Flots, de Patrick Senécal: la petite fille qui faisait peur
Florence, une petite fille de 8 ans reste muette quand on évoque la disparition de ses parents. Mais le monstre va bientôt surgir…
De quoi ça parle
Elle s’appelle Florence. Elle a 8 ans. Elle vit avec son papa et sa maman. Elle suit des cours de piano. À l’école, ça va, surtout en français. Pas de quoi écrire un roman, quoi! À moins de s’appeler Patrick Senécal et de s’amuser à gribouiller sur ce portrait de famille.
Quand on la rencontre, Flo est seule chez elle. Sa tante, inquiète de ne plus avoir de nouvelles depuis quelques jours, cogne à la porte, puis entre dans l’appartement. La fillette reste muette. Elle ne répond pas aux questions. Elle a une égratignure sur le visage. Et… Et voilà. Où sont ses parents? Que s’est-il passé? On le découvre petit à petit, à travers les pages du journal intime que l’enfant tient avec un soin maniaque. Maniaque, le mot est là. Flo va toujours au bout de ses entreprises. Bon, il y a ce bruit, parfois, dans sa tête, quand elle fait «des choses». Mais ce n’est pas grave. Florence en est persuadée. Pourquoi? Pour la meilleure des raisons: parce que.
Pourquoi vous aimerez ça
Des adultes «en vedette» dans les thrillers et les romans d’horreur, on s’attend au pire. On l’espère presque, ainsi le veut le genre. Mais créer, construire et faire agir un psychopathe ayant cet âge que l’on dit tendre est une autre paire de manches. Pour le lecteur, l’expérience peut ébranler. En fait, dans le cas de Flots, on enlève le «peut». Cette lecture ébranle. On en sort hanté. Dans ce nouveau titre, Patrick Senécal exacerbe la tension et joue dans des eaux rappelant celles où il nous avait entraînés dans Les sept jours du talion. Ces eaux dans lesquelles Lionel Shriver nous avait poussés dans Il faut qu’on parle de Kevin. Les pires monstres sont humains. Et quand ils sont enfants, c’est… inhumain.
Flots n’est pas un roman aimable. Mais l’expérience est fascinante: le romancier est parvenu à se glisser dans la tête d’un monstre d’une espèce rare (espérons!) et il parvient à nous y faire croire. Jusqu’à la dernière ligne, comme un coup de poing au ventre de ceux qui connaissent cette œuvre que, brique après brique, il est en train de construire.
Qui l’a écrit
À ses débuts, on l’a surnommé le «Stephen King québécois» mais il a depuis dépassé le stade des comparaisons. C’est un maître de l’horreur à part entière. Une vingtaine de romans totalisant plus d’un million d’exemplaires vendus, trois adaptations cinématographiques et une en bande dessinée, une série télé, un balado, ça vous fait une réputation! Il la mérite.
Extrait
Maman m’a demandé si j’avais envie de regarder un film d’horreur avec elle sur Netflix. Elle était excitée et elle parlait fort parce qu’elle était soûle. Je connais ce mot-là parce que papa lui dit des fois. (…) J’aime ça, les films d’horreur. Quand quelqu’un meurt avec tout le sang qui sort de lui, c’est dégueu, mais en même temps, c’est le fun, je ne sais pas pourquoi. Maman est toujours contente quand c’est un méchant qui meurt, mais elle est toute triste quand c’est un gentil. Moi, ça ne change rien. Même si la personne est gentille ou méchante, elle meurt pareil, alors ça ne change rien. Des fois, ils ont mal beaucoup quand le sang sort d’eux autres, surtout quand on leur arrache un bras ou une jambe ou une autre affaire, mais pas quand on leur coupe la tête parce que là, ils meurent tout de suite. Une tête ne peut plus vivre si elle est coupée, c’est comme ça. Alors quand on leur arrache quelque chose ou quand on sort plein d’affaires dégueu de leur ventre, là, ils crient, ça a vraiment l’air de faire mal, ça ne doit vraiment pas être le fun. Mais comme c’est pas à moi que ça arrive, ce n’est pas grave. (p.16)
Venez nous parler
Rendez-vous sur le groupe Facebook, Le club du livre Sélection, pour discuter de Flots avec les membres de notre club de lecture et Sonia Sarfati. Parmi tous les types de romans d’horreur, lequel préférez-vous? Psychologique? Gore? Fantastique? De science-fiction?
Flots, de Patrick Senécal, 27,95$, éditions ALIRE