyagera en France et en Italie. De retour à Montréal en 1953, il fréquente l’Atelier de la Place des Arts – ce local qui n’existe plus aujourd’hui était situé sur la rue De Bleury, en face de l’actuel Gesù. L’Atelier, alors dirigé par Robert Roussil, est fréquenté par d’autres jeunes artistes, comme Roland Dinel et Armand Vaillancourt. «On y allait pour créer et plusieurs outils et matériaux étaient mis à notre disposition.»
Entre temps, Mario Merola est embauché par la Société de Radio-Canada pour dessiner des costumes pour la télévision, un poste qu’il occupera pendant trois ans. Tout en travaillant à temps plein, il participe à un concours pour l’exposition universelle de Bruxelles et remporte le premier prix, parmi 351 artistes canadiens. La murale fut réalisée dans l’ancien atelier d’Alfred Laliberté sur la rue Sainte-Famille. «L’atelier de Laliberté était libre et j’ai eu la chance de pouvoir l’utiliser. J’avais préparé la murale en plusieurs pièces afin qu’elle soit démontable. Elle a d’abord été exposée à l’École des beaux-arts de Montréal, ensuite le gouvernement canadien s’est occupé de la faire transporter à Bruxelles où elle a fut érigée dans le restaurant du pavillon du Canada de l’Exposition universelle de 1958.» À la fin de l’Exposition universelle de Bruxelles, la murale fut rapatriée et pendant longtemps elle fut exposée dans le hall d’entrée du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa.
À l’époque, la Société de Radio-Canada n’accordant pas de congé sabbatique, l’artiste dû démissionner de son poste pour réaliser la murale. Il fallait ensuite retrouver du travail, et cela s’est finalement avéré une belle opportunité: «je suis allé voir des architectes et des ingénieurs en leur proposant d’intégrer mon travail d’artiste à leurs projets, ce qui a très bien fonctionné. Il y avait plusieurs projets de construction à l’époque et j’ai pu réaliser une centaine de murales.»
En effet, à partir de 1957 Merola réalisera de nombreuses murales intégrées à l’architecture. Notamment la magnifique mosaïque en verre brisé de l’aréna Maurice Richard (Les sports) et la murale abstraite située à l’entrée principale du centre Pierre-Charbonneau (La joie) en 1960. Ou encore, la murale (Rivières) réalisée lors de la construction de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) en 1974. La sculpture Kalena pour l’Expo 67 ou encore la murale sphérique – intitulée Horizons – fabriquée à base de porphyre orange, au métro Sherbrooke (1971).
En parallèle à sa carrière d’artiste, il s’implique dans l’évolution de l’art visuel au Québec. Membre de l’Académie royale des arts du Canada depuis 1967, il occupera le poste de professeur à l’École des beaux-arts dès 1959, ensuite à l’Université du Québec à Montréal à partir de 1969. Il fut tour à tour président de la Société des artistes professionnels du Québec (1967 et 1968), président de l’Association des sculpteurs du Québec (1972). Il donne plusieurs conférences sur les arts visuels, durant les années 1970 et 1980, notamment au Musée des beaux-arts du Canada, au Musée d’art contemporain de Montréal, à l’Université Won Kwang en Corée du Sud, ou encore au Centre d’art de Val-David.
Tout au long de sa carrière, il réalise de nombreuses murales, des reliefs et des sculptures pour des lieux publics et expose ses œuvres au Québec et à l’étranger – notamment à New York et à Paris. Il participe à plusieurs symposiums, en Italie et en Hongrie et se rendra au Japon pour réaliser des murales.
Mario Merola a toujours été très actif et son œuvre est fondée sur des explorations et des nouvelles approches, que ce soit en peinture, en sculpture ou dans la réalisation de murales. Il a remporté plusieurs prix et distinctions, en témoigne l’imposante bibliographie de ses œuvres.
Aujourd’hui encore, à 91 ans, il est toujours productif et se lève tous les matins aux aurores, inspiré par de nouvelles créations. Au moment de la visite de son atelier, il finalisait un nouveau relief – qui a pour titre Nuages – après trois jours de travail. «Comme je crois que le style en art vient de l’âme, je n’ai pas fabriqué un style en particulier pour le répéter pendant 50 ans. Je me suis toujours aventuré à risquer des approches nouvelles.»
La visite de l’atelier de l’artiste est possible sur demande. Pour communiquer avec Mario Merola, vous pouvez envoyer un courriel à l’adresse: [email protected]