Les théories du complot concernant la Covid-19 sont en hausse
Éviter de parler de la pandémie avec des amis ou des membres de la famille – virtuellement ou en personne – est pratiquement impossible. Lorsqu’une vidéo complotiste sur le vaccin présentant la Covid-19 comme un canular a circulé dans le groupe de discussion de ma famille, j’ai pris une grande respiration.
Oui, les inquiétudes et le stress entourant les nombreuses facettes de cette pandémie sont justifiés. Mais comment pouvons-nous savoir quand l’information bascule dans les théories du complot? Aussi, quelle est la meilleure façon de répondre à nos proches qui croient en des sources qui ne sont pas fiables?
Pour ma part, j’ai écrit le présent article et j’ai l’intention d’en partager le lien avec ma famille ainsi qu’un autre lien sur un jeu contre la désinformation appelé Go Viral dont il sera question un peu plus loin.
Sachez tout d’abord que vous n’êtes pas seul à lutter contre la désinformation, car Facebook et YouTube ont interdit la vidéo partagée par les membres de ma famille. Vous pouvez aussi utiliser ces liens pour dénoncer vous-même les fausses informations au centre d’assistance de Facebook et à celui de YouTube.
Steven Taylor, Ph. D, psychologue clinicien à l’université de Colombie-Britannique, à Vancouver, explique que ce problème courant de désinformation vient d’une «infodémie» ou, si vous préférez, d’une surabondance d’informations.
«Il y a tellement de nouvelles qui circulent et, pour les gens qui s’informent surtout au par les médias sociaux, elles tendent à être déformées, déclare Steven Taylor, également auteur de The Psychology of Pandemics: Preparing for the Next Global Outbreak of Infectious Disease. Nous devons tous faire face au défi d’essayer de trier ce qui est vrai et ce qui est faux.»
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Pourquoi les théories du complot sur la Covid-19 sont-elles en hausse?
Une des raisons expliquant pourquoi les théories du complot sont présentement en hausse est parce que c’est une pandémie M-O-N-D-I-A-L-E. Comme tout le monde doit faire face à la même maladie, une théorie du complot venant de la Suède peut aussi trouver écho en Argentine parce qu’on y parle de la même chose.
Il y a donc plus de désinformation qui circule, note Jon Roozenbeek, un boursier postdoctoral au sein du département de psychologie à l’université de Cambridge, en Angleterre.
Ses recherches s’intéressent à la théorie de l’inoculation en expliquant comment une croyance peut être protégée contre la persuasion ou les influences sensiblement de la même manière que le corps peut se prémunir contre la maladie, par exemple par une première exposition à des formes plus légères d’une menace future encore plus grande.
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Les médias sociaux
Il est plus facile que jamais pour quiconque de publier ou de créer du contenu en ligne qui deviendra viral partout dans le monde, de dire Jon Roozenbeek, aussi coauteur d’une étude publiée en 2020 dans la revue Royal Society Open Science.
Son étude a examiné les facteurs pouvant ou non prédire le fait de croire les fausses nouvelles au sujet du coronavirus. Ces facteurs incluent entre autres l’utilisation des médias sociaux et l’extrémisme politique.
L’étude a révélé que les personnes qui affirment ne jamais s’informer sur les médias sociaux – mais plutôt à partir de sources spécifiques comme les principales organisations de la santé – semblent moins sensibles que d’autres à la désinformation sur le virus.
«Les personnes qui recherchent explicitement l’information venant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont moins sensibles à la désinformation, explique-t-il. Celles qui ne tiennent aucun compte des informations venant de l’OMS semblent plus disposées à croire les fausses informations concernant le virus.»
Jon Roozenbeek a aussi découvert ceci: plus vous consommez des médias sociaux, plus vous êtes perméable aux fausses nouvelles sur la Covid-19.
Une des raisons possibles est que «plus vous êtes exposé à la désinformation, plus vous êtes susceptible de penser que c’est vrai», dit-il. On appelle ça «l’effet de vérité illusoire».
En outre, le coronavirus est la première pandémie importante à se produire à l’ère des médias sociaux, note Steven Taylor. «Les gens peuvent s’exprimer.»
Pour les complotistes, le climat politique actuel vient s’ajouter à la crise sanitaire. En fait, selon Steven Taylor, les complotistes attirent plus que jamais l’attention.
Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’il se passerait si les médias sociaux disparaissaient?
La science évolue
Une autre raison possible est que les théories du complot se multiplient en temps de grande incertitude. Naturellement, la pandémie s’y prête bien, particulièrement à ses tout débuts lorsqu’on ne savait presque rien à propos du virus.
Au début, par exemple, l’OMS et les autres organisations de la santé ont dit aux gens de ne pas porter de masques médicaux. La recommandation officielle de plusieurs organisations était que les masques devaient être réservés aux travailleurs de la santé, au personnel d’entretien et aux malades. Ce n’était pas encore clair si les autres types de masques offraient une véritable protection ou procuraient un faux sentiment de sécurité.
«On maintenait catégoriquement que nous ne devrions pas porter de masques, et cette recommandation était basée sur les recherches à ce moment-là», de dire Steven Taylor. Il y avait également des «inquiétudes quant au manque de masques pour les travailleurs de la santé».
À mesure que d’autres informations nous parvenaient, par contre, et qu’il devenait clair que les masques aidaient à prévenir les infections, les directives ont changé. Les recommandations mises à jour basées sur les dernières découvertes de la science n’ont fait qu’ajouter de l’huile sur le feu pour les complotistes, qui espèrent mettre en évidence les erreurs commises par les responsables de la santé publique.
Et ça n’aide pas non plus que le programme de développement du vaccin contre le nouveau coronavirus ait été surnommé «Opération Warp Speed», selon Steven Taylor. Le terme warp speed signifie à une vitesse astronomique. «Cela laisse supposer qu’on a tourné les coins ronds ou que la procédure établie n’a pas été suivie.»
Les théories du complot comme mécanismes de défense
Steven Taylor aime penser aux théories du complot comme une forme extrême de rumeurs ou de nouvelles improvisées. «Les rumeurs se répandent lorsqu’il y a de l’incertitude à propos d’une question importante et que les gens essaient de comprendre leur monde, dit-il.
C’est une façon pour certaines personnes de faire face à la pandémie. On comprend que des personnes puissent adhérer aux théories du complot pour donner plus de sens à leur monde ou le rendre plus compréhensible», conclut-il.
Cela se résume à la capacité des gens à tolérer l’incertitude, et il y a beaucoup d’incertitude entourant la pandémie. Mais des experts disent que les gens devraient se montrer sceptiques à l’égard des rumeurs qu’ils entendent, particulièrement les théories du complot.
Ils suggèrent plutôt de se fier à des sources d’information sûres comme l’OMS, les Centres de contrôle et de prévention des maladies américains, la Food and Drug Administration (FDA) et d’autres grandes organisations médicales et d’information traditionnelles.
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Les complotistes en général s’unissent
Les complotistes purs et durs tendent à être méfiants de nature. S’ils croient en une théorie du complot, ils tendent à en croire d’autres.
Pour Steven Taylor, il n’est pas surprenant de voir des anti-vaccin, des anti-masque et des anti-confinement réunis par les mêmes croyances conspirationnistes.
Quoi faire lorsque vos amis ou des membres de votre famille partagent une théorie du complot?
Votre tante, votre cousin ou un ami Facebook partage avec vous certaines informations douteuses sur la Covid-19 ou le vaccin dans une vidéo ou un billet de blogue? Quoi faire alors?
«D’abord, je veux toujours connaître les raisons qui poussent quelqu’un à m’envoyer ça ou encore ce qu’il essaie de mettre de l’avant, déclare la Dre Sharon Nachman, chef de la division des maladies pédiatriques infectieuses au Stony Brook Children’s Hospital à Stony Brook, dans l’État de New York. Je me demande ensuite ce qui arrive dans la vraie vie et ce que je vois.
Nous ne pouvons croire qu’à ce que nous voyons vraiment et non à ce que les gens disent qu’ils voient.»
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Comment reconnaître les fausses informations
«On ne peut pas automatiquement dire si une vidéo ou une source n’est pas fiable», selon la Dre Nachman. Dans ce cas, la pensée critique et un questionnement sérieux pourraient constituer vos meilleurs alliés.
«Lorsque je vois quelque chose qui n’a pas de fondement scientifique, je sais que ce n’est pas vrai», ajoute-t-elle. Pour l’individu moyen ne possédant pas de bagage scientifique, par contre, ça peut prendre un peu plus de travail de recherche pour reconnaître les fausses informations.
Selon la Dre Nachman, il y a plusieurs choses que vous devriez demander ou savoir avant de croire en des informations. Si elles viennent d’une autorité médicale, «je veux d’abord entendre de quel genre de médecin il s’agit, quel genre de patients le consultent et comment il pratique la médecine», dit-elle. Est-ce que le médecin qui divulgue ces informations voit des patients en ce moment? Est-ce qu’il administre des vaccins?
«Quelqu’un qui n’administre pas de vaccins est potentiellement anti-vaccin et ne sera pas chaud à celui contre la Covid, ajoute la Dre Nachman. Alors, si quelqu’un a l’habitude de dire qu’il n’y a pas de bon vaccin, vous ne devriez peut-être pas écouter ce qu’il dit au sujet du vaccin contre la Covid.»
C’est également important de vérifier ses autres références et son expertise dans le domaine des maladies infectieuses.
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Il faut se rappeler que la pandémie continue
«C’est un défi que chacun de nous doit relever, car il y a tellement de recherche qui se fait que les résultats changent constamment, explique Steven Taylor. Les gens doivent comprendre deux choses: les résultats des recherches qui sont réalisées peuvent changer avec le temps. Ainsi, il existe de bonnes et de moins bonnes sources d’information.»
La situation évolue et l’état de nos connaissances aussi, ce qui ne veut pas dire que la science est dans l’erreur, continue Steven Taylor. «C’est une question complexe. Et plus nous en apprenons sur le coronavirus, sa transmission et le vaccin, plus les choses peuvent changer.»
La Dre Nachman appuie ses dires. «En tant que scientifiques, nous reconnaissons que nous n’avons pas toutes les réponses, mais au moins j’écoute les questions et j’essaie de trouver des réponses.» Les gens méprisants qui n’écoutent pas toutes les questions et réponses n’essaient probablement pas de comprendre.
«Je veux comprendre l’avantage qu’ont les gens à vendre des théories du complot concernant la Covid-19, ajoute la Dre Nachman. Ont-ils travaillé dernièrement dans un hôpital et prennent-ils vraiment soin de patients malades comme je le fais et comme le font tous mes collègues partout au pays?»
Comment discuter des théories du complot sur la Covid-19 avec les membres de sa famille?
Écoutez attentivement
Steven Taylor affirme qu’il y a grosso modo deux sortes de personnes qui alimentent les théories du complot. Il y a le groupe de personnes qui ont entendu parler d’une théorie en particulier, mais qui n’y adhèrent pas nécessairement. Ce sont les personnes que vous pourriez arriver à convaincre du contraire si vous leur présentez la bonne information.
Et puis, il y a les personnes qui croient dur comme fer aux conspirations et qui sont déjà méfiantes de nature. Elles sont souvent narcissiques, selon Steven Taylor.
Elles ont besoin de se sentir spéciales et de croire qu’elles détiennent des informations particulières, mais elles ont souvent de la difficulté à reconnaître le vrai du faux.
«C’est donc le doute ainsi que le besoin de se sentir spéciales qui rendent ces personnes si enclines à adhérer à ces théories du complot, de dire Steven Taylor. C’est difficile de les faire changer d’avis.»
Si vous essayez de les faire changer d’idée, elles peuvent même en conclure que vous faites partie du complot. «Si un membre de votre famille est dans cet état d’esprit, la meilleure chose que vous puissiez faire est d’accepter d’être en désaccord avec lui», conseille-t-il.
Ne commettez plus ces erreurs courantes de manipulation du masque de protection.
Initiez le dialogue
Steven Taylor recommande d’écouter d’abord ce que ces personnes ont à dire sur l’origine de leurs inquiétudes. «Vous découvrirez que certaines sont contre le vaccin parce qu’il y a un fond de vérité dans leur questionnement», dit-il. Si vous écoutez leurs inquiétudes, vous pouvez alors leur demander si elles connaissent tous les contre-arguments à ce sujet et ce qu’elles en pensent.
«Vous pourriez même leur demander ce que ça prendrait pour les faire changer d’avis», ajoute-t-il. Vous amenez ainsi ces personnes à penser à ce qui pourrait les faire changer d’idée quant à la vaccination.
Autre chose à ne pas oublier: les gens qui partagent de fausses nouvelles au sujet du virus ne le font pas nécessairement par méchanceté, de dire Jon Roozenbeek. «Ils pourraient bien être poussés à le faire par un sentiment d’urgence.»
Steven Taylor et Jon Roozenbeek suggèrent tous les deux d’éviter la confrontation. Essayer de discréditer quelqu’un peut faire en sorte qu’il se sente attaqué pour ses idées. Une menace qui se fait sentir à l’égard de son attitude est susceptible de déclencher ses mécanismes de défense.
Aussi, si quelqu’un se sent attaqué, vous êtes moins susceptible d’arriver à le convaincre, ajoute Jon Roozenbeek.
Jouez à un jeu
Jon Roozenbeek et d’autres chercheurs du Cambridge Social Decision-Making Lab à l’université de Cambridge ont créé le jeu Go Viral.
«Dans ce jeu, vous jouez en fait le rôle du méchant où vous passez d’utilisateur anonyme de médias sociaux à leader d’un important groupe conspirationniste sur les médias sociaux», explique Jon Roozenbeek. Vous y apprenez comment fonctionnent différentes stratégies utilisées dans ce type de désinformation et comment celles-ci deviennent populaires.
Dans une étude cosignée par Jon Roozenbeek actuellement à l’examen, les participants ayant joué à Go Viral se sont montrés moins sensibles à la désinformation concernant le virus pendant au moins une semaine après avoir joué au jeu. Essayez-le. Invitez des amis et des membres de votre famille à y jouer afin de leur faire découvrir de nouvelles façons de penser ou de s’informer sur le virus. «C’est une façon agréable de découvrir ces types de stratégies et, avec un peu de chance, de faire en sorte que les gens soient davantage capables de les reconnaître à l’avenir», dit-il.
Après cette pandémie, il y a des choses du quotidien que nous ne tiendrons jamais plus pour acquises.
En conclusion
Les complotistes ne peuvent peut-être croire que ce qu’ils veulent bien croire. Et ceux qui donnent du crédit aux théories qu’ils croient vraies ne sont probablement pas malintentionnés. Chacun devrait par contre faire ses propres recherches avant de partager des informations qui ne sont peut-être pas exactes. Vérifiez d’où vient l’information et le type d’expert qui partage ce contenu, et ne prenez pas tout au pied de la lettre.
La pandémie de coronavirus se poursuit et les informations évoluent. Tournez-nous vers des sources fiables pour rester bien informé. Et ne croyez pas tout ce que vous lisez ou entendez.
Cette période est dure pour notre santé mentale. Assurez-vous de savoir comment éviter anxiété et mal-être durant cette pandémie.