Sans méchant, pas d’histoire
C’était vrai dans la nuit des temps, ce l’est toujours aujourd’hui et ce le sera encore demain. Pas de petit poucet sans ogre. Pas de petite sirène sans sorcière voleuse de voix. Pas de malheurs sans Sophie. Pas de Seigneur des anneaux sans Sauron. Pas d’Harry Potter sans Voldemort. Et ainsi de suite.
Or, ces méchants fascinent. Pas pour rien si Disney a décidé d’explorer les origines de certains d’entre eux. Après deux longs métrages consacrés à Maleficent, la sorcière qui a jeté un bien mauvais sort à la Belle au bois dormant, voici que le studio d’oncle Walt s’intéresse au cas de la flamboyante Cruella de Vil – celle sans qui personne n’aurait jamais entendu parler d’une meute composée de 101 dalmatiens. C’est ainsi que Cruella de Greg Gillespie prend l’affiche le 28 mai en salles et sur Disney + avec, en vedette, deux Emma (et deux méchantes) pour le prix d’une: Emma Stone et Emma Thompson.
La vilaine tueuse de chiots
La vilaine tueuse de chiots qui traque les petits dalmatiens pour s’en faire un manteau de fourrure est apparue une première fois à l’écran dans le film d’animation sorti en 1961. Le fume-cigarette, les tenues hyper classes et, surtout, la chevelure noir et blanc sont aussitôt devenus iconiques. En 1996, elle était de retour, en chair et en os et sous les traits de Glenn Close. Qui a fait merveille… et qui est d’ailleurs l’une des productrices de Cruella.
Le passé de Cruella
Comme toute histoire des origines qui se respecte, Cruella revient dans le temps. Le film nous présente la jeune Estella (Tipper Seifert-Cleveland), qui fréquente une école privée où elle se distingue… par sa chevelure bicolore et son caractère bouillant. Ce qui lui causera des problèmes. D’où son expulsion. Désespérée et sans argent, sa mère tente de trouver de l’aide d’une connaissance bien nantie. Mais tout va de mal en pis et c’est le drame. Estella se retrouve orpheline. En compagnie de deux gamins aussi démunis qu’elle, elle grandit dans les rues de Londres où elle multiplie les larcins, les vols… bref, tout ce qui est nécessaire à leur (sur)vie.
Estella, avant Cruella
Une quinzaine d’années plus tard, Estella, chevelure teinte en roux afin de se fondre dans la masse, n’a toujours ni famille ni toit, mais un rêve remplit sa tête: devenir designer de mode. Dans le Londres punk des années 70, il y a de quoi s’éclater quand on est aussi talentueuse qu’elle.
L’important: faire preuve de patience. Et s’il y en a une qui sait cela, c’est la lumineuse Emma Stone qui brille dans ce film qu’elle juge «sombre, pour un film Disney»: « Ça n’a pas été aussi simple que de recevoir un appel un jour pour jouer Cruella. J’ai été approchée il y a six ans, je crois. Il a fallu longtemps avant de tourner le film. Mais ce personnage est tellement amusant et intéressant, il fallait lui trouver une histoire, trouver aussi dans quel monde elle évoluerait et qui serait en phase avec elle», disait-elle dans une rencontre de presse via la plateforme Zoom à laquelle Sélection.ca était invité.
Ainsi, la jeune femme qu’est devenu Estella est «douce et gentille». Mais pauvre, dans la rue. Et «incomplète» : il y a ce drame, cette pièce manquante de son passé qui la fragilise.
La Baronne
Et un jour, sa route croise celle de la Baronne. La designer de l’heure, incarnée par l’extraordinaire, la talentueuse, la pince-sans-rire, la vive d’esprit (il n’y a pas assez de qualificatifs positifs pour la décrire) Emma Thompson. En rencontre de presse, elle vole toujours la vedette. Elle y parvient même par vidéoconférence, c’est dire. Au sujet de ce personnage qui est un fabuleux cauchemar éveillé, elle rigole en disant: «Si mon mari était dans la pièce, il dirait que je n’ai rien eu à jouer!» Puis, plus (ou moins) sérieusement, elle poursuit: «Quel bonheur de jouer la Baronne! Ça fait des années que je demande si je peux incarner la méchante… mais j’ai passé des décennies à jouer ce que ma mère appelait «de gentilles femmes en robe». Là, enfin, je joue «une méchante en robe»… et quelles robes!!»
Le style vestimentaire
«Les tenues que nous portons sont des sculptures, des œuvres d’art», fait Emma Thompson pour qui les enfiler relevait du défi quotidien, des pieds («En temps normal, je ne porte rien de plus haut que des flip-flops») à la tête («Ces perruques!») en passant par la taille: «Vous savez, quand vous vous portez bien et qu’on vous serre dans le milieu avec un corset, c’est un peu comme quand vous serrez un tube de dentifrice, les «surplus» vont vers le haut et vers le bas. Le résultat est une silhouette avec des formes… extrêmes», pouffe-t-elle en mentionnant que les passages obligés par… les toilettes tenaient de l’épreuve de haut-vol.
Pour ce qui est d’Estella, aux tenues originales, mais sages, elle se transforme au contact de la Baronne – quand elle comprend la véritable nature de sa mentore. Elle devient alors Cruella… et ses tenues explosent de couleurs, de matériaux, d’originalité.
Une tenue qui s’enflamme. Une robe qui fait corps avec une voiture. «Ma préférée de toutes est celle que je porte sur le camion à ordures, avec sa traîne de 12 mètres!» avoue Emma Stone. Cette tenue est en effet spectaculaire. Comme plusieurs autres d’ailleurs. On est bouche bée à plusieurs reprises durant le film en les découvrant. La designer de costumes Jenny Beavan s’est visiblement, elle aussi, éclatée.
Estella est-elle «morte»?
Bref, à cause de la Baronne, la vie de la jeune femme bifurque. Estella est «morte», vive Cruella! Vraiment? Donc… vive une pure incarnation du Mal? Oh que non. La souriante Emma Stone la (et se) défend avec sérieux: «Je ne crois pas que je serais capable de jouer un personnage qui ne serait que méchanceté. De toute manière, pensez-vous que quelqu’un se promène dans la vie en pensant: «Hé, je suis le bad guy!»? Je suis mauvais! Non, même le vilain pense qu’il a raison. Autrement, ça ne fait aucun sens… à moins d’interpréter un genre de robot.» Elle a donc cherché (et trouvé) l’être humain sous les fourrures. C’est ce que raconte Cruella.
Si vous aimez la science-fiction, n’hésitez pas à consulter notre article sur les films de Marvel à voir dans le bon ordre chronologique.
La Baronne, une vilaine avec un grand V
Quant à la Baronne, dont ce n’est pas l’histoire des origines (mais ce serait une piste à explorer une prochaine fois!), on la découvre mauvaise, méchante, malhonnête. Mais? Mais il faut compter sur Emma Thompson pour expliquer cette vilaine avec un grand V. Elle y a réfléchi. Pour elle aussi, impossible de jouer sans avoir trouvé ce à quoi carbure le personnage: «La Baronne ne peut supporter que quiconque d’autre réussisse de quelque manière que ce soit. Elle doit détruire toute concurrence, au lieu de penser que la compétition pourrait faire monter son jeu, la rendre meilleure. Elle se présente donc comme une personnalité très forte, mais dans les faits, elle est faible et contient le germe de sa propre destruction», croit l’actrice… avant d’admettre que «prétendre d’être aussi horrible a été… horriblement facile».
Où sont les dalmatiens?
Les dalmatiens, dans tout ça? Ils sont là. Mais pas 101. Pas encore…
Cinéphiles, il est certain que notre rubrique cinéma va vous inspirer!