Attaque communiste à Trois-Rivières
L’effondrement du pont Duplessis était-il dû au premier attentat terroriste à avoir secoué le Québec?
Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1951, vers 3 h du matin, Benoît Lefebvre, jeune chauffeur de taxi de 21 ans, emprunte le pont Duplessis en direction de Trois-Rivières avec à son bord deux clients.
Soudain, sa voiture part dans une longue glissade. Il pile sur les freins, mais la route commence à «sauter en dessous des roues», comme il le rapportera, puis, plus rien. Le trou noir. Le jeune homme et ses passagers ne le comprennent pas tout de suite, mais le pont vient de s’effondrer. En l’inaugurant en grande pompe à peine trois ans auparavant, le premier ministre Maurice Duplessis avait pourtant déclaré haut et fort: «Ce pont est droit, large et solide comme l’Union nationale.»
Lorsqu’il reprend connaissance et parvient à s’extraire de son taxi, Benoît Lefebvre constate que son véhicule est sous le pont, dont un pan entier a disparu. Ses passagers viennent le rejoindre. Ils voient alors une auto passer au-dessus d’eux et plonger dans le vide. Cette nuit-là, quatre personnes perdent la vie quand leurs véhicules plongent dans les eaux noires et glacées de la Saint-Maurice. La catastrophe fait aussi une dizaine de blessés.
Bien que le pont Duplessis soit très récent, sa structure a déjà montré quelques failles. En février 1950, une première fissure apparaît, puis une seconde quelques jours plus tard. Ce n’est toutefois pas du tout la piste de l’effondrement dû à un défaut de construction que les autorités suivent dans un premier temps. Nous sommes en pleine guerre froide et la terreur qu’inspire le communisme est bien réelle.
Quelques heures plus tard, devant l’Assemblée nationale, le premier ministre Maurice Duplessis déclare: «Nous avons des raisons sérieuses de croire qu’il y a eu sabotage par des éléments subversifs. Le fait que ce pont soit situé dans mon comté et porte mon nom était suffisant pour tenter les éléments subversifs que j’ai combattus et que je combattrai toujours.» Le pont aurait ainsi été détruit par des communistes qui voulaient saboter les liens de communication entre les grandes villes du Québec.
Les fils qui pendouillent le long du pont apportent de l’eau au moulin des tenants de la thèse du sabotage. Se pourrait-il qu’il s’agisse de fils de détonateur? La réponse est beaucoup plus terre à terre: ce sont des employés de Bell qui les ont installés afin de rétablir les communications entre Trois-Rivières et Cap-de-la-Madeleine.
La théorie du complot va ainsi s’effriter encore plus vite que le pont. Le 15 février 1951, le journal Le Devoir, qui ne porte pas Duplessis en haute estime, lance un pavé dans la mare du premier ministre. Selon des informations obtenues par le journal, l’effondrement du pont était prévu depuis huit mois et le gouvernement en aurait été prévenu par les rapports unanimes de trois laboratoires. Verdict: l’acier utilisé était de mauvaise qualité, ce qui aurait faussé les calculs des ingénieurs.
Dans la foulée, le gouvernement Duplessis annonce la tenue d’une enquête publique sur les causes de la catastrophe et, en novembre 1951, les commissaires René Lippé et J.-Lucien Dansereau remettent un rapport qui soulève finalement plus de questions qu’il n’apporte de réponses. En clair, les causes de l’effondrement demeurent officiellement inconnues. Le rapport évoque même «certains facteurs qui nous empêchent d’éliminer complètement le sabotage».
On pourra tout de même se demander pourquoi le gouvernement s’est empressé de détruire la partie intacte du pont avant la fin de l’enquête. Et surtout pourquoi, si attentat il y a eu, il n’a jamais été revendiqué.
Vous serez sans doute nostalgique en revoyant ces photos d’institutions qui ont disparu du paysage québécois.
Voleurs de cadavres!
Comme d’autres villes dans le monde, Montréal connaît une épidémie de vol de cadavres tout au long du XIXe siècle. Retour sur un phénomène heureusement disparu.
Le dimanche 23 octobre 1843, on retrouve au petit matin le cercueil vide d’un sergent fort respecté du 425e Régiment qui avait été enterré quelques jours auparavant au cimetière de Chambly. Le corps a disparu et ses vêtements sont éparpillés sur la pierre tombale. Quand la police retrouve les étudiants en médecine qui ont commis ce crime, le corps du milicien a déjà été disséqué.
L’affaire provoque un scandale… mais n’étonne pas vraiment. Le vol de cadavres est alors monnaie courante.
Tout au long du XIXe siècle, la fréquentation de l’école de médecine de l’Université McGill puis, à partir de 1843, de l’École de médecine et chirurgie de Montréal (ancêtre de la faculté de médecine de l’Université de Montréal) ne cesse de croître. Et pour apprendre l’anatomie, tous ces étudiants n’ont d’autre choix que de disséquer chaque année des dizaines de cadavres. Un besoin contrarié par le fait que, avant 1843, seuls les corps des prisonniers non réclamés alimentent cette filière. La pénurie est donc criante. Le froid conservant bien les corps, c’est l’hiver que les vols de cadavres sont les plus fréquents. Le modus operandi des maraudeurs est bien connu: sous le couvert de la nuit ou au petit matin, des étudiants en médecine ou des individus à leur solde pénètrent dans les charniers des cimetières où des corps attendent la fin de l’hiver pour être enterrés. On abandonne sur place vêtements et bijoux afin de ne pas être accusés de vol – le cadavre, lui, ne jouissait alors d’aucune protection légale. Chacun d’eux rapporte entre 30et 50$ – soit entre 1200 et 2000$ actuels. Ces profanateurs gagnent rapidement un surnom: les résurrectionnistes. Parfois, lorsque la demande est plus forte, il arrive que des cadavres déjà enterrés soient exhumés, ce qui provoque la colère dans l’opinion publique.
C’est d’ailleurs à la suite de l’indignation causée par le vol du corps du sergent que le gouvernement adopte en décembre 1843 la Loi réglementant et facilitant l’étude de l’anatomie. Cette loi proclame que le corps de toute personne décédée sous la garde d’une institution financée par le gouvernement doit être remis aux écoles de médecine, à moins que le cadavre ne soit réclamé dans les 48 heures par un «ami ou parent de bonne foi».
Mais beaucoup d’organismes sont très réticents à remettre aux facultés de médecine les corps non réclamés. Les institutions religieuses, par exemple, perçoivent la dissection comme une profanation. De toute façon, la pénurie de cadavres demeure et la loi va être régulièrement bafouée. D’autant plus que l’inauguration du cimetière Mont-Royal en 1852, puis du cimetière catholique Notre-Dame-des-Neiges deux ans plus tard, vient faciliter le travail des résurrectionnistes. Ces cimetières sont en effet situés dans des lieux discrets… et tout près du pavillon de médecine de l’Université McGill. Comme le parcours descend jusqu’au campus, il suffit d’installer le corps dans un traîneau et de laisser glisser celui-ci.
Un autre scandale éclate en 1858 quand on découvre que le cadavre de la veuve d’un officier, le capitaine Spillen, a été volé dans la morgue de l’Hôpital général – des proches voulant récupérer la dépouille découvrent que le corps a été remplacé par… des bûches. Le journal Le Canadien rapporte qu’une foule en colère s’est rapidement rassemblée autour de l’hôpital en menaçant de l’incendier si on ne retrouve pas le corps de Mme Spillen. En soirée, un message anonyme informe les autorités qu’il se trouve au coin des rues Guy et Sainte-Catherine. La défunte sera enterrée le lendemain.
Ce qui n’empêche pas les résurrectionnistes de continuer de sévir. En février 1871, les corps de deux religieuses sont dérobés dans le charnier de Lachine. Les journaux de l’époque sont outrés. «Il n’y a encore jamais eu de cas de ce genre, de nature plus répugnante», peut-on lire dans la Gazette. Les cadavres sont vite retrouvés dans une boutique du faubourg Sainte-Marie, où les ont cachés les voleurs après avoir essayé en vain de les vendre à deux écoles de médecine – qui ont toutes deux refusé.
Cette affaire, pas plus que les autres, ne ralentit l’ardeur des déterreurs. Entre décembre 1882 et mars 1883, par exemple, 26 vols de sépulture sont rapportés à Montréal. La grogne monte parmi la population et, le 30 mars 1883, la Loi sur l’anatomie du Québec, qui renforce la loi de 1843, est adoptée. Elle contraint tous les hôpitaux, orphelinats, prisons, maisons des pauvres et autres œuvres de bienfaisance financées par le gouvernement à remettre aux écoles de médecine les corps de ceux qui y meurent. Toute œuvre de bienfaisance financée par le gouvernement qui refuserait de livrer les corps non réclamés est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 200$. Cette même sanction vise les écoles de médecine qui se procureraient illégalement des corps.
La Loi sur l’anatomie du Québec connaît un succès indéniable. En mars 1884, le Canada Medical and Surgical Journal annonce qu’aucun cas de profanation de tombes n’a été signalé au Québec au cours de l’hiver et que «Les exigences des facultés de médecine ont été amplement satisfaites».
Le saviez-vous: ces inventions célèbres ont été créées au Québec et au Canada!
La colère d’Hitchcock
Comment la censure réussit à mettre dans une colère noire le maître du suspense, venu à Québec pour la première de La loi du silence.
Tout le gratin de la capitale nationale se presse aux portes du théâtre Capitole de Québec, ce 12 février 1953, pour assister à la première de La loi du silence (I Confess), d’Alfred Hitchcock. Tenant par la main la jeune comédienne Renée Hudon, Anne Baxter longe la haie d’honneur que forment des soldats du Royal 22e Régiment sous le regard du public qui tend le cou dans l’espoir d’apercevoir les vedettes. Hitchcock est tout sourire. Un sourire qui va s’évanouir pendant le film pour laisser place à la colère.
En 1951, Alfred Hitchcock cherche un lieu de tournage pour son nouveau film, La loi du silence. Il veut un endroit où les prêtres catholiques se promènent encore en soutane. Après avoir songé à l’Irlande, le maître du suspense choisit la ville de Québec, où le tournage débute en 1952. Une chance inouïe pour deux jeunes filles, Renée Hudon, 10 ans, et Carmen Gingras, 14 ans, qui sont choisies pour interpréter un petit rôle, mais d’une grande importance dans l’histoire.
La loi du silence met en vedette Montgomery Clift (père Logan), Karl Malden (l’inspecteur Larrue), Anne Baxter (Ruth Grandfort) et l’Allemand Otto Eduard Hasse (Otto Keller). Mais des acteurs québécois sont aussi de la distribution, dont Gilles Pelletier (père Benoît) et Ovila Légaré (Villette).
Le film raconte l’histoire d’un homme qui, vêtu d’une soutane, abat un avocat pour lui voler son argent. Peu après, le meurtrier se confesse auprès du père Logan sur lequel se portent immédiatement les soupçons quand deux fillettes l’identifient comme étant le meurtrier. Lié par le secret de la confession, le père Logan se tait!
Les auditions pour trouver les deux fillettes devant incarner les témoins ont lieu au Château Frontenac. Une centaine de candidates défilent les unes après les autres. Carmen Gingras et Renée Hudon décrochent le rôle.
«Je n’étais pas plus fine ou meilleure que les autres, précise Renée Hudon, aujourd’hui âgée de 79 ans. L’une des raisons pour lesquelles j’ai eu le rôle, c’est que j’étais parfaitement bilingue. Je pouvais suivre sans problème les instructions d’Hitchcock. Ma grand-mère maternelle d’origine écossaise m’avait appris l’anglais.»
Le tournage des scènes extérieures débute le 20 août 1952 à Québec, mobilisant des centaines de figurants. Une fois toutes les scènes extérieures filmées, l’équipe prend la direction d’Hollywood où les scènes intérieures seront filmées. La jeune Renée passe à deux doigts de ne pas être du voyage. Craignant qu’elle y perde son âme, la directrice de son école opposera une solide résistance à ce départ! (voir encadré)
Mais la situation se débloque finalement, et Renée et Carmen s’envolent pour Hollywood. «C’était génial! Mon père était avec moi, se souvient Renée Hudon. À la cafétéria du studio, il a dîné avec John Wayne! Imaginez! Nous nous sommes baignés dans la piscine de Bob Hope. C’était vraiment fantastique!»
Renée Hudon n’a que de bons mots pour Hitchcock, pourtant réputé pour son sale caractère à l’endroit des acteurs et des actrices. «Il nous prenait sur ses épaules. Il était toujours gentil avec nous.» Son père lui a raconté quelques années plus tard qu’il avait vu Hitchcock piquer une colère terrible quand Anne Baxter était arrivée sur le plateau de tournage après une soirée bien arrosée. Précisons que Baxter n’était pas le premier choix d’Hitchcock, qui lui aurait préféré Anita Björk ou Olivia de Havilland.
Une fois le tournage terminé et le film monté, Hitchcock se rend à Québec pour la première. Mais durant la projection, le sourire du réalisateur britannique disparait peu à peu: il se rend compte que l’une des scènes clés du film, celle dans laquelle les fillettes identifient le père Logan comme étant le meurtrier, a été retranchée par le «Bureau de censure des vues animées» de la province de Québec. Les censeurs ont décrété que, les enfants de moins de 16 ans n’ayant pas le droit de témoigner en cour, ces scènes devaient être supprimées. Il manque au total 2 minutes 37 secondes au film.
Après le visionnement, Alfred Hitchcock jure de ne plus jamais remettre les pieds «dans cette maudite ville catholique».
Il tiendra promesse.
Vous serez surpris d’apprendre que ces films cultes ont été tournés au Canada.
Le cinéma américain, un milieu de perdition?
«Je n’avais pas perdu mon âme!»
Renée Hudon* se souvient des difficultés que sa mère a dû surmonter pour que la directrice de l’Institut Maria, de la congrégation du Bon-Pasteur, accepte qu’elle manque deux semaines de classe pour aller faire du cinéma à Hollywood. «Dans le Québec puritain de l’époque, la cause n’était pas gagnée d’avance», se souvient Renée Hudon.
Elle expliqua à sa mère que le cinéma américain est un milieu de perdition et qu’en plus du risque de voir baisser ses notes, Renée pourrait perdre son âme!
«Ma mère lui a dit que mon âme était entre bonnes mains et l’a rassurée en lui expliquant que la loi californienne obligeait les studios de cinéma à engager des professeurs pour donner trois heures de cours par jour aux enfants acteurs de moins de 16 ans», poursuit Renée Hudon.
La directrice a finalement cédé. Et la jeune fille a pu poursuivre ses études primaires dans cette école après son séjour à Hollywood. «Il faut croire que je n’avais pas perdu mon âme!» plaisante Renée Hudon.
*entrevue avec l’auteur, décembre 2020
Il est certain que vous ignorez au moins l’une de ces choses étonnantes au sujet du Canada!
Enterré 86 ans après sa mort!
Personne n’imagine les outrages qu’a subis le corps du Géant Beaupré avant de reposer enfin dans sa Saskatchewan natale.
Au matin du 7 juillet 1990, à Willow Bunch, en Saskatchewan, des centaines de personnes assistent aux funérailles d’Édouard Beaupré.
L’événement serait somme toute banal si le mort, mieux connu sous le surnom de Géant Beaupré, n’était décédé 86 ans plus tôt. Et si son corps momifié n’avait avant ce jour été exposé à l’Université de Montréal durant huit décennies.
Né à Willow Bunch, petite ville agricole du sud de la Saskatchewan, le 9 janvier 1881, d’un père originaire de l’Assomption, au Québec, et d’une mère métisse, Édouard Beaupré n’a rien d’ordinaire. Souffrant d’une tumeur de l’hypophyse qui dérègle sa croissance et provoque le gigantisme, il mesure déjà 1,83 m à 9 ans… et rêve de devenir cowboy. Un rêve qu’il doit abandonner à 17 ans. Il mesure déjà 2,16 mètres et ses pieds traînent à terre lorsqu’il est sur sa monture!
Édouard quitte alors sa famille pour se joindre à une troupe de vaudeville à titre d’homme fort! Capable de soulever des chevaux sur ses épaules, Édouard plie également des barres de fer. Commence alors une vie de tournée qui le mène d’abord à Winnipeg, puis dans plusieurs villes de l’est du continent américain.
Comme c’est une véritable attraction qui rapporte beaucoup d’argent à ceux qui l’exploitent, Édouard doit toujours s’isoler et mène une existence solitaire. Il ne sort en public que lorsqu’on l’exhibe. Rongé par l’ennui, le jeune homme se met à boire, souvent à l’excès. Malgré son désir de retourner dans son coin de pays, auprès des siens, il enchaîne les tournées afin d’aider financièrement ses parents.
Le 25 mars 1901, alors qu’Édouard est de passage à Montréal, le journal La Presse commandite un combat l’opposant au célèbre homme fort Louis Cyr. Il ne va falloir que 3,39 minutes à l’Hercule de 1,55m pour terrasser le géant de 2,52m, au grand désarroi des spectateurs qui s’attendaient à un meilleur spectacle.
«Cyr a triomphé avec une facilité incroyable; le Géant Beaupré n’osant pratiquement porter la main sur lui, peut-on lire dans La Presse du lendemain. Nous n’avons jamais vu un homme aussi timide. Nous nous attendions à voir Cyr l’emporter, mais jamais avec autant d’aisance. […] La lutte fut grotesque et amusa immensément l’assistance qui se composait d’un millier de personnes.»
Après sa rencontre avec Louis Cyr, Édouard Beaupré part pour le Montana où il travaille comme palefrenier. Mais sa taille et son poids le forcent à abandonner pour de bon son rêve. Il ne sera jamais cowboy.
Le 1er juillet 1904, Édouard signe un contrat avec le gérant du cirque Barnum & Bailey pour faire des apparitions à l’Exposition universelle de Saint-Louis. Le lendemain, après la représentation, Édouard ne se sent pas bien. Dans sa loge, il crache le sang. Transporté dans un hôpital de Saint-Louis, Édouard Beaupré meurt d’une hémorragie pulmonaire massive. Le géant de Willow Bunch n’a que 23 ans… et pèse 170 kilos.
Rapidement, le corps d’Édouard est embaumé afin d’être rapatrié dans sa Saskatchewan natale, ses parents voulant le récupérer. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Incapable d’assumer les frais de transport du corps de leur célèbre fils, ils demandent qu’il soit enterré à Saint-Louis.
C’était compter sans la cupidité du directeur du cirque. Après leur avoir assuré que leur volonté serait respectée, celui-ci décide plutôt d’envoyer le corps chez des embaumeurs de Saint-Louis, qui décident d’en tirer profit en l’exhibant dans la vitrine d’un magasin. Au fil des années, le corps d’Édouard est ainsi exposé pour le plaisir des foules. Exploité de son vivant, Édouard Beaupré l’est aussi dans la mort.
D’exposition en exposition, la dépouille du gentil géant atterrit en 1905 au Musée Eden, à Montréal. Le corps du Fransaskois, habillé et exposé au milieu des personnages de cire, est extrêmement populaire. Les visiteurs se font prendre en photo avec le cadavre. L’achalandage est tel que certaines journées, la rue est bloquée. La situation devient si incontrôlable qu’après quelques mois, les responsables sont contraints de retirer le corps d’Édouard Beaupré de l’exposition.
En 1907, trois ans après sa mort, on découvre par hasard son corps momifié dans un hangar du parc Bellerive, à Montréal. Le professeur Louis-Napoléon Delorme, qui souhaite créer un musée d’anatomie, fait alors transporter le corps au département d’anatomie de l’Université de Montréal pour la somme de 25$. La dépouille y est soumise à un procédé de momification, puis exposée, entièrement nue, dans une vitrine.
Pendant 84 ans, le corps d’Édouard Beaupré va être l’objet de tous les outrages, médecins et étudiants en médecine procédant à diverses expérimentations, dont des opérations chirurgicales.
En 1974, Ovila Lespérance, neveu d’Édouard Beaupré, découvre par hasard lors d’un voyage à Montréal que le corps de son oncle n’a jamais été enterré à Saint-Louis, comme la famille le croyait, mais qu’il est exposé à la vue de tous à l’Université de Montréal. Dégoûté du sort réservé à son illustre oncle, il entame des démarches pour ramener son corps en Saskatchewan. Il faudra 15 ans à la famille d’Édouard Beaupré pour surmonter les nombreux obstacles bureaucratiques afin de récupérer son corps.
En 1990, l’Université de Montréal remet les restes du géant à sa famille. L’Université insiste pour que le corps soit incinéré afin qu’on ne puisse exploiter encore le pauvre Édouard.
Et c’est ainsi qu’au matin du 7 juillet 1990, à Willow Bunch, 86 ans et quatre jours après sa mort, les cendres d’Édouard Beaupré sont enfin inhumées.
Il reste des choses curieuses à découvrir dans les musées les plus étranges du Canada.
©2021, Sylvain Daignault. Adapté de la page Facebook «Québec Insolite».