Avec ses 18 saisons, la populaire série composée de drame, de romance et de termes médicaux a touché plusieurs générations. Mais connaissons-nous vraiment la réalité du monde médical après avoir visionné la série Grey’s Anatomy? Nous avons discuté avec des professionnels de la santé pour nous éclairer sur la question.
Hiérarchie entre les médecins
La hiérarchie entre les médecins et les stagiaires est assez similaire à celle du personnel hospitalier du Québec. Par contre, les titres officiels des médecins peuvent créer une confusion. D’abord, nous avons un chef au département de chirurgie. Il est le grand patron. Ensuite, nous avons les médecins spécialisés, puis les résidents qui gardent les mêmes termes dans les deux langues.
Les résidents sont toujours accompagnés par les médecins spécialisés pendant les opérations. Ils sont officiellement des docteurs, mais doivent finir leur résidence de six ans à l’hôpital avant de devenir un médecin spécialisé indépendant. Aussi, pour devenir résident, il faut absolument avoir une spécialité (par exemple, la neurochirurgie ou la chirurgie plastique).
C’est au niveau du terme «stagiaires» que ça devient plus complexe. Il est plus courant de les appeler des «externes» au Québec. Ils sont toujours des étudiants en médecine qui doivent être supervisés en tout temps. Ils ne peuvent pas prescrire de médicaments, contrairement aux médecins.
Fermer un seul étage pendant un code noir
Dans un épisode de la saison deux, l’équipe du bloc opératoire est complètement bouleversée lorsqu’un code noir est annoncé. Ça signifie une menace extrême (bombe ou personne armée, par exemple). Dans l’émission, le stagiaire Alex Karev découvre qu’un homme a accidentellement reçu les munitions d’un bazooka dans son corps. Le moindre mouvement peut donc les faire exploser. Comment se déroule la procédure pour un tel code, au Québec?
Dans l’émission, l’équipe ferme l’étage. Au Québec, les hôpitaux vont évacuer le bloc opératoire au complet, qui est établi sur plusieurs étages. Ce détail était peu réaliste. En revanche, «chaque procédure est différente, et il n’y a généralement pas d’évacuation complète de l’établissement», affirme le Dr Mathieu Laroche, neurochirurgien à l’hôpital Sacré-Cœur de Montréal et directeur du programme de neurochirurgie à l’Université de Montréal.
Heureusement, le Dr Laroche n’a jamais eu à vivre un code noir depuis le début de sa carrière, en 2010.
Quels sont les premiers répondants au code bleu?
Le code bleu signifie l’arrêt cardiaque d’un patient. Les procédures de ce code dans l’émission sont assez similaires à celles qui sont suivies dans la réalité: tout le monde arrive en même temps. Les premiers répondants sont ceux qui étaient déjà sur place, que ce soit un médecin ou une infirmière (bien que souvent, ce soient les infirmières ou les préposés qui y sont en premier). C’est d’un travail d’équipe.
Petit détail un peu moins réaliste: un médecin spécialisé viendra rarement réanimer une personne. Catherine Dubois, infirmière à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, précise qu’on ne verra jamais un neurochirurgien, par exemple, réanimer un patient. Malgré leur permis qui les autorise légalement à le faire, ils préfèreront appeler un autre consultant, sauf s’il s’agit d’une extrême urgence.
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S’attacher à ses patients…
Dans Grey’s Anatomy, les stagiaires et les médecins s’attachent beaucoup à leurs patients. C’est aussi le cas dans la vraie vie. «C’est sûr qu’on s’attache à nos patients», souligne Dr Laroche, «je les vois pendant des années, et parfois, je les accompagne jusqu’à leur mort.» C’est donc normal et humain de s’attacher à ses patients, tant que tout le monde respecte une distance professionnelle. «Peu de mes patients ont mon numéro de téléphone, par contre», dit-il en riant.
Toutefois, certains membres du personnel de la série télévisée s’impliquent un peu trop: Izzie Stevens, une des stagiaires, ira jusqu’à se fiancer avec l’un de ses patients, Denny Duquette, qui va mourir quelques heures après son opération. Mais est-ce que ce genre d’attachements interdits se produisent aussi ici?
Dans le code de déontologie du Collège des médecins du Québec, il est interdit de fréquenter ses patients, au risque d’être révoqué de ses fonctions. «Ce n’est pas éthique, et ça serait assez exceptionnel», affirme Pierre-David Gagné, infirmier clinicien au bloc opératoire de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal.
Izzie Stevens, qui a d’abord été congédiée, a pu revenir après quelques épisodes pour continuer sa carrière. Ceci est bel et bien un mythe de la série puisque si l’on se fie aux conditions en vigueur au Québec, elle ne pourrait plus pratiquer la médecine.
Mathieu Laroche, Pierre-David Gagné et Catherine Dubois disent tous n’avoir jamais vu un cas de romance entre patients et médecins dans leurs hôpitaux respectifs.
La romance est bien réelle entre partenaires de travail
Grey’s Anatomy étant une émission dramatique, on comprend que les producteurs ont ajouté leur touche personnelle au niveau de la romance. Et puisque les médecins sont toujours au travail, ils finissent par se côtoyer entre eux. Nous pouvons penser à Meredith Grey et Derek Shepherd, ou Christina Yang et Preston Burke, par exemple. Tout le monde se fréquente, et cette réalité n’est pas si loin que celle d’ici.
«Ça arrive aussi ici, beaucoup même je dirais», dit l’infirmier Pierre-David Gagné. «Je connais peu d’infirmiers qui ne sont pas avec des infirmières», ajoute-t-il. Après tout, il sait de quoi il parle: M. Gagné et Mme Dubois se sont rencontrés à l’hôpital Santa Cabrini, à Montréal, et ils sont fiancés depuis 2011!
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Les externes ne peuvent pas opérer, seuls
On remarque que plusieurs stagiaires dans l’émission ont effectué des chirurgies, ou du moins des manœuvres importantes, sans avoir terminé leur stage. On pense notamment à George O’Malley, qui a effectué d’urgence une opération au cœur, coincé dans un ascenseur. Christina Yang a aussi fait ce genre d’opérations, sous la supervision de son amoureux de l’époque, le Dr Burke. Les externes du Québec pourraient-ils faire la même chose?
«Les externes sont toujours accompagnés», nous rassure Dr Laroche. «C’est sûr que ça peut arriver, surtout dans des cas extrêmes», ajoute le neurochirurgien, «mais ce n’est pas souhaitable».
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Les médecins annoncent les mauvaises nouvelles
Annoncer un décès à la famille proche n’est jamais une tâche facile. Dans l’émission, ce sont souvent les médecins ou les stagiaires qui doivent s’en occuper. Est-ce que ça se passe de la même façon au Québec? Eh bien oui. Les médecins sont généralement ceux qui annoncent les mauvaises nouvelles, mais les infirmières peuvent être présentes pour donner plus d’information. Les externes et les résidents peuvent aussi le faire, sous la supervision d’un médecin.
Les médecins en congé de maladie, à leurs frais
À la saison deux, le chirurgien spécialisé en cardiologie Preston Burke est victime d’une balle par un tireur. Il revient au travail après seulement quelques épisodes. Ce retour assez rapide était-il suffisant? A-t-il eu des ressources pour aider ce retour?
«En tant que travailleurs autonomes, tous les médecins ont des congés de maladie à leurs comptes», explique le neurochirurgien Mathieu Laroche. Ainsi, tout congé ou séance chez le psychologue après une expérience traumatisante est à leurs frais. Un programme d’aide aux médecins du Québec existe, mais les médecins qui souhaitent l’avoir doivent faire une demande.
Il est donc moins surprenant de voir le Dr Burke revenir aussi rapidement, puisque tout était à ses frais.
Les infirmières, de leur côté, sont pour la plupart syndiquées. Ils ont donc des congés de maladie attribués chaque année.
Les hôpitaux ne soignent pas des animaux
Un hôpital n’est pas une clinique vétérinaire, c’est clair pour l’infirmier Pierre-David Gagné. Pour les producteurs de l’émission, ça peut pourtant arriver. Au début de la quatrième saison, la Dr Izzie Stevens décide de soigner un chevreuil après qu’un petit garçon l’ait supplié de le faire. «Pour moi, cette scène était irréelle», explique-t-il. «On ne fait pas ça, soigner des animaux». Selon lui, c’était un manque de réalisme absolu.
Grey’s Anatomy n’est pas la seule série qui contient des éléments peu réalistes. La série The Crown est tout aussi coupable. Voyez comment on vous démêle le vrai du faux concernant cette série basée sur la famille royale britannique.
Les hôpitaux ne sont pas seulement occupés par les docteurs…
Même si l’histoire de Grey’s Anatomy repose surtout sur les péripéties des stagiaires et des médecins, plusieurs ont remarqué un manque de réalisme. «On voit juste des docteurs, tout le temps, qui s’occupent de tout», dit M. Gagné. Les infirmières, les préposés aux bénéficiaires et les spécialistes à l’inhalothérapie sont quelques métiers importants, mais oubliés dans la série.
«Ce n’est pas très représentatif de la manière dont fonctionne un hôpital», conclut-il.
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Un personnel de la santé peu complet
C’est peut-être pour des raisons de budget, d’espace de tournage ou de manque de figurants, mais les hôpitaux du Québec sont beaucoup plus remplis que l’hôpital de Seattle Grace. Les scènes dans les couloirs sont notamment critiquées par le manque d’achalandage.
En revanche, les scènes dans les salles d’opération restent relativement réalistes. «On est au moins cinq personnes, en tout temps, dans une salle d’opération», dit Dr Laroche.
Les quarts de travail peuvent être excessivement longs
Dans la série, les quarts de travail qui sont extrêmement longs: est-ce vrai que tout le monde doit subir ces longues heures? Il semblerait que oui. Les externes peuvent rester à l’hôpital pendant 18 heures, voire 24 heures d’affilée. Cet aspect est malheureusement l’une des réalités du milieu. Avec les heures supplémentaires obligatoires pour les infirmières et la paie à l’acte pour les médecins, il n’est pas rare pour le personnel de la santé de faire des quarts de travail de 12 heures et plus. Certaines opérations peuvent durer des heures et les chirurgiens doivent donc travailler pendant beaucoup de temps.
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