Le club du livre Sélection: La géographie du bonheur
Chaque mois, le magazine Sélection du Reader’s Digest recommande, à travers son Club du livre, une œuvre littéraire et vous invite à la lire et à la commenter.
La géographie du bonheur de Véronique Marcotte
(24,95$, Québec Amérique)
De quoi ça parle?
Jacques-Olivier, dit Jaco, est né à Montréal de mère haïtienne et de père québécois. Il n’a jamais mis les pieds en Haïti. Contrairement à Marine, sa conjointe, qui y a passé plus d’une année. Une longue séparation, mais ils s’étaient si bien retrouvés!
C’était alors. Aujourd’hui? Aujourd’hui, Jaco vient de tuer Marine. À sa demande à elle. Elle refusait d’être la femme que la sclérose latérale amyotrophique était en train de faire d’elle.
Maintenant, Jaco souffre. À cause du geste qu’il a posé. Et à cause de ce qu’il a découvert: celle dont il croyait tout savoir avait une vie secrète. Pendant son séjour en Haïti, Marine a eu un enfant. Une fille appelée Clara, qui a maintenant 14 ans.
Appuyé par sa voisine, journaliste à la retraite, et sous le regard d’une autrice en résidence d’écriture dans la perle des Antilles, madame V., Jaco va franchir le pas jusque-là infranchissable. Il va se rendre en Haïti. Pour essayer de comprendre.
Pourquoi vous aimerez ça
Rien de nouveau pour ceux qui ont déjà fréquenté ses écrits: Véronique Marcotte possède une plume belle, limpide et sensuelle. Elle la met ici au service d’un récit qui, dès ses premières phrases, se joue joliment du lecteur: l’autrice déplace les cartes, change le point de vue ou le narrateur… et plus rien n’est pareil. Il en va ainsi jusqu’à la fin du roman, où les revirements les plus inattendus prendront par surprise même les plus attentifs.
Flirtant avec l’autofiction – madame V., c’est elle –, Véronique Marcotte s’est laissé inspirer par ses séjours en Haïti, par son amour de la perle des Antilles et du peuple haïtien. Un amour que l’on sent à travers le texte et dans les personnages qui le portent et le livrent, tout en n’étant pas sans failles. La peur pointe parfois, de même que la colère et la violence. La géographie du bonheur est un texte lumineux autant qu’il est tragique. Comme Haïti. Et de ce contraste naît la beauté.
Qui l’a écrit?
Véronique Marcotte, qui a publié sept romans et participé à trois recueils de nouvelles, a plusieurs cordes à son arc: elle est autrice, metteure en scène, scénariste, animatrice d’ateliers d’écriture et de tables rondes. Elle a aussi le don de donner à ses écrits des titres qui font image – que l’on pense à De la confiture aux cochons ou à Les revolvers sont des choses qui arrivent.
Extrait
La colère de Jaco s’apaise, mais pas complètement.
Il en veut tout de même à Marine. Il lui en veut d’être partie en Haïti, de lui avoir menti sur les raisons qui la faisaient rester là, d’avoir abandonné une enfant qu’elle avait mise au monde, d’être rentrée en gardant le silence sur cette histoire immense, d’avoir continué comme si de rien n’était. Il en rajoute, Jaco. Me demander de te tuer, t’arranger pour que je trouve le cahier, croire que je pouvais vivre avec ça tranquillement, me laisser sur le bord du fossé avec ta mort et ta fille sur la conscience… Jaco crie assez fort dans la chambre d’hôtel pour que sa voix parcoure le fleuve et se rende jusqu’au pont. […]
Jaco déteste l’avenir.
[…] Jaco marche dans l’espoir de croiser un bar dans lequel s’engloutir, mais c’est sous le pont Jacques-Cartier qu’il aboutit. Paysage à la fois libre et désolant, les campements de fortune épars côtoient le pont illuminé. (p. 71)
Venez nous parler
Rendez-vous sur notre groupe Facebook, Le club du livre Sélection, pour discuter de La géographie du bonheur avec les membres de notre club de lecture et Sonia Sarfati. Haïti est une terre riche en gens de lettres: Dany Laferrière, Rodney Saint-Éloi, Frankétienne, Marie-Célie Agnant, Stanley Péan, etc. Lesquels avez-vous lus? Qu’appréciez-vous particulièrement de leurs écrits?