Prête, pas prête? Prête!
Les bonzes de Marvel avaient déjà approché Chloé Zhao pour le long métrage consacré à la Veuve noire. Elle avait, à l’époque, décliné l’offre. Elle s’est sentie prête à la suivante. Peut-être parce qu’on lui offrait de raconter une bande de superhéros superpuissants et super-inconnus. Donc, elle entrait dans l’aventure sans être retenue ou alourdie par le bagage accumulé dans les films précédents. Parce que c’est cela, Éternels. Un long métrage qui dit aux fans «vous ne savez pas encore tout du MCU, il y a aussi ces 10 spectaculaires superhéros que vous n’avez pas encore rencontrés, mais qui étaient ici tout le temps», indiquait Kevin Feige, président de Marvel Studios, lors d’une visioconférence.
Cela a plu à Chloé Zhao qui, à sa première rencontre avec les producteurs, leur a récité… un poème de William Blake dans lequel le poète «tente d’expliquer qu’il est possible de faire comprendre la beauté infinie du cosmos à l’intérieur des choses les plus petites qui se trouvent sur notre Terre. Je voulais que le film reflète cette échelle, qu’il traduise à la fois quelque chose d’aussi immense que la création du soleil et d’aussi infime que le murmure des amants», expliquait la réalisatrice qui a coécrit le scénario avec Patrick Burleigh, d’après une histoire de Matthew K. Firpo et Ryan Firpo et les personnages créés par Jack Kirby.
Seriez-vous prêt à visionner les films de Marvel dans le bon ordre chronologique?
Diversité au premier plan
Pour faire simple, les Éternels sont des êtres suprêmes qu’on a peut-être pris pour passés pour des dieux par le passé, comme le laisse supposer leurs noms. Mais ces extraterrestres originaires de la planète Olympia ont été «améliorés» par les Célestes et ils foulent la terre des hommes depuis quelque 7000 ans. Leur mission: protéger l’humanité de ces créatures monstrueuses que sont les Déviants. Doués de pouvoirs, ils se perdent de vue à travers le temps, mais sont toujours prêts à se retrouver et à s’unir lorsque le danger se pointe. Cela survient justement au début d’un long métrage qui nous permet d’assister à leur retrouvailles (et du coup à leur présentation).
Ils sont: Sersi (Gemma Chan), Ikaris (Richard Madden), Kingo (Kumail Nanjiani), Sprite (Lia McHugh), Phastos (Brian Tyree Henry), Makkari (Lauren Ridloff), Druig (Barry Keoghan), Gilgamesh (Don Lee), Ajak (Salma Hayek), Thena (Angelina Jolie). On note ici la parité hommes/femmes, atteinte parce que la réalisatrice a changé la donne là où, originellement, le nombre de héros excédait celui des héroïnes. On remarque aussi les origines variées des acteurs et des actrices qui incarnent les personnages.
Mais la diversité d’Éternels est plus vaste encore: elle est aussi corporelle et générationnelle; elle nous met en présence d’un couple homoparental et d’une superhéroïne sourde. Plus qu’un pas dans la bonne direction, non?
Il est certain que notre rubrique va vous inspirer!
Une histoire d’amour
L’une des trames narratives d’Eternels est une histoire d’amour. Une histoire d’amour compliquée, dont les protagonistes… enfin, deux des protagonistes (on l’a dit, ce n’est pas simple) sont Sersi et Ikaris. Interprétée par Gemma Chan, la première se fait anonyme en jouant les enseignantes à Londres. Un rôle qui lui sied: «Sersi est une superhéroïne, mais ses pouvoirs ne sont pas les plus remarquables. Elle n’est pas non plus la meilleure des combattantes. Mais elle a de l’empathie et une réelle affinité pour le genre humain et pour la Terre. Elle est un esprit libre et, même si elle est âgée de plusieurs milliers d’années, elle vit ici son passage à l’âge adulte.»
Face à elle, Ikaris, joué par Richard Madden – que l’on a découvert dans Le trône de fer (c’était lui, Robb Stark, le prince au destin tragique des Noces pourpres): «J’ai l’habitude de jouer les amoureux, d’interpréter des hommes motivés par l’amour et dont toutes les décisions sont justifiées par ce sentiment, admet-il. Mais avec Ikaris, c’est tout le contraire. Il essaie constamment d’étouffer cet amour parce que cela le freine dans sa mission. Il est donc en lutte perpétuelle entre son devoir et ses sentiments.» On l’a dit, une histoire d’amour compliquée…
De masculin à féminin
Trois des Éternels sont passés de superhéros dans les comics à superhéroïnes à l’écran. C’est le cas de Makkari qui, incarné par Lauren Ridloff, a l’apparence d’une jeune femme métissée… et sourde. Comme l’actrice en conférence de presse, elle s’exprime en langage des signes dans le film.
Même type de changement avec Ajak, ici interprété par Salma Hayek – à qui Chloé Zhao a donné l’occasion de réaliser un rêve… sinon plusieurs. «Des mes rêves les plus fous, je m’imaginais incarner une superhéroïne, travailler avec les plus grands cinéastes et jouer dans des blockbusters qui seraient aussi des films artistiques doués de profondeur. Je me suis battue pour ça pendant longtemps et là, je me suis dit: «Tant pis, ils ne comprennent rien. Ils ne voient pas que j’aurais été géniale. Alors qu’ils aillent se faire voir. Je vais faire un enfant!» J’ai donc abandonné. Et soudain, au milieu de la cinquantaine, une cinéaste merveilleuse m’a donné l’occasion de réaliser ce rêve!» raconte avec vivacité et humour celle qui n’en revient pas encore: «Pensez-y! Je suis une petite Mexicaine à gros nichons dans la mi-cinquantaine! Je ne corresponds pas à l’image qu’on a d’une superhéroïne!» Sauf si une Chloé Zhao se trouve derrière la caméra…
Avec le film Black Widow, Marvel s’est déjà mis au féminin.
Être soi
Le même genre de pensée a traversé l’esprit de Brian Tyree Henry quand Chloé Zhao l’a contacté pour lui proposer le rôle de Phastos. Il lui a demandé… combien de poids il devrait perdre pour cela. «Elle m’a répondu: «Mais de quoi tu parles, là?! On te veut comme tu es!» En tant qu’homme noir, qu’on dise me vouloir «exactement comme je suis»… je n’avais jamais vécu cela. Je me suis revu enfant, quand je regardais ces films de superhéros et que je n’en voyais aucun refléter qui j’étais», relate l’acteur dont le personnage retrouve sa foi en l’humanité en fondant une famille – qui est la première famille homoparentale du MCU.
La vérité selon Chloé
D’autres pas faits par la cinéaste en direction de la diversité l’ont menée à Kingo, joué par Kumail Nanjiani, le comédien aux origines pakistanaises que l’on a découvert dans Silicon Valley et qui assure que le plus grand défi d’Éternels a été… de danser devant la caméra de Chloé Zhao. «Elle m’avait parlé d’une scène de Bollywood, je lui ai dit que je ne savais pas danser, elle m’a assuré que ce n’était pas un problème, que c’était une scène d’action à la façon de Bollywood. C’était faux.» Il a donc dansé. Et il n’en veut pas à la réalisatrice: «Nous avons beaucoup parlé de diversité pendant le tournage, avant et après. Mais c’est surtout la façon dont elle approche cela qui est intéressante: ce n’est pas comme pour faire un point, mais plutôt comme pour dire que c’est ainsi que les choses auraient toujours dû être.»
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