Les fake news peuvent-elles avoir un effet sur les élections canadiennes?
Oui et non. D’une part, l’information qui parvient jusqu’à nous affecte nos choix: en consommation, en santé, en alimentation… Si nous sommes mal informés, ça a forcément un impact au moment d’aller voter. Mais est-ce que la désinformation pourrait faire gagner un parti plutôt qu’un autre? À mon avis, c’est peu probable. Il faudrait une nouvelle vraiment virale et dommageable pour un candidat. Et le prix serait élevé si, après les élections, on trouvait des preuves qu’un parti politique a sciemment diffusé de fausses informations pour gagner.
À l’ère de la désinformation, partir à la chasse aux fausses nouvelles est plus important que jamais.
Pourquoi les fake news ont-elles un effet limité au Canada?
Parce que le Canada n’est pas un gros joueur sur la scène internationale et que ce pays intéresse peu les organisateurs de grandes campagnes de désinformation ciblant les marchés de plusieurs centaines de millions de personnes. Les élections américaines de 2016 constituaient à cet égard une situation idéale pour les «usines à fake news»: un marché très peuplé, unilingue et très polarisé.
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Pas le même impact
Quand elle est sortie en juillet 2016, la fausse nouvelle affirmant que le pape François soutenait la candidature de Donald Trump a été partagée et commentée près d’un million de fois malgré le démenti du Vatican. Au Canada, une des plus importantes fausses nouvelles de 2019 mentionnant que Justin Trudeau avait «donné» 465 millions de dollars à l’Afghanistan a été partagée 14 000 fois. On n’est pas dans la même ligue!
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Y a-t-il des fake news au Québec?
Oui. La plus connue met en cause, bien malgré lui, le maire de Dorval qui aurait refusé de bannir la consommation de porc dans les cantines scolaires. C’est une histoire qui est apparue en septembre 2015 et qui a été maintes fois démentie. Le maire ne s’est jamais mêlé des menus scolaires et, de toute façon, il n’a aucune autorité sur la gestion des écoles.
Les fake news restent et réapparaissent
Malgré tout, l’histoire réapparaît régulièrement. Elle a été partagée plus de 400 000 fois sur les réseaux sociaux. C’est énorme comparativement à la nouvelle la plus partagée sur le site de Radio-Canada en 12 mois: un peu plus de 60 000 partages.
J’ai retrouvé la source de cette fausse nouvelle du côté d’Antibes Juan-les-Pins, en France, où l’adjointe du maire avait écrit en 2013 à des parents qu’il n’y aurait pas de bannissement du porc dans les écoles. La lettre a circulé dans les réseaux sociaux, ce qui a amené un militant d’extrême droite à féliciter le maire pour avoir «tenu tête aux musulmans». La fausse nouvelle de Dorval reprend textuellement certains éléments de cette affaire.
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Existe-t-il un moyen simple et accessible de vérifier une nouvelle?
Non, les créateurs de fausses nouvelles sont toujours plus habiles avec le temps. Mais il y a des signes qui ne trompent pas: si l’article est bourré de fautes ou s’il provient d’un site anonyme, on doit se méfier. Une bonne façon de savoir si une nouvelle est vraie, c’est de vérifier sur des sites des grands médias d’information.
Vérification pour éviter la propagation d’une fake new
Si vous trouvez une nouvelle spectaculaire et désirez la partager, je suggère de la «googler» pour savoir si des services de nouvelles l’ont reprise. Si vous avez un doute, je vous déconseille de la partager. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec a lancé un programme dans les écoles pour inciter les jeunes à se méfier des informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Ça s’intitule «30 secondes avant d’y croire». Évitez les faux-pas virtuels grâce à cette liste des 13 pires erreurs commises sur Internet…
Est-ce que le Canada doit créer des lois pour empêcher la désinformation?
Je ne crois pas. J’ai un gros malaise à l’idée que l’État vienne nous dire quoi croire et ne pas croire. Dans certains pays, comme les Philippines, on a créé de telles lois et on a réalisé que c’était un moyen de contrôler l’information. Par contre, la France a adopté une loi contre les fausses nouvelles qui circuleront en période électorale. Il faudra voir comment elle sera appliquée. Mais j’entretiens certains doutes: la vérité n’est pas une affaire politique.
Un mot français pour fake news?
Le gouvernement français propose «infox» pour «information» et «toxique», et c’est un terme qui commence à être employé dans la francophonie, notamment à Radio-Canada. Mais je préfère encore le terme «fausse nouvelle» qui dit bien ce qu’il veut dire.
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Vous êtes-vous déjà fait prendre par une fake news?
Oui, le 2 novembre 2018, j’ai relayé sur Twitter une information au sujet de Jacob Wolh, un militant américain d’extrême droite et complotiste. Je me suis réveillé le matin et j’ai tweeté sans vraiment réfléchir une photo qui le mettait dans l’embarras. C’était 100% faux. Quand je l’ai réalisé, j’ai retiré le message fautif et avoué ma faute. L’erreur est humaine.
Un mot sur le journaliste
Spécialisé depuis 2014 en vérification des faits sur le web, le journaliste Jeff Yates traque les faussaires avec l’équipe des Décrypteurs qu’il a mise sur pied à Radio-Canada en 2019. Sa mission: «combattre la désinformation et mettre en lumière les recoins les plus sombres du web». On ne doit pas laisser internet entre les mains de ceux qui mentent aux gens, conclut-il.
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