Barbie: la vie en rose
Depuis la nuit des temps, les petites filles ont joué à la poupée. Et jouer à la poupée, c’était en fait jouer à la maman… puisque les poupées en question étaient des bébés. Et soudain, en 1959, Barbie est apparue sur le marché nord-américain comme le monolithe noir de Stanley Kubrick parmi les singes, déclenchant chacun à leur façon une (r)évolution.
Ainsi s’ouvre Barbie, que Greta Gerwig (Les quatre filles du docteur March) a réalisé et coécrit avec son compagnon Noah Baumbach (L’histoire d’un mariage). Un film rose bonbon (mais avec des dents) qui a pulvérisé (à coups de talons hauts) les records au moment de sa sortie: meilleur box-office de 2023 pour son week-end d’ouverture mais aussi, et ça, ça parle très fort, meilleur box-office de l’histoire pour le week-end d’ouverture d’un film réalisé par une femme.
Et c’est non seulement tant mieux mais c’est mérité. Parce que les préjugés que l’on peut avoir sur la poupée à la plastique (trop) avantageuse tombent les uns après les autres au fil de cette comédie joyeuse et pétillante, colorée dans tous les sens du terme et bien moins superficielle qu’on aurait pu s’y attendre.
En tête de distribution, Margot Robbie qui n’incarne pas Barbie mais qui est Barbie. Tout comme Ryan Gosling est Ken. Mais son drame, c’est que Ken n’est que Ken. Alors que Barbie est… tout. Elle est présidente. Elle est docteur. Elle est astronaute. Elle est journaliste. Elle est tout ce qu’on peut imaginer qu’elle est. Dur, pour Ken. Qui ne s’en fait pas trop parce que… eh bien, c’est le destin de tous les Ken (et d’Allan, un peu à part des autres «gars», joué avec brio par l’unique Michael Cera). Tous, sont dans l’ombre des Barbie. Jusqu’au jour où, prise d’un élan de cafard, Barbie se met à penser à la mort, découvre de la cellulite sur une de ses cuisses, voit ses pieds devenir «plats» alors qu’ils étaient modelés pour porter des talons vertigineux.
Que se passe-t-il?! Un problème avec l’enfant qui joue avec elle dans le vrai monde, croit Barbie Bizarre (formidable Kate McKinnon). N’écoutant que son courage, car elle en a (et ignore tout de ce qui l’attend hors Barbieland), Barbie prend la route. Accompagnée à son insu par Ken. La première découvre la vie pas rose des femmes dans un monde encore fait par/pour les hommes. Et le second, le patriarcat. Qu’il décide d’importer/imposer à/sur Barbieland. Leur route croise ainsi le pire et le meilleur de l’humanité en termes d’égalité des genres. D’un côté, le grand patron de Mattel (Will Ferrell). De l’autre, une adolescente maintenant en âge de ranger ses poupées – dont sa Barbie – et sa mère.
Pour incarner celle-ci, America Ferrera (Ugly Betty), qui se déchaîne et nous déchire dans un morceau de bravoure percutant sur la condition féminine. C’est simple, son monologue devrait être imprimé, encadré et accroché aux murs des classes de tous niveaux pour être lus et vus par toutes les filles. Et tous les garçons.
Bref, Barbie stéréotypée devient ici Barbie féministe. Mais ne l’a-t-elle pas toujours été?
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