La désidérata: les secrets des destins tragiques
La désidérata est un conte, pour adultes profond, mais cruel et beau à la fois. Découvrez les secrets des désidératas, ces femmes au destin tragique.
De quoi ça parle
À une époque indéterminée et dans une contrée imaginaire où se côtoient des régions appelées Hauts-Pays, Arrière-Pays, Centre, Ouestan, Finistax, etc., se trouve le village de Noirax. Dans le village de Noirax se trouve le domaine de la Malmaison et son manoir. Dans le domaine de la Malmaison se trouve aussi, abandonnée, négligée, la Maison aux Parfums. L’abandon, la négligence ne sont pas un hasard en ces lieux où les secrets de famille s’accumulent depuis des générations telle la poussière sur les meubles. Et ces secrets ont des noms. Celui des désidératas. Ces femmes au destin tragique qui ont vécu au Manoir, qui ont aimé dans la Maison, qui ont disparu.
Arrive alors Aliénor, «un nom devant lequel s’incliner». Elle offre ses services d’éleveuse et de cultivatrice. Elle cherche aussi des réponses. Elle veut ôter le bâillon sur l’histoire de celles qui sont passées et ont disparu du monde – mais pas des mémoires. Porterait-elle également la vengeance? Peut-être. Pourquoi, alors? Autour d’elle, un père, un fils et des esprits – ceux des désidératas – aux rôles tout sauf anecdotiques.
Pourquoi vous aimerez ça
La désidérata est un conte. Un conte pour adultes. Un conte à la fois cruel et beau, comme les contes savent l’être. Profond comme les contes, riches dans et entre leurs lignes, savent l’être. Il y a de La Barbe Bleue dans cette histoire, pour le destin tragique des femmes. Il y a du Hansel et Gretel, du Gretel surtout, pour l’enfant abandonnée dans la forêt.
Mais à tout cela, et c’est déjà beaucoup, Marie Hélène Poitras ajoute une musicalité qui s’étale partout et pas seulement dans les paroles de chansons traditionnelles qui résonnent ici et là, beaucoup moins innocentes qu’on ne le pense; et une sensualité qui s’étend à tous les sens. Le goût et l’odorat sont ici sollicités comme ils le sont rarement. La vue également, tant les couleurs explosent dans les mots de l’autrice; le toucher, comme si les pages portaient le grain des peaux; et l’ouïe, qui répond au chant des oiseaux et à celui des fontaines. Un roman beau en contenant et en contenu, que l’on aimera lire et à propos duquel, après, il fera bon discuter.
Qui l’a écrit
Marie Hélène Poitras a fait une entrée remarquée en littérature avec le percutant Soudain le Minotaure (2002), qui lui a valu le Prix Anne-Hébert. La désidérata nous arrive neuf ans après Griffintown (Prix France-Québec). Il tombe à merveille, avec ses tables chargées et ses menus goûteux: on était affamés d’elle.
Extrait
Héléna s’avança vers la fontaine et, la contemplant, posa la main sur sa hanche, puis dégagea sa nuque de la lourde chevelure embaumant le laurier. Consumé de désir, le père la dévorait des yeux. Elle était d’une beauté ardente que la déesse sculptée dans le marbre, dans sa magnificence, ne pourrait jamais traduire.
Après une battue féconde lors de laquelle la corne de chasse sonna onze fois, on fit griller les sangliers à la broche. On déboucha les grands crus et autres bouteilles millésimées. (…) Alors que tous mangeaient et buvaient, s’emplissant la panse à l’éclater, Héléna s’avança vers la fontaine, médusée. Elle trouva l’eau si belle, qu’elle y plongea le pied. Dans la mer Basse, à bord d’une embarcation qui filait dans la nuit vers l’île Rose, le sculpteur mit au même moment un pied à l’eau puis se laissa couler tout entier.
Au petit matin, Héléna fut retrouvée gisant dans l’eau du bassin, aussi belle que la veille, aussi morte que muette, noyée dans le plus somptueux des tombeaux.
Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai.
Venez nous parler
Rendez-vous sur le groupe Facebook, Le club du livre Sélection, pour discuter de La désidérata avec les membres de notre club de lecture et Sonia Sarfati. Lequel de vos sens a été le plus sollicité par ce court roman? Avez-vous eu faim? Avez-vous été éclaboussé par les couleurs?
La désidérata de Marie Hélène Poitras, 24,95$, éditions Alto