Il y a deux genres d’anthologies d’horreur
Celles qui se déclinent sur une saison complète, par exemple les «Haunting» (The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor ou encore les «American Horror Story» (dans lesquelles on retrouve les mêmes acteurs dans des rôles différents au fil de saisons sous-titrées Murder House, Asylum, Coven, Freak Show, etc.). Une comparaison avec la littérature en ferait les équivalents de romans.
L’autre genre, dont fait partie Patrick Senécal présente, s’apparente plutôt aux nouvelles et, donc, se présente sous forme d’épisodes bouclés. Une façon de raconter l’horreur qui a été extrêmement populaire dans les années 1950, 60 et 70 (Alfred Hitchcock présente, La quatrième dimension, Au-delà du réel, etc.), qui a été délaissé par la suite au profit de séries plus lourdes avec intrigues en continu, mais qui revient en force ces dernières années. En voici dix.
Black Mirror (5 saisons, 22 épisodes, sur Netflix)
C’est la série britannique qui, en 2011, a remis sur la carte les anthologies à épisodes indépendants les uns des autres. Chaque histoire qui y est racontée scrute avec acuité notre société contemporaine à travers la lorgnette des nouvelles technologies et des effets surprises qu’elles ont sur notre quotidien. Le ton est généralement assez sombre, mais réaliste. L’impact sur le spectateur en est d’autant plus fort.
Le tout premier épisode donne le ton: la princesse Susannah est enlevée et, pour la revoir vivante, le premier ministre britannique doit avoir une relation sexuelle avec un cochon, en direct, devant les caméras de télévision. Pas toujours aussi «malaisants», les épisodes font très souvent mouche.
Terreur 404 (2 saisons, 15 épisodes, sur ICI TOU.TV)
De courtes histoires (12 à 17 minutes) où la terreur est au menu, écrites par Samuel Archibald et William S. Messier, et réalisées par Sébastien Diaz. On en émerge en se disant que ces fans d’horreur et les acteurs qui se sont prêtés à leur jeu se sont fait plaisir en nous faisant frissonner.
Couronnée de plusieurs prix, cette série met en joue le quotidien qui dérape vers le pire cauchemar par l’entremise de ces nouvelles technologies avec lesquelles on n’imagine plus vivre. Et si, du coup, elles causaient notre perte? Le taxi réservé grâce une nouvelle application, une demande d’amitié acceptée à la légère, la maison de campagne idéale réservée par Internet: rien que du banal. Jusqu’à ce que…
(Amateur de frissons, ne manquez pas ces films d’horreur incontournables!)
Room 104 (4 saisons, 48 épisodes, sur Club Illico et Crave)
Un seul décor pour cette série américaine des frères Mark et Jay Duplass: une chambre de motel dans laquelle passent des clients qui n’en ressortiront pas indemne (s’ils en sortent). Terreur, horreur, drame psychologico-tordu et humour noir sont de ce menu inégal, mais qui n’ennuie jamais, les épisodes durant moins d’une demi-heure.
La série s’ouvre en 2017 avec la mésaventure d’une gardienne appelée pour s’occuper d’un garçon qui assure avoir un double «méchant» dans la salle de bain; et présente, en avant-dernier chapitre, un épisode réalisé en animation où deux adolescentes s’apprêtent à recevoir à leur manière un gars qu’elles ont invité dans leur chambre – la 104, bien entendu.
Into the Dark (2 saisons, 23 épisodes, sur Hulu)
À l’origine de cette série, Blumhouse Productions. Et Blumhouse Productions, c’est Jason Blum. L’homme derrière les succès au box-office que sont les franchises Paranormal Activity, Insidious, The Purge, mais aussi les films de Jordan Peele, Get Out et Us. Il étend ses tentacules vers le petit écran avec ces téléfilms d’environ 90 minutes.
Le concept: chaque histoire se déroule au moment d’une fête célébrée durant le mois où elle prenait originellement l’affiche. Ainsi défilent Halloween, avec un tueur qui fait passer un vrai cadavre pour un accessoire de son costume; l’Action de Grâce, fête familiale pas évidente à célébrer quand on est agoraphobe; un Noël blanc qu’une mascotte transforme en Noël rouge sang, etc. Pour amateurs d’horreur gore.
The Twilight Zone: La quatrième dimension (2 saisons, 20 épisodes, sur ICI TOU.TV)
Célébré pour son long métrage Get Out, Jordan Peele a à son tour lorgné vers le petit écran et repris à sa manière le concept créé en 1959 par Rod Serling. Comme son illustre prédécesseur, il présente l’épisode et en est le narrateur. Comme dans la série originale, l’histoire d’horreur est au service de messages pas inutiles lorsque compris et appliqués dans la «vraie vie».
Sauf qu’il y avait une finesse dans «le bon vieux temps» qui est devenue grosse morale ici: on surligne le propos comme si l’on doutait de l’intelligence des téléspectateurs. Reste que, pris au premier degré, l’ensemble est divertissant et bien fait. Et puis, il y a cet épisode, Un voyageur, le 4e de la première saison, qui est brillant et renoue avec les origines de la série.
Inside no 9 (5 saisons, 31 épisodes, sur Amazon Prime Video)
Sacrés Anglais! Leur humour est légendaire au point d’en être devenu proverbial, et il se décline à merveille dans les émissions télévisées. Cette série, avec son horreur souvent absurde en est un exemple parfait et c’est un vrai régal. Le «numéro 9» du titre se présente sous toutes les formes imaginables: l’adresse d’une maison ou celle d’une loge, une taille de chaussures, etc.
L’horreur? Oh, elle est là. Toujours. Même si chaque épisode commence par une situation anodine, les choses deviennent tranquillement douloureuses et tordues (inceste, meurtre et autres drames). Les créateurs de la série, Reese Shersmith et Steve Pemberton sont présents dans chaque épisode des premières saisons (en solo ou en duo). Après, on attend et espère leur apparition tant ils sont formidables (et bizarres).
Bloodride (1 saison, 6 épisodes, sur Netflix)
Après ce stop britannique, passons à l’horreur à la norvégienne. Impossible de faire autrement, les séries provenant des pays nordiques ayant la cote (à l’écrit comme à l’écran).
Ici, tout s’ouvre à bord d’un autobus conduit par un individu inquiétant même s’il ne dit jamais un mot. Mais ce regard et ces ombres sur son visage! Pendant les six épisodes d’une demi-heure ainsi amorcés, on suit le destin de chaque passager ou groupe de passagers à son bord. Un père, sa fille et leur chien. Une jeune femme «accompagnée» de son ordinateur. Un groupe d’hommes et de femmes en sous-vêtement. Un type qui partage son siège avec une tête d’éléphant. Et ainsi de suite. L’épisode du récit bouclé est exploité à son maximum: les scénaristes savent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec les personnages; et ils ne s’en privent pas.
Haunted (2 saisons, 12 épisodes, sur Netflix)
Maintenant, direction Tchécoslovaquie! Sous forme de faux documentaires, cette série américano-tchèque explore les «vraies» expériences surnaturelles d’un groupe de personnes/personnages.
On se retrouve donc, en ouverture d’épisode, en présence d’un groupe de soutien dont l’un des membres vient raconter un drame vécu plus ou moins récemment. On va ensuite, en une série d’allers-retours, du présent (le groupe) au passé (la reconstitution des événements). Les histoires (basées sur des «faits réels») sont très classiques (parfois au point d’être usées): tueur psychopathe dont l’âme hante encore une maison, individu possédé par le Mal avec une majuscule, femme enlevée par des extra-terrestres qui ont pratiqué des expériences sur elle, etc.
C’est très «graphique» et pas très engageant, le récit étant entrecoupé par les «témoignages», mais c’est une bonne façon de revisiter (ou de découvrir) les poncifs du genre.
Monsterland (1 saison, 8 épisodes, sur Crave/Hulu)
Retour à ce grand fournisseur d’horreur que sont les États-Unis, avec cette série inspirée d’un recueil de nouvelles de Nathan Ballingrud: North American Lake Monsters – Stories. Il y a donc un «monstre» et de l’eau dans chaque épisode, mais aussi, d’une certaine façon, une profonde poésie littéraire. Ces histoires s’étalant sur une heure, il est plus aisé de creuser les personnages et les situations, de montrer les nuances et de complexifier le récit. Avec surprise à la clé.
Le titre des épisodes est le nom de la ville et de l’État où le récit se déroule. Ils mettent en scène une mère qui a de la difficulté à joindre les deux bouts, un adolescent qui doit prendre soin de sa mère invalide, un enfant séparé de ses parents pendant une fête foraine, etc. Quant aux monstres, ils sont parfois mythiques (sirène), horrifiques (ombre maléfique), mais les pires sont bien humains.
Masters of Horror (2 saisons, 26 épisodes, sur Amazon Prime Video)
À l’origine de cette série qui mise sur des réalisateurs d’expérience ayant une solide feuille de route en matière d’horreur, des soupers entre copains pratiquant le genre horrifique derrière les caméras. On parle ici des John Carpenter, Guillermo Del Toro, Eli Roth, Rob Zombie, David Cronenberg et autres.
Plusieurs membres des «Maîtres de l’horreur» ont par la suite célébré leur amitié en prenant en charge un épisode correspondant à leurs goûts (macabres), épisodes dont certains ont même fait l’objet, dans certains pays, d’une sortie au cinéma. C’est une série qui a des moyens et ça se voit à l’écran. C’est aussi une série qui s’adresse aux fans du genre parce que, côté violence, on n’y va pas avec le dos de la cuillère, mais avec le tranchant du couteau.
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