Les Agneaux de l’Aube
Chaque mois, nous vous recommandons une œuvre littéraire et vous invitons à la lire et à la commenter.
LES AGNEAUX DE L’AUBE de Steve Laflamme
(32,95 $, LIBRE EXPRESSION)
De quoi ça parle?
Cela commence par une mort très violente. Et possédant, quand mise dans le contexte d’autres meurtres du genre, un caractère rituel. Voici pourquoi le lieutenant-détective Guillaume Volta, chargé de l’enquête, va faire appel à Frédérique Santinelli. Professeure de littérature qui a déjà donné un coup de pouce aux forces policières, cette dernière possède toutes les connaissances nécessaires pour décrypter une lettre laissée par l’une des victimes de cette «série» d’homicides hors-normes, possiblement inspirée par l’œuvre d’un homme de lettres ayant été membre de l’Ordre hermétique de l’Aube dorée.
Sauf qu’en plongeant dans ces eaux troubles, la jeune femme va éveiller ses propres démons. Ceux, cachés loin en elle, dont elle sait la présence mais ignore la nature: avec son accord, elle a autrefois subi un traitement qui lui a fait oublier les 18 premières années de sa vie et les raisons qui l’ont poussée à vouloir s’enlever la vie. Les traumas étaient tels qu’il en allait de sa santé mentale. Lui a-t-on dit. Mais soudain, les doutes pointent. Le désir de savoir aussi. La jeune femme se retrouve à marcher ainsi dans une nuit sans étoile ni lune, à la recherche de la lumière. Ou d’un trou noir. Au risque de se perdre pour mieux se trouver.
Pourquoi vous aimerez ça
Avec ses chapitres courts et son intrigue qui se pose ici sur Da Vinci Code de Dan Brown et là, sur Le silence des agneaux de Thomas Harris, pour faire son nid dans l’œuvre singulière de Steve Laflamme (Le chercheur d’âme, Sous un ciel d’abîme, Sans la peau), Les agneaux de l’Aube est de ces romans qui se déploient sur un rythme haletant et qui, malgré leur violence graphique, se lisent avec les yeux grand-ouverts non seulement sur les pages mais, aussi, sur l’écran. Impossible en effet de ne pas succomber à la tentation de faire des recherches en cours de lecture : l’Ordre hermétique de l’Aube dorée est-elle réalité ou fiction? Et ces hommes et femmes de lettres célèbres en ont-ils vraiment fait partie? À l’arrivée, des informations absolument fascinantes.
Et puis, il y a ces personnages créés par une plume précise qui ne craint pas de plonger dans l’imperfection des hommes et des femmes. Frédérique Santinelli qui essaie d’avancer en traînant ce boulet qu’est son passé. Guillaume Volta qui voudrait bien mais ne parvient pas, une fois au boulot, à faire abstraction de sa vie personnelle. Ces (anti) héros sont fatigués. Ils ne cesseront de bûcher pour autant.
Qui l’a écrit?
Quand il écrit, Steve Laflamme privilégie le côté sombre de l’humain, donnant ainsi dans le polar et l’horreur. Quand il enseigne, Steve Laplante opte pour le côté sombre de la littérature, laissant une bonne place aux romans policiers dans son corpus. Son enquêteur Xavier Martel a rencontré Frédérique Santinelli dans Sans la peau. Joie: il la place ici sous les projecteurs.
Extrait
La femme à l’écran avait les yeux si rouges que Frédérique Santinelli pouvait voir les veinules se ramifier dans toutes les directions et persiller sa sclère. Elle éternuait et portait un mouchoir à son nez plus souvent qu’elle ne parlait. Au moins, le rendez-vous en ligne permettait à Frédérique de voir sa bouche, un luxe de plus en plus rare depuis un an et demi.
— Si je comprends bien, finit par dire son interlocutrice virtuelle, vous avez une mémoire à tout casser.
— Je dirais une mémoire artificielle, rectifia Frédérique.
— Expliquez-moi ça.
(…)
— Je n’ai aucun souvenir d’avant mes dix-huit ans, renchérit Santinelli.
— Vraiment?
— J’ai vécu… un événement traumatisant qui m’a apparemment menée à l’hôpital pour un séjour de plusieurs mois. Du moins, c’est ce qu’on m’a appris, puisque je n’en ai gardé aucun souvenir. Quand je suis devenue majeure, on m’a, semble-t-il, convaincue qu’il valait mieux effacer mes dix-huit premières années. Pour remettre le compteur à zéro, en quelque sorte.
— Comment peut-on faire ça?
Santinelli se demanda si la question ciblait les enjeux éthiques d’une telle entreprise ou si elle en visait l’aspect technique. Elle choisit la plus simple des deux options.
— On m’a administré un inhibiteur de la protéine kinase. C’était un traitement expérimental visant les victimes de syndrome de stress post-traumatique.
À l’écran, la Dre Croteau fixait sa patiente d’un regard à la fois étonné et vaguement horrifié.
— J’ai signé l’accord, vous savez, précisa Santinelli. (…) J’ai longtemps considéré la possibilité de fouiller mon passé. Chaque fois, on me l’a déconseillé. (p. 13 à 15)
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